2.2 Perseus

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  Correction : rien à part moi, mes livres, mes baguettes, le cri des goélands, le bruit du vent, des vagues et de la pluie contre le plafond. Les falaises sont à quelques dizaines de mètres du phare, et je peux voir de ma fenêtre des vagues de un ou deux mètres s'y briser. Le soleil vient de se coucher, j'ai bien allumé le phare. Ma première journée de travail est officiellement terminée. Je n'ai pas mis le nez dehors, tant il pleuvait. Je pensais faire un peu d'inventaire dans le phare, mais c'était sans compter sur ma flemme légendaire... Impossible de me lever de mon lit pour autre chose que me faire à manger ou aller aux toilettes. Et dire que j'avais vraiment la motivation en arrivant ce matin.

  En tout cas, cette journée peu productive ne l'a pas été sur tous les tableaux : je maîtrise à présent l'écriture à la machine. Il y a quelque chose de fascinant, là-dedans. Un mélange parfait entre l'écriture manuscrite et dactylographiée. Le mécanisme simple et pourtant parfaitement bien rodé qui s'enclenche par la pression d'un doigt sur une touche. J'adore ce mouvement, ce petit bruit régulier. Clic clic, clic clic.

  Aujourd'hui, je vais faire un tour de l'île. Le fait qu'elle ait été soumise à un Repousse-Moldus ne peut signifier qu'une chose : il y a quelque chose de magique, ici, qu'il faut garder éloigné des moldus. Je n'ai jamais entendu parler d'ici durant les cours d'Histoire de la Magie, alors soit je n'étais pas très attentive (pas si improbable) soit ce lieu est également inconnu des sorciers. Il y a anguille sous roche, je passe donc à la pêche à pied.

  Rien, je n'ai rien trouvé. L’île est vraiment déprimante, avec ses côtes de roches nues. Il n'y a même pas d'arbres, mais en même temps ce n'est pas très étonnant avec ce vent à décorner des Re'ems. Des buissons, des herbes drues, des nids de goéland, mais rien de magique. Je pense que c'était une ancienne réserve de Kelpies, mais qu'il n'y a plus rien à protéger aujourd'hui. Il faudra que je le signale au Ministère, en rentrant.

  Par contre, j'ai vu une chose moyennement rassurante, en sortant : la météo ! Il a fait relativement beau aujourd'hui, avec deux trois gouttes de pluie. Mais du haut de la corniche nord-ouest, j'ai vu des nuages des plus inquiétants. Je risque de rester bloquée dans le phare pour deux ou trois bons jours. La vie est quand même vachement simple quand notre plus gros problème se trouve être la météo.

  Il a neigé cette nuit. Apparemment, je suis incapable de différencier des nuages de tempête de ceux de neige. Bon, c'est la côte écossaise, alors ça n'est pas très impressionnant. Une petite couche de grêle-flocons fondus d'à peine un demi-centimètre d'épaisseur. Par contre je crois que j'ai pris froid. J'ai un chat dans la gorge et le nez qui coule. Je raconterais bien de quelle couleur sont mes glaires, mais j'aurais peur de me dégoûter moi-même en me relisant. Bref, une nouvelle journée commence, et je suis déjà pas en état de la traverser entièrement.

  Bon. Si jamais quelqu'un arrive ici et lit ces lignes, c'est sans doute que je suis morte. Il y a définitivement une autre personne sur l'île, et il s'est infiltré sur le phare cette nuit. La porte n'était évidemment pas fermée à clé (pourquoi l'aurais-je fait ?) et la cave a été mise sans dessus dessous. Je ne sais pas si quelque chose a été volé, les conserves ont été renversées mais rien ne semble manquer. Mais surtout, il y a des traces de pas dans la neige. Même si ce ne sont pas de belles traces bien nettes, on peut voir clairement une ligne de marques venant et une deuxième retournant dans la direction opposée. Je ne peux pas rester là à me morfondre, craignant la prochaine incursion : je vais suivre les traces et voir où cela me mène. Je ne sais pas sur quoi je vais tomber, un dangereux psychopathe ou une âme en peine, mais dans le doute j'y vais la baguette tirée.

  Ces dernières heures ont été riches en découvertes. Premièrement, j'ai trouvé où logeait mon inconnu, et ce qu'on voulait cacher aux yeux des moldus par la même occasion : un vieux manoir sorcier. Et pas n'importe quel manoir sorcier, celui d'une famille de Sang-Pur, les Beurk pour être précise. Si je ne l'avais pas vu pendant mes recherches d'hier, c'est à cause d'un sort de Désillusion extrêmement puissant qui masquait le lieu des alentours, comme un genre de sphère de protection. À l'extérieur de la zone, on ne voit qu'une plaine à moitié nue de toute végétation, mais quand on y pénètre tout se dévoile soudainement. C'est en suivant les traces que je suis rentrée dedans, à moitié par hasard, puisqu'elles se coupaient d'un coup dans le vide.

  Une fois devant le manoir, je n'ai pas trop hésité à poursuivre mes recherches. Rentrer dans une habitation inconnue était peu précautionneux, je l'admets, cependant je ne suis pas championne de duels pour rien : j'ai quelques cordes à mon arc, et je ne crains rien ni personne (normalement si je répète ce mantra 5 fois je finis par y croire moi-même).

  Ma confiance en moi a brutalement chuté quand j'ai poussé la porte. J'ai soudainement entendu une voix, la surprise m'a fait sursauter dans un gigantesque bond. Sauf que ça n'était pas mon intrus, c'était juste un tableau. Un foutu tableau qui m'a fait flipper comme aucun mot ne pourrait le décrire. Le type était donc Perseus Beurk, dernier propriétaire du manoir, dernier de sa lignée, et mort depuis près de cinquante ans. Il me souhaitait simplement la bienvenue, content de voir un être vivant dans sa demeure qui était restée vide depuis tant d'années.

  Mais alors quoi, lui demandais-je de ma voix prétendument assurée. Vous n'avez vu personne hier soir ? Non pas à ce qu'il sache. Peut-être qu'il dormait, ou qu'il occupait un autre tableau. Tant pis pour Mr Perseus Beurk, moi j'avais toujours mon intrus sur les bras. Ou plutôt non, c'était bien ça le problème, je ne l'avais toujours pas sur les bras. Heureusement, les traces dans la neige s'étaient muées en traces de mouillé, et la piste fut facile à suivre.

  Tiens, maintenant que j'y pense... Bizarre que le type ait été si peu précautionneux, et à présent si dur à trouver. Camoufler ses traces, pour un sorcier, c'est l'une des choses les plus faciles au monde. Toujours est-il que j'ai suivi la piste jusqu'à ce qu'elle disparaisse progressivement dans le salon. Et quel salon ! Des lustres en diamant, des grandes fenêtres, des arcs en marbre... Clairement ce n'est pas avec mon salaire de Langue de Plomb que je pourrais me payer une telle chose. L'endroit était étrangement propre, parfaitement lustré... Hum, pas si étrange, quand on y pense. La magie est très pratique pour ce qui est du ménage.

  Une odeur de brûlé m'a alors interpellée. Un peu plus loin, dans une petite salle d'appoint (petite = plus grande que mon atelier sur l'Allée des Embrumes) une cheminée avait été utilisée. Je vis des cendres fines, pas le genre de reste qui fait suite à un feu de bûches. En fouillant là-dedans, je remarquais les formes de feuilles de papier brûlées, qui s'effritèrent à peine j'y posais les doigts. Je devinais des restes d'encre qui formaient des formes sombres et régulières, mais impossible d'y lire quoi que ce soit, vu l'état.

  Je sais donc que mon intrus a détruit des feuilles. Pourquoi ? Aucune idée. D'où ces feuilles venaient-elles ? Sans doute du phare. Qui les avait écrites ? No clue. Pourquoi ne pas les avoir détruites avant ? Meh. La question la plus intéressante, cependant, c'en est une autre : pourquoi avoir allumé un feu, si il s'agissait juste de détruire quelques informations couchées sur papier ? Pourquoi ne pas simplement les faire disparaître d'un sortilège ? Cette méthode était trop moldue pour être normale, hors aucun moldu ne peut se trouver ici.

  J'ai donc continué mon tour de la propriété. L'endroit est des plus luxueux, c'était un vrai régal. Il y a deux salles de réception, une gigantesque et une plus informelle (à savoir de la taille de mon appartement en colocation). Il y a plusieurs portes qui n'ouvrent pas malgré un Alohomora, mon inconnu pourrait s'y trouver. Une demi-douzaine de chambres, chacune possédant une petite salle d'eau attenante. Une bibliothèque, pas aussi fournie que celle de Poudlard mais des plus respectables. Je n'ai pas trouvé ce qui pourrait servir de bureau, alors je suppose qu'il est derrière une des portes fermées. Pour l'instant je n'ai pas trop insisté, le jour commençait à décliner (la nuit tombe beaucoup trop vite en hiver), je tenterai d'autres méthodes d'ouverture demain.

  Ah, et une dernière chose que j'ai trouvé en partant : une baguette. Si je n'avais pas eu l'habitude de les manipuler avec mon boulot à Ollivander's, je l'aurais peut-être prise pour un simple bout de bois, vu l'état dans lequel elle se trouvait. Brisée en trois, inutilisée depuis plusieurs dizaines d'années. Elle était faite en tilleul argenté, avec une plume de sphinx en son coeur. Le sorcier qui la possédait devait avoir une grande force d'esprit. Un Occlumens doublé d'un Legilimens, sans doute.

  Du coup, je me demande bien à qui elle appartenait. Je suis allée voir Perseus Beurk, histoire de voir quelles informations je pourrais en tirer. Je ne m'étais pas attardée sur lui la première fois, mais cette fois-ci je l'ai un peu plus détaillé. Physiquement, il n'a pas beaucoup d’intérêt : nez droit, menton volontaire, yeux gris, rien que le typique Sang Pur. Il m'a dit qu'il ne voyait pas à qui cette baguette appartenait, et il m'a présenté la sienne : orme et ventricule de dragon, vendu par Gervais Ollivander en personne. Si il m'arrive de faire confiance au gens rien qu'en sachant la composition de leur baguette, ce n'est clairement pas avec du bois d'orme que cela sera le cas. Finalement, il n'y a qu'une seule chose d'utile qui est sortie de cet échange : je sais à présent que cette machine à écrire, celle-là même que j'utilise en ce moment pour raconter mes péripéties et ce depuis mon arrivée ici, lui appartenait. Il l'a même faite peindre avec lui, dans son tableau. Je lui ai demandé si il savait comment elle était sortie du manoir pour se retrouver dans le phare, mais comme toujours il n'en savait rien. Il a juste insisté pour que je la rapporte ici, là où était sa vraie place. J'y réfléchirais demain, pour l'instant c'est extinction des feux (figurativement parlant, puisque la lumière du phare est allumée) et dodo.

   Peut-être pourrais-je m'installer dans le manoir.

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