Chapitre 17 : (Henry)
- Je te savais traître, lâche, manipulateur… Mais tu n'as simplement plus de cœur. Torturer une femme ?! Je n’arrive pas à croire que tu puisses t’abaisser à un coup pareil.
Les paroles de Zéphyr ne devraient pas me blesser, tout comme je ne devrais pas me soucier de ce qu’Aurore pense de moi. Mais je ne peux pas. Cependant, avant que j’aie le temps de répliquer quoi que ce soit, Zéphyr se lève.
Il se place entre moi et Aurore, tremblant sous l’effort, et me lance un regard de défi.
- Je viens peut-être de me réveiller après des semaines, je suis sans force, épuisé… mais si tu veux lui faire du mal, toucher à un seul de ses cheveux… Tu vas devoir m’affronter.
Je souris. L’offre est tentante, pour sauver mon honneur et le mettre plus bas que terre. Et j’aime l’idée de lui faire croire que je suis quelqu’un qui torture avec impassibilité ou plaisir. Mais je ne veux pas lui mentir devant elle, et perdre ma crédibilité.
- Nous n’aurons pas à nous affronter, alors. Car je ne compte pas la torturer… mais l’emmener à un bal que j’organise ce soir.
Leur surprise est un plaisir pour mes yeux. Surtout la lueur de jalousie dans ceux de Zéphyr. Je le contourne et demande la main de la jeune femme, bouche bée. Elle me la donne avec timidité, et je lui retire ses menottes. Nous sortons de la cellule.
Avant que les gardes ne referment la porte, j’ai le temps de lancer, à un prisonnier dégoûté :
- Bonne soirée !
J’aime rappeler à Zéphyr quelle place il a dans mon royaume. Et que je suis capable de lui prendre ce qu’il lui reste.
En chemin, Aurore me demande d’une petite voix :
- Celui qui partage ma cellule... Comment s'est-il retrouvé en prison ?
Je prends une grande inspiration, et je lâche.
- Il a tué mon père. Je l’ai condamné à moisir au cachot le restant de ses jours.
Elle écarquille les yeux, puis acquiesce, compatissante. Je ne sais pas pourquoi Zéphyr ne lui a rien dit à ce propos, mais cela m’arrange. Moins elle en sait sur le complot qui m’a fait devenir roi, mieux c’est.
En chemin, je lui explique brièvement que les servantes vont s’occuper de la préparer, et qu’elle n’aura besoin de rien faire sinon être resplendissante à mes côtés. Bien entendu, je lui dis de ne pas faire de remarques aux invités, ni de leur révéler qu’elle est en réalité une incarcérée provenant du troisième niveau.
À ce moment, elle me raconte qu’hier, elle a eu une vision dans laquelle elle courait dans les rues d’Eldory avec deux autres personnes que je relie à celles de sa première vision : Hermine et Constant.
- J’avais comme l’impression d’avoir accompli quelque chose de grand… et d’interdit. Pour une bonne cause. Mais j’avais été pris sur le fait. J’ai couru à en perdre haleine vers le port avec ces personnes de confiance, quand j’ai entendu nos poursuivants derrière nous. Ils étaient trop proches, je le sentais. J’ai dit à Hermine et Constant de continuer sans moi et de faire rapport une fois rentrés sains et saufs. Et je me suis arrêté au milieu de l’allée. J’ai sorti mon poignard, je me suis retournée pour faire face à des dizaines de soldats en armure. J’étais seule contre une armée. Je savais que j’allais perdre. Mourir, certainement. Mais je me suis sacrifiée sans hésiter pour leur permettre de fuir. Je devais endosser seule la responsabilité de ce plan et de notre fuite. La vision s’est achevée sur un cri de guerre, et je me suis jetée dans la masse d’armures de fer.
Même si cette vision ne m’apprend rien sur le royaume auquel appartient Zéphyr, ni sur sa localisation, elle confirme une chose que je soupçonnais depuis longtemps : il avait des complices. Deux exactement. Qui n’ont sûrement pas quitté l’île depuis que je contrôle le port d’une main de fer.
Deux personnes qu’Aurore m’a gentiment décrites grâce à ses visions.
Si j’arrive à mettre la main sur Hermine et Constant, non seulement mon enquête ira plus vite… mais en plus, je pourrai me débarrasser de Zéphyr.
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