Chapitre 10 : (Henry)

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- Juste une question… Pourquoi m’amener voir les étoiles ?

Peut-être parce que tu as laissé sous-entendre que tu aimais les admirer.

- Ta cellule empeste, je réponds à la place. J’ai choisi cet endroit car il n’y a ni convives, ni gardes pour écouter.

Un demi-mensonge en quelque sorte.

Aurore, accoudée à la rambarde du plus haut balcon du palais, arrête de me fixer pour observer ces points brillants dans le ciel encre qui la fascinent tant. Ses épaules ne sont pas crispées, même son visage ne me semble pas aussi blanc que d’habitude. Elle est sereine.

Exactement l’effet désiré.

Maintenant vient la partie de mon plan la plus délicate. Je fais mine de m’intéresser aussi aux astres et je lance :

- Ce qui m’a toujours passionné dans les étoiles, c’est leur vraie nature. Seraient-ce seulement des points lumineux perdus dans l’immensité bleue, ou alors des signaux venant d’autres planètes semblables à la nôtre ? Et si elles sont habitables, y a-t-il seulement un moyen de les atteindre pour s’y installer ?

Je suis fier de ma réplique. J’ai passé du temps à la retravailler pour avoir l’air aussi passionné qu’elle.

Mauvaise idée, apparemment.

Elle se crispe.

Je tente une autre question.

- Pourquoi aimez-vous admirer les étoiles ?

Elle hésite à répondre, c’est clair. Mais elle semble se rappeler qu’elle n’a pas le choix, ce qui me satisfait grandement.
Au moins une chose que j’ai faite correctement.

- Je les admire parce qu’elles sont courageuses de briller seules dans ce néant qu’est l’univers. Sans elles, nombreux sont ceux qui seraient perdus. Parfois, quand je regarde bien, j’arrive à les relier pour faire des dessins.

- Tu sais reconnaître les constellations ?

Je suis interloqué. Comment une fille du troisième niveau a-t-elle seulement pu acquérir de telles compétences en astronomie ?

- Non, pas vraiment, avoue-t-elle en rougissant. J’invente mes propres dessins.

- Ah, je comprends mieux maintenant. Saurais-tu m’en montrer une ?

Aurore me regarde, surprise par l’intérêt que je lui porte.

- Vous voyez cette étoile très brillante comparée aux autres ? demande-t-elle en me montrant l’étoile polaire.

J’acquiesce, plus concentré sur elle que sur ses explications. Au fur et à mesure qu’elle parle, son bras bouge pour tracer un dessin invisible dans le ciel. Et à mon plus grand étonnement, je finis par voir moi aussi le chien qu’elle décrit.

Puis, nous restons un moment silencieux, la tête perdue dans la voie lactée. Je décide finalement de briser le silence et me rapproche d’elle.

- Aurore ?

Elle lève la tête.

- Votre Majesté ? répond-elle, ses yeux dans les miens, à quelques dizaines de centimètres de moi.

Je me délecte de cet instant avant de lui murmurer :

- Ne devrions-nous pas laisser tomber les convenances, les politesses, tout ce qui définit notre statut dans ce monde, pour juste être Henry et Aurore… et non Roi et Voleuse ?

- Peut-être.

C’est une courte réponse qu’elle offre, avant de détourner le regard et d’agrandir un peu la distance qui nous sépare. Contrarié par son manque de clarté, je fais de même.
Au lieu de continuer notre observation des étoiles, je baisse la tête.

En cette nuit fraîche d’automne, la ville est illuminée de nombreuses lanternes et torches, éclairant les rues et les maisons. Malgré l’heure tardive, Eldory fourmille d'activités. Je regarde cette scène du haut de mon balcon. Ces gens qui soutiennent le royaume, mes petits sujets. Mais je vois aussi les nombreuses zones sombres, remplies de bâtiments délabrés, les gens qui grelottent de froid, ceux qui se tiennent le ventre, les larmes aux yeux.

Ça, c’est le pays que je dirige.

Si je ne trouve pas un moyen d’accélérer mon plan, il ne restera bientôt plus rien.

- De nouvelles visions depuis hier ?

- Non, malheureusement.

Je ne réponds rien, ne la gronde pas non plus, étant donné que jusqu’à présent, elle faisait presque une vision tous les jours. Et aussi parce que je n’ai aucune idée de comment ce phénomène fonctionne exactement.

Un problème auquel il va falloir que je remédie rapidement. Ce qui veut dire que je vais devoir faire des recherches à la bibliothèque, en espérant avoir de la chance cette fois.
Je m’aperçois qu’Aurore se frotte les bras, tout en grelottant. Je ne m’étais pas rendu compte qu’il faisait aussi froid. C’est peut-être aussi à cause de ses vêtements, qui, comparés aux miens, sont en lambeaux. Je vais m’occuper de ça aussi.

- Rentrons à l’intérieur.

Mon souffle forme des nuages de vapeur dans l’air glacé. C’est une mauvaise saison pour traîner dehors. Elle hoche la tête.

Nous traversons les couloirs luxueux en direction des cellules, silencieux. Et, au moment de passer devant la cellule 28, Aurore se fige.

Je m’arrête à côté d’elle.

- Tout va bien ?

Elle ne répond pas. Ses yeux fixent le vide, écarquillés.

Elle a une vision.

Un souvenir ressurgit soudain dans mon esprit. Elle a déjà eu une vision ici. Une vision plus douloureuse.

Devant la cellule de Zéphyr.

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