J’entends des cris de joie. Je devine malgré moi ce qu’ils acclament. J’aimerais bien m’effondrer et pleurer toutes les larmes de mon corps, mais deux gardes m’empêchent de tomber.

Dans un instant, je vais franchir la porte et monter sur l’estrade. Ma mort sera un véritable spectacle qui ne fera souffrir qu’Aurore. J’espère qu’elle s’en sortira et qu’elle vivra longtemps, bien plus longtemps que moi.

Le battant s’ouvre et je suis tiré dans la salle. Mes genoux heurtent les marches lorsqu’ils m’emmènent devant le bourreau. Ce dernier est munie d’une longue robe noire, d’une hache gigantesque, et d’une cagoule. Il garde l’anonymat, sûrement pour que personne ne lui fasse payer pour tous ceux qu’il a tué. J’espère qu’il se souviendra de moi jusqu’à sa mort, et que je hanterai ses nuits.

- Finissez en, je dis au bourreau, j’ai hâte de quitter ce nid à problèmes.

Ce dernier ne répond rien. Au fond de moi, la peur me ronge. J’ai toujours craint de mourir, peur qu’il n’y ait rien après celle-ci. Une angoisse qui me paralyse de l’intérieur.

Je sais ce qui m’attend, et cela rend chaque seconde qui passe encore plus difficile et insupportable que la précédente.

Un ballet de trompettes joue soudainement. Je lève la tête, juste au moment où le roi entre dans la pièce. Le silence se fait entendre parmi les convives.

La rage se fait une place dans mon esprit. Il m’a enlevé tout ce que j’avais, y compris l’espoir de vivre heureux avec mon âme liée. Bientôt, il m’enlèvera aussi la vie.

La musique change, et soudain une autre porte s’ouvre. Je me fige. Aurore fait son apparition dans la salle, et s’avance lentement vers Henry. Elle est magnifique. La robe nacrée qu’elle porte souligne ses formes, ce qui lui donne une élégance particulière. Un voile cache ses yeux, à mon grand malheur : je ne vois pas son expression. Elle semble avoir un peu de mal à marcher dans les talons hauts qu’elle porte. Mais malgré tout, elle s’efforce de faire honneur au rang qui sera le sien.

Je secoue la tête, m’oblige à ne plus la regarder. Elle est si désirable que je pourrais renoncer à l’idée de mourir, et me débattre tel un fou rien que pour elle.

Aurore. Le lever du jour. Le début d’une ère nouvelle. Ce prénom lui va bien. Il symbolise tout ce qu’elle va accomplir dans sa vie pour changer les choses. Dommage que mon prénom ne s’accorde pas avec le sien.

Je prends soudainement conscience du temps que j’ai passé, à moitié debout sur l’estrade. Pourquoi est-ce si long ? Débarrassez vous de moi, je ne veux pas assister plus longtemps à cette mascarade !

Aurore a enfin rejoint le Roi, qui lui prend le bras, un geste doux en apparence, mais ferme qui fait vaciller mon âme liée. Au moins, j’ai la confirmation qu’elle n’est vraiment pas à l’aise avec lui. Cette pensée me paraît égoïste. Non, je lui souhaite de vivre longtemps et de trouver le bonheur, qu’importe la manière. Je ne veux pas l’entraîner dans mon malheur.

- Chers Eldoriens, Chères Eldoriennes. Nous sommes réunis en ce jour pour célébrer deux événements. Mon mariage et la mise à mort d’un traitre.

La foule applaudit bruyamment. Je m’aperçois à ma grande surprise que celle-ci n’est pas composée entièrement de courtisans, mais de gens de tous les niveaux.

- Commençons par le mariage, que l’assassin du précédent Roi puisse voir à quel point la famille royale se consolide et à quel point il est impuissant face à nous !

Il balaye la foule du regard, acquiesçant devant son approbation, puis pose les yeux sur moi.

- Qu’il voit à quel point, le lien qui unit deux âmes dans un mariage surpasse tout le reste.

Je pâlis.

Il sait pour les âmes liées.

Il sait pour nous.