Chapitre 20 : "Et toi?"

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Lorsqu’Anna revint vers Pierre, il lui tendit un tas de fiches dans lequel elle pouvait piocher au hasard et l’interroger. Il répondait justement à ses questions, utilisant parfois des mots qu’elle n’avait jamais rencontrés. Vers vingt-et-une heures, il s’étira longuement avant de décréter une pause et d’ouvrir son réfrigérateur. Il promena son regard sur les différentes étagères en quête d’une idée de repas.

  • Je m’en occupe, proposa-t-elle.
  • Tu sais cuisiner autre chose que des soupes Royco toi ? taquina-il
  • Je suis certaine que tu ignores plus de la moitié des choses dont je suis capable, rétorqua Anna piquée au vif.
  • Et bien montre-moi tes talents de cuisinière !

Il se servit un grand verre d’eau pétillante et s’assit sur l’un des tabourets hauts de sa table-bar. Anna inspecta alors à son tour le contenu du réfrigérateur et de quelques placards.

  • J’ai ma petite idée. Par contre, toi, tu retournes à tes bouquins rouges et tu me laisses tranquille ici.
  • Je te dérange ?

Il croisa les bras sur son torse en la dévisageant avec son flegme naturel.

  • Tu devrais pourtant comprendre que voir une Parisienne du seizième cuisiner m’intrigue énormément. Je pensais que vous vous faisiez livrer par des traiteurs.

Anna attrapa une cuillère de bois et la lança sur lui: quel maroufle !

  • Et voilà comment tu me remercies de t’héberger, en plus de t’avoir offert le transport.
  • Alors quoi ? C’est l’heure des reproches ? Je mets trois mois à t’appeler, cinq à utiliser ton billet, je ne t’en remercie d’ailleurs pas et en plus je viens te déranger en plein concours.
  • En effet, ça fait beaucoup tout ça, sourit Pierre en se relevant du tabouret.

Il aurait bien continué cette petite discussion, mais retourna néanmoins à ses organigrammes.

Quand Anna plaça l’assiette devant lui quarante-cinq minutes plus tard, il hocha la tête comme s’il approuvait silencieusement. Il prit sa fourchette, attrapa un morceau de légumes, croqua dedans, hésita avant d’avaler puis continua de manger, sans dire ce qu’il en pensait. Anna ne chercha pas à avoir son avis, trouvant malgré tout que son plat était plutôt réussi.

Puis, elle reprit les fiches de Pierre et continua de l’aider à réviser. Vers deux heures du matin, il reprit seul ses fiches, et elle s’installa plus confortablement dans le canapé. Suffisamment commodément pour s’endormir. Elle rouvrit un œil quand elle sentit quelque chose se poser sur elle. Pierre venait de lui apporter un oreiller et une couverture polaire.

  • Bonne nuit Anna.

Elle l’entendit à peine et glissa sur le côté. Endormie en un claquement de doigts.

*

* *

Au réveil, elle laissa la priorité de la salle de bain à celui qui devrait bientôt prendre le chemin de la faculté. Elle reconnut en lui quelques symptômes du stress ressenti une semaine plus tôt.

Il grignota difficilement un morceau de pain, déglutissant presque avec dégoût.

  • Qu’est-ce que tu vas faire cet après-midi ?
  • Ne te sens pas obligé de me faire la conversation. Tu as le droit d’avoir déjà la tête dans tes épreuves du jour. De mon côté, je vais découvrir tranquillement la ville.
  • Je finis à 18h30.
  • Je dois venir te chercher ?
  • Si tu en as envie, répondit-il évasivement en avalant une dernière gorgée de café.
  • Et toi ? se contenta-t-elle pour toute réponse.

Il se leva, attrapa son porte-document, laissa en évidence un double des clés à Anna et s’échappa de chez lui en s’exclamant :

  • Croise les doigts pour moi !

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