Chapitre 5 : « Je ne te dirai pas à l’été prochain ! »

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 Dès le lendemain, après qu’Anna eut émergée d'une bonne nuit de sommeil, elle retourna dans la salle de bain se préparer. Ce dimanche midi verrait le traditionnel repas annuel en plein air de la ville : dernière festivité de la fête des guides.

 Elle sortit sa trousse de maquillage qu’elle avait laissée au fond de sa valise. Mélia lui avait laissé une jolie robe « pour les petits événements mondains à la montagne » avait-elle dit avec un clin d’œil. Elle entendit ses parents l’appeler mais leur proposa de partir devant : elle les rejoindrait là-bas.

 Elle sut qu’elle avait réussi son pari quand elle vit qu’elle attirait les regards à mesure qu’elle se faufilait entre les stands de nourriture. Elle trouva très vite celui qu’elle cherchait : le fils du maire, David. C’était un jeune homme d’une vingtaine d’années qui travaillait un peu plus bas dans la vallée. Elle l’avait vu pendant lors de la fête nationale et ils avaient sympathisé. Il lui tendit un verre de génépi avant de la complimenter:

  • Tu es magnifique !

 Elle savait pertinemment que Pierre n’appréciait pas spécialement David. Les deux jeunes hommes s’étaient inévitablement côtoyés dans leur jeunesse et Pierre disait que David n’était qu’un écervelé hypocrite.

 Ecervelé ou non, David était devenu ébéniste. Après avoir grignoté quelques morceaux par-ci par-là, et alors qu’un groupe local entonnait des chants savoyards, elle accepta l’invitation à danser de David.

 Elle surprit une fois le regard sans expression de Pierre sur elle, puis décida de quitter la fête. Son taxi arriverait pour seize heures au chalet et elle avait encore quelques affaires à ranger. Elle changea de tenue pour enfiler quelque chose de plus approprié à un voyage de plusieurs heures en TGV.

 Elle griffonna un mot à ses parents qu’elle laissa en évidence sur la table du salon et sortit attendre son taxi. Alors qu’elle le voyait sortir du dernier virage avant le chalet, Pierre arriva également. En quelques coups d’œil, il comprit la situation.

  • Chaque chose à sa place, déclara-t-il en hochant la tête.
  • C’est peut-être pas plus mal comme ça, non ?
  • Ouais.

 Le chauffeur du taxi se chargea de mettre les affaires d’Anna dans le coffre du véhicule. Elle s’apprêtait à ouvrir la portière arrière du côté droit quand Pierre s’exclama :

  • Je ne te dirai pas à l’été prochain !

 La main d’Anna s’attarda sur la poignée de la porte. A chaque fin d’été jusqu’ici, avant qu’elle ne remonte dans la voiture de ses parents, Pierre et elle avaient une sorte de rituel : pas d’effusions mais juste un « A l’été prochain alors ! » comme si ce n’était qu'un simple au revoir et qu’ils se retrouveraient très prochainement.

  • J’ignore ce qu’il est advenu de toi Pierre. J’espère que tu retrouveras cette partie de toi que tu as perdu.

 Elle grimpa dans le taxi et claqua la portière derrière elle pour ne pas entendre sa réponse. Elle se força à garder les yeux sur le compteur du taxi et se mit à pleurer après plusieurs kilomètres parcourus.

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