Épisode 9 - Excursion
Opening : https://www.youtube.com/watch?v=DDjPc51fR8Y
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En une désagréable impression de déjà-vu, Ryul examinait minutieusement Tokri afin de lui accorder son droit de sortie, mettant fin à trois semaines totalement alité. Bien qu'il en avait profité pour se livrer à des exercices de méditation, son impatience transparaissait par ses grandes difficultés à se tenir immobile et c'est avec soulagement qu'il quitta enfin l'hôpital pour retrouver ses coéquipiers.
Tokri rejoignit son équipe au point de rendez-vous. Face à l’entrée des écuries, situées non loin des enceintes Ouest de Chikara, Izul fut la première à venir à sa rencontre.
— Comment te sens-tu ? s’enquit-elle de son état, soucieuse. Tu penses être en état pour la mission ?
— Il va falloir me supporter, répliqua placidement le jeune homme, dont seul le sourire taquin trahissait la bonne humeur.
D’abord mutique avant de comprendre avec surprise que Tokri venait de se livrer à un trait d’humour, la kunoichi pouffa de rire. Tous deux rejoignirent leurs compagnons, quelque peu surpris du spectacle d’un Tokri faisant rire la kunoichi d'azur.
Le Juunin les accueillit d’un sourire à demi masqué par la fumée de sa cigarette, amusé d’observer son taciturne élève se débrider pour la première fois depuis la formation de l’équipe. Mutika lui lança un bref signe de tête, tandis que Nika lui adressa un sourire timide dans lequel Tokri crut lire du soulagement.
— Nous allons emprunter quelques dodos pour la traversée du désert, annonça Gomaki, les ramenant au professionnalisme.
Intimant par le geste qu’ils devaient lui emboîter le pas, Gomaki pénétra à l’intérieur du bâtiment. Les enclos étaient disposés par rangée, à leur droite et gauche. Les shinobis traversèrent l’allée centrale, observant les oiseaux géants qui vaquaient à leurs occupations. Certains étaient affairés à terminer le contenu de leurs mangeoires tandis que d’autres paressaient, profitant de cet instant où nul humain n’avait besoin de leur vivacité.
Un peu plus grands qu’un humain, les dodos de Chikara arboraient un brillant plumage d’or, une particularité propre aux espèces du désert. Un bref instant, Tokri se demanda quelles pouvaient être les couleurs des dodos de Mahou et de Gensou.
L’Utak sourit en voyant quelques curieux passer la tête au-dessus de la porte de leur enclos, observant avec curiosité les ninjas requérant leurs services, leur pétillant regard trahissant leur grande intelligence. Farouches à l’état sauvage, les dodos domptés devenaient des créatures affectueuses et amicales, reconnaissant des vies paisibles offertes par leurs maîtres.
L’équipe s’arrêta finalement devant les enclos vingt-quatre à vingt-huit. Gomaki s’approcha du premier et tendit lentement la paume de sa main gauche. Le dodo le fixa droit dans les yeux, puis le laissa lui grattouiller le bec, témoignage de son accord pour le Juunin.
— Tu m’as manqué, lui chuchota Gomaki en lui caressant le front.
— Oh ? s’étonna Izul. Vous empruntez régulièrement la même ?
Gomaki lui répondit de son sourire paternel, tandis que l’Utak remarqua que Izul avait déterminé avec aisance le sexe du dodo.
— Quand un lien est tissé avec un animal, mieux vaut le préserver.
— C’est très rare cette mentalité, répondit-elle en s’approchant avec assurance du second enclos.
Elle effectua la même opération que son sensei avec le second oiseau. Rapidement acceptée, la kunoichi d'azur chercha ensuite quelque chose dans la poche de son mini-short.
— En général, les shinobis prennent les premiers disponibles sans se poser de questions, sembla-t-elle regretter en sortant une clef.
Ses collègues Genins furent surpris de la voir déverrouillé la porte, contrairement à Gomaki. La Leïl pénétra tranquillement dans l’habitat et caressa avec douceur le plumage du cou de l’animal.
— Déjà dans l’enclos, Izul ?
Le groupe se tourna d’un seul homme vers la femme qui venait de prononcer ses mots. Tokri fut frappé de constater sa ressemblance avec la Genin aux cheveux bleus, en une version grisonnante avec quelques rides sur le front. Aussi ne fut-il pas surpris en entendant sa collègue répondre :
— Cela faisait trop longtemps que je les avais vu, maman.
La dame lui sourit. Bien que chaleureuse, l’Utak ne put s’empêcher de noter une certaine mélancolie dans son expression. Elle tendit des rênes à sa fille et de quoi seller le dodo. La jeune femme s'affaira avec le naturel de l’habitude.
— Je suis responsable des bêtes qui vous sont attribuées, déclara la mère d'Izul. N’hésitez pas si vous avez besoin d’aide pour la préparation.
Avoir vu Gomaki et Izul procéder avec leurs montures avaient rafraîchi la mémoire de Tokri des cours d'initiation de l'Académie. Il tendit lentement la main vers l’un des oiseaux, qui plissa les yeux dans lesquels le Genin crut lire de la suspicion. Il se pencha avec précaution vers ses doigts jusqu’à les effleurer. Quelques secondes supplémentaires s’écoulèrent avant que le dodo ne le mordille doucement. Mal à l’aise, Nika demanda conseil à madame Leïl pour lier le contact avec son dodo. Une fois que chacun fut accepté, l’éleveuse ouvrit les enclos et encadra l’installation des selles et rênes. Les Genins suivirent ensuite leur mentor en dehors des écuries.
— Merci Elena, lui dit chaleureusement le Myô.
— C’est toujours un plaisir Gomaki, répondit la Leïl qui étreignit sa fille, avant de la laisser monter sur son destrier. Prends soin de ma fille.
— Je n’y manquerai pas, lui assura-t-il, avant de guider son équipe vers la sortie de Chikara.
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Une fois la grande porte du Village franchis, la fine équipe traversa ensemble le désert du Sable pour la première fois. Chacun était muni d’un turban autour de la tête pour diminuer l’écrasant impact du soleil Chikarate sur leur organisme. Face à la chaleur accablante, Mutika avait même rangé sa fidèle écharpe dans son paquetage.
Tout en chevauchant, Tokri se sentit grisé par le vent chaud qui caressait son visage, presque hypnotisé par les remous de sable à l’horizon. Se savoir appartenir à un peuple capable de supporter les rudes conditions de cette traversée l’emplissait de fierté.
Au bout de quelques heures, un énorme rocher se dessina à l’horizon, le premier dans le paysage jusqu'alors vide de vie de l’océan de sable. Lorsqu’ils s’approchèrent de la masse rocheuse, Tokri fut surpris de voir Gomaki ralentir sa course. Le Juunin leur avait pourtant donné pour objectif de rallier un avant-poste de Chikara en bordure du désert avant la tombée de la nuit, tout en préservant la forme des dodos.
— Pourquoi nous arrêtons-nous ? demanda Mutika, tout autant interloqué que l’Utak.
— Pour admirer une merveille de la nature, déclara le ninja tout en observant la masse rocheuse.
Intrigué, Tokri suivit son regard. Il eut l’impression de la voir se soulever par instant, avant de s’affaisser. Était-ce un effet d’optique lié à la chaleur ?
— Un Géokhélone, chuchota Izul non loin de lui, impressionnée. C’est la première fois que j’en vois un en chair et en roche.
Surpris, le Genin détailla d’un regard neuf les formes de la semi-montagne jusqu’à repérer, enfoui dans sa carapace, la tête de la gigantesque tortue plongée dans un profond sommeil.
— Vous pensez qu’on peut s’en approcher ? demanda Nika avec curiosité.
— Normalement oui, lui expliqua Izul. Les Géokhélones sont d’un naturel tranquille et ne répliquent qu’en cas d’agression directe. Tant qu’on ne le touche pas et que son repos est respecté, il ne sera pas dangereux.
Muant son désir en acte, la Hynomori dirigea sa monture de quelques pas vers la tortue, avant de pousser un cri de surprise. Le sable vibra soudainement, suivi du fracas d’un geyser de sable s’interposant entre Nika et sa destination. Le sang de Tokri se glaça. A travers les rideaux d’or, un ver des sables fondait sur la kunoichi, ses dents tranchantes scintillantes au soleil, prêts à la dévorer. Il n’eut le temps que de décacheter la sacoche de projectiles fixée à sa jambe droite que le lombric, tranché en deux, chuta lourdement, soulevant des volutes de grains dorées.
L’Utak entendit un bruissement non loin de lui et s’arma d’un kunai, comprenant ce qui arrivait. A sa droite, un geyser de sable dévoila un nouveau ver géant. Le Genin fit bifurquer sa monture et s’apprêta à frapper l’amas de dents acérés prêts à déchirer sa chair. Une brise surnaturelle souleva les mèches de ses cheveux et, un clignement de cil plus tard, la créature fut réduite en une multitude de lambeaux poisseux.
Tokri se tourna vers ses camarades et vit que d’écoeurants restes de ver jonchaient le sol non loin de chacun d’entre eux. Face au groupe se tenait Gomaki, penché en avant après avoir effectué une glissade, marquant le désert d’une traînée éphémère. A la concentration du Juunin, paumes posées au sol et yeux fermés, tous comprirent que l’attaque des monstres n’était pas terminée.
Lorsqu’il les ouvrit, une tornade de sable se dressa face à lui, faisant voler face au groupe une larve bien plus grande que les précédents. Le Myô fonça, tout en composant des mudras, jusqu'à se retrouver sous la créature. Ses joues se gonflèrent, avant d'expédier une impressionnante boule de feu qui carbonisa le monstre. Le Myô exécuta un dernier saut arrière, laissant sa victime choir sur sa position précédente, contorsionné de souffrance et poussant d’hideux sons aigus d’agonie jusqu'à devenir définitivement immobile.
— Gokkakyu no jutsu, reconnut une Nika impressionnée par la performance de leur sensei. Je suis à des années lumières de ce niveau.
Éloigné du lieu de l’attaque, le Géokhélone n'avait pas esquissé le moindre mouvement. Le Juunin rejoignit son dodo et l’apaisa de quelques caresses avant de se remettre en selle.
— Navré de ne pas les avoir repéré plus tôt, s’excusa le Myô une fois qu’il eût rejoint ses élèves. Évitons d’aussi longue pause jusqu’à la sortie du désert.
Tokri se mordit une lèvre en comprenant où était le problème. Les Genins n’étaient pas assez forts pour se permettre de lambiner en chemin, même pour quelques minutes. Le Désert était aussi dangereux que magnifique. Sous le tapis d’or comme au-dessus, de nombreuses créatures attendaient la moindre occasion pour se sustenter des êtres qui osaient sous-estimer l’impitoyabilité de leurs hôtes.
— Nous avons eu de la chance, déclara Izul d’une voix à demi-éteinte. Ils ne procédaient pas comme je l’ai lu dans les livres.
— Des bébés, précisa leur mentor. Ils étaient certainement en train d’apprendre la chasse. Des incidents de ce genre ne se reproduiront plus.
En conséquence, l’équipe termina le voyage sans s’accorder la moindre pause avant la sortie du désert. Ils rejoignirent finalement l’avant-poste de Chikara pour la nuit, une discrète cabane occupée par deux éclaireurs, à qui furent confiée les dodos de l’équipe. Nikidami n’étant plus qu’à un jour et demi de marche, Gomaki jugea important que ses élèves ne s’habituent pas au trajet sur monture, bien des missions requérant de la discrétion leur imposeront à l’avenir la marche à pied.
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Au troisième jour de voyage, ils arrivèrent au sein d'un modeste village en pleine effervescence autour de la préparation de la fête du métal, un évènement majeur pour leur modeste économie. Gomaki les informa devoir rencontrer le maire en privé et donna quartier libre à ses élèves, après avoir fixé avec eux d’une heure et d'un point de rendez-vous.
Nikidami n’était pas bien grand et ils en firent bien vite le tour. Entouré de champs et de verdure, le village tirait ses revenus de subsistance de l’agriculture qu’il commercialisait avec Chikara et de l’exploitation d’une mine souterraine, dont elle vendait la majorité des minéraux à Gensou. Arbres et fleurs étaient omniprésents entre les maisons, tantôt de bois et tantôt de pierre.
De l’initiative de Mutika, les Genins finirent par s’installer au sommet d’une petite colline à proximité de l’entrée du village pour y partager une glace. N’ayant jamais quitté le désert, les adolescents ne cessaient de s’amuser de leur découverte de l’herbe et des fleurs. Quelques heures s’écoulèrent jusqu’à l’arrivée de trois personnes bien différentes des Nikidamiens. Arborant un bandeau dont le motif représentait une cascade, les Genins devinèrent sans mal qu’il s’agissait de leurs collègues Gensouards. Les Chikarates allèrent à leur rencontre et se présentèrent successivement. Leurs homologues en firent de même. L’Utak tenta de retenir leurs noms et prénoms : Chihousou Masaka, Kazuo Sabishii et Sarouh Tsumyo. De leur groupe, seul Kazuo était Genin.
Chihousou se présenta comme étant le chef de l'escouade Gensouard, et dorénavant le leader de leur escouade inter-Village. Malgré sa grande taille, il était d'une silhouette extrêmement fine. Tokri ne pensait pas prendre trop de risque en estimant qu'il devait être un adepte du ninjutsu ou du genjutsu. Le Masaka portait un bandana sur ses yeux, dont débordait quelques cheveux blonds mi-longs. Aveugle ou non, cela ne semblait pas le gêner pour repérer ses interlocuteurs et en imposer par sa stricte prestance.
Il suffit d'un regard échangé avec Kazuo Sabishii pour donner à Tokri l'envie de le frapper. Tout dans son attitude prétentieuse répugnait l'Utak. De taille moyenne, le Sabishii était apprêté avec la minutie de celui qui faisait passer l'apparence au centre de ses préoccupations. Blondinet coiffé d'une petite mèche relevée, il adressa plusieurs clins d'œil qui se voulait charmeur à l'adresse de Nika et Izul.
Frêle d'apparence malgré son mètre quatre-vingt, Sarouh Tsumyo avait des cheveux bleus ébouriffés. Portant son katana le long de son dos, il sembla jauger Tokri de son regard émeraude, le fixant un peu trop intensément à son goût.
Les deux équipes s’échangèrent des banalités de rigueur avant de se séparer. Fatigué, le groupe Chikarate s'engagea dans une large ruelle avec l'attention de rejoindre Gomaki lorsque quelqu’un les apostropha :
— Tokri Utak ! J’aimerais te parler !
Les quatre Genins se retournèrent et virent avec surprise Sarouh s’approcher d’eux. Tokri prit conscience de la jeunesse du Chuunin, moins âgé que lui. Sans qu'il ne réussisse à mettre le doigt sur la raison, le visage du garçon aux cheveux bleus était vaguement familier au Genin, qui intima du regard le Gensouard à s’expliquer.
— Je souhaiterais t’affronter dans un duel amical, dit-il calmement, mains derrière le dos.
— Aucune envie de retourner à l'hosto pour un caprice, répliqua sèchement Tokri. Trouve-toi un autre jouet.
— Il n’y aura aucun blessé, lui assura Sarouh. Tu as ma parole.
L’Utak jeta un regard autour d’eux et constata que leur échange avait attiré l’attention des passants aux alentours. Beaucoup de personnes s’étaient tournées avec inquiétude en entendant le Chuunin parler d’un duel, un combat entre shinobis étant synonyme pour eux de dommages urbains.
Refuser aurait été facile, mais les regards sur lui étaient toutefois clairs, faisant peser le poids de la mission sur ses épaules : un Chikarate n’avait pas le droit de fuir un shinobi rival. Décliner le combat risquait d'entacher leurs réputations.
— Très bien, accepta-t-il à contrecœur.
Tokri demanda à ses compagnons de ne pas intervenir, quoi qu’il advienne. Afin de préserver la réputation de leur Village, mieux valait éviter d’attaquer à plusieurs contre un.
Les deux adversaires se fixèrent un court instant, se jaugeant du regard. Jugeant qu’il valait mieux l’évaluer sur son propre domaine de prédilection, l’Utak prit l’initiative. Sarouh para son coup de poing, puis un autre. Malgré les assauts continus, le Tsumyo réussissait à contenir le Genin aux cheveux de jais. Tokri sentait malgré tout que le duel au corps à corps l’avantageait. Après avoir concentré du Chakra dans son genou, Tokri le frappa en plein estomac, lui coupant le souffle.
L'Utak le saisit aux épaules et cala un coup de tête en plein dans son front, le faisant tituber de quelques pas en arrière, tandis que le Genin étendit adroitement son énergie sur l’ensemble de sa jambe avant de frapper son adversaire de plein fouet, le faisant tournoyer sur lui-même avant de heurter violemment le sol.
Sarouh lutta une fraction de seconde pour se relever. Il essuya le sang de sa lèvre inférieure, un sourire satisfait aux lèvres.
— Tu es doué pour le taijutsu, le félicita-t-il sincèrement.
Le Gensouard extirpa son katana de son fourreau. Était-ce son domaine d'expertise ? L’Utak régula sa respiration, se doutant qu’un mauvais mouvement pouvait entraîner une défaite immédiate. Ce garçon était un Chuunin, il ne fallait pas le prendre à la légère. Sarouh se positionna, attendant que Tokri vienne à lui. Ce dernier feinta une attaque à l’aide d’un clone illusoire, que Sarouh déjoua sans mal en jouant de sa lame.
Une mince éraflure barra le ventre de Tokri. Décidé à ne pas le laisser se ressaisir, Sarouh porta à toute vitesse estocs et autre taille. Bien que débordé, le Chikarate parvenait à esquiver la lame aiguisée, jusqu’à ce que le Chuunin finisse par s’éloigner. Il toisa son adversaire d’un sourire carnassier et fit glisser un index le long de son arme, qui disparut progressivement. Tokri grogna en reconnaissant sa bête noire.
— Voyons ce que tu peux faire face à une lame invisible, le défia l’illusionniste en un clin d'œil railleur.
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Ending : https://www.youtube.com/watch?v=TqFkv1ib1FU
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