Le Marché de Noël

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« Et là, tu vois, Éric, dit sa mère, c'était là que se dressait la grande roue. Ici, le marchand de pain d'épices, ici celui de vin chaud. »

Comme il n'y avait pas de Marché de Noël cette année (il y avait eu une maigre chute de neige, comme par erreur, mais il n'y avait pas d'hiver cette année, donc pas de Noël ni de Marché), la maman d'Éric avait décidé de les emmener quand même, sa sœur Marie et lui, sur la place du Centre-ville où celui-ci se tenait d'habitude. Et comme la maman d'Éric et Marie était une très bonne conteuse, elle leur décrivait les lieux comme s'ils avaient été assemblés cette année encore.

« Là, il y avait un homme qui faisait des mobiles en bois et en verre qui tournaient dans le vent, ajouta la mère d'Éric. Votre père adorait ce stand. »

Leur mère ne manquait pas une occasion de leur parler de leur père, disparu six ans auparavant - vraiment disparu, ce n'était pas une métaphore pour parler d'un décès. Éric avait deux ans, Marie avait six mois, mais leur mère leur avait raconté ce qu'il s'était passé : leur père beurrait une biscotte dans la cuisine en préparant le café et avait subitement disparu. Un instant il était là, l'instant suivant la biscotte et le couteau à beurre étaient par terre et Papa avait disparu.

Des grands à l'école avaient essayé de faire croire à Éric toutes sortes d'horribles mensonges, que son père était en fait parti vivre ailleurs et que sa mère ne voulait pas le lui dire, que ses parents ne s'aimaient plus, que son père les avait abandonnés et tout ça. Mais Éric n'y avait pas cru une seconde. Il lui suffisait de voir et d'entendre sa mère parler de leur père avec de l'amour dans la voix. Il savait, lui, que son père avait disparu comme ça, comme sa mère avait dit. Il n'y avait pas de raison pour qu'il soit parti sans eux.

Tandis que Maman et Marie marchaient un peu vers la gauche et que Maman expliquait à Marie qu'il y avait là un artisan qui faisait des bijoux en toc mais très beaux qui brillaient au soleil, Éric se demanda pourquoi il n'y avait pas de Marché de Noël cette année. Après tout, l'année passée, accompagné de sa marraine, il avait acheté pour trois euros et cinquante centimes - tout son argent de poche - une paire de boucles d'oreille en toc au marchand dont elle parlait. Certes, Maman ne pouvait pas porter de boucles d'oreilles - elle lui avait parlé d'oreilles percées et d'autres choses, et il s'était dit qu'effectivement, se trouer la peau pour porter un bijou n'avait pas l'air agréable. Mais Maman ne lui en avait pas voulu de lui offrir un bijou qu'elle ne pouvait pas porter et elle lui avait dit de garder une des boucles d'oreilles et elle garderait l'autre, comme cela ils seraient toujours reliés. Il l'avait encore dans la poche de sa doudoune. C'était son plus précieux trésor.

« Oh ! » murmura Éric en voyant un reflet sur la neige de la place.

Cela ressemblait au reflet du soleil sur l'un des bijoux toc du marchand. Si c'en était un, peut-être Éric pouvait-il le ramasser, le laver et l'offrir à Maman pour Noël !

Il s'éloigna tout doucement, ne voulant pas attirer les soupçons de Maman, qui parlait toujours à Marie du vendeur de chandelles parfumées. La neige - plutôt la boue, tant on avait marché dedans depuis sa chute - ralentissait sa progression, mais il était sûr qu'il allait atteindre ce bijou.

Il marcha plus loin qu'il ne pensait que le bijou était. La neige était toute blanche, là où il était. Et le vent froid lui piquait les joues. Et pourquoi y avait-il autant de congères sur une place pavée sans trottoirs ?

Il contourna une congère un peu trop haute et vit ce qui brillait tant. Une couronne, posée sur la tête d'une petite fille. Éric sursauta et regarda où se trouvait Maman. Elle avait disparu, tout comme Marie et la place du marché. En fait, il se trouvait au sommet d'une colline recouverte de neige, et le seul être vivant qu'il vit était une petite fille de son âge, vêtue d'une chemise de nuit et de chaussons blancs, avec un diadème blanc sur la tête, serti d'une pierre violette, et...

Ah, oui, aussi : la petite fille avait de longues ailes blanches, comme un papillon fait de givre.

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