Le dernier éclat, je l’ai senti battre sous ma peau.
Juste là, au creux de ma poitrine. Comme un second cœur, fait de verre et de silence.

Je suis retournée dans le cercle. Là où tout avait commencé.
Le monde tremblait. Le ciel s'effilochait en filaments d’encre, les racines chantaient en une langue oubliée. Le miroir flottait au centre, incomplet, affamé. Et elle — l’autre moi — m’attendait.

— Donne-le-moi, murmura-t-elle. Termine ce que tu as commencé.
— Et si je refuse ?
— Tu ne peux pas. Tu l’as déjà fait.

Elle leva la main. Une lumière aveuglante jaillit d’elle. Elle n’était plus moi. Elle était toutes les Ely qu’on n’a pas regardées. Tous les possibles, tous les regrets. Tous les reflets refusés.

J’ai vu des versions de moi que je n’avais jamais été :
Une Ely qui n’avait jamais quitté l’orphelinat.
Une Ely aux yeux vides, reine d’un monde sans ciel.
Une Ely sans peur.
Une Ely sans âme.

— Choisis, dit-elle. Sois moi, ou perds-toi.

Et j’ai compris.
Ce miroir, ce monde, tout ça n’était pas une prison.
C’était une offre.

Être ce que je voulais. Me recréer. Ou revenir brisée.

J’ai regardé le dernier éclat. Et je l’ai planté dans ma paume. Le verre a tranché net. Mais au lieu de douleur, j’ai senti une clarté. Comme si j’avais enfin ouvert les yeux.

Je ne suis pas son reflet.
Elle est le mien.
Une peur que j’ai nourrie. Une vie que j’ai refusée. Et maintenant… je peux choisir.

J’ai tendu la main. Pas pour fuir.
Pour fusionner.

Les éclats ont vibré, se sont assemblés dans un bruit cristallin.
Et le miroir s’est refermé. Une dernière fois.

Je me suis réveillée dans ma chambre. Le miroir était là, intact. Mon reflet aussi.

Mais dans mes yeux… il y avait quelque chose de plus.

Quelque chose qui regarde en retour.