Dans la gueule du loup

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Josué rouvre les yeux. Son sentiment n’a pas changé. Ces partouzeurs ne lui inspirent que honte et dégoût. Plus il considère ce conglomérat de jouisseurs bâfreurs, plus il est écœuré et aimerait se frotter les yeux à l’ammoniac. Parmi les plus malheureux des hommes, ces esclaves de leurs plus bas instincts l’engagent à fuir au plus vite. De ce pic de perdition s’élève un brouhaha mêlé de rires lubriques, de râles jouissifs et de cris d’effroi. Pour couronner le tout, le pourcentage de grossièretés, d’injures et de langage ordurier présents au mètre carré, bat des records. Josué a même droit à un orgasme collégial des plus abjects. C’est plus qu’il ne peut le supporter. Il cherche un moyen pour filer d’ici, quand deux gardiens lui attachent les mains dans le dos et l’emmènent sur une autre strate.

Sur les flancs escarpés de cette montagne lépreuse et insalubre, chaque individu est placé dans un enclos correspondant à son tourment ou à son addiction. Et de la même manière que les violents et les colériques, les alcooliques et les drogués, les menteurs et les trompeurs, les meurtriers ou les violeurs, etc, sont rassemblés puis regroupés en fonction de leurs tares. Ainsi, impudiques et adultères se retrouvent parqués sur un versant commun.

D’évidence, Josué est poussé vers le groupe des violents et se retrouve coincé entre deux saillies tranchantes. Le voilà en compagnie de ses semblables. Ils sont les sanguins, les coléreux, les querelleurs, les impulsifs, les caractériels, les cyclothymiques et les faiseurs d’histoires ; ceux que l’on dit violents en actes et en paroles, qui aiment la provocation, cherchent constamment la bagarre et engagent combat sur combat sans poser genou à terre. Au milieu de cette populace au sang chaud, le garçon assiste à des joutes à mort dans lesquelles — malgré l’épuisement — aucun n’abandonne ni ne tend l’autre joue. Sans défense et motivé par la haine, le jeune homme est tenté de reproduire les scènes qui se déroulent devant lui. De façon primaire, instinctive et presque viscérale, la fureur a tôt fait de l’infecter. Très vite, il est dominé par l’envie de faire du mal à son prochain. Rempli de haines et de colères, sa condition devient identique à celle de ses frères d’armes et compagnons d’infortune. Violence et Destruction étant les seules directives résonnant sous son crâne, il a envie de massacrer chaque personne que ses yeux trouvent à voir. Incapable de résister à l’appel du Mal, il serre les poings et s’attache les pieds et les poignets. Il s’apprête à cogner et à rendre coup pour coup, lorsqu’un grondement fort et puissant secoue la montagne.

Le sol craque et se fissure avant de s’écarter et créer une immense brèche. Comprenant le sort qui les attend, certains essaient tant bien que mal de garder l’équilibre sur la faille. C’est peine perdue. Harnaché les uns aux autres, chaque groupe d’humains est aspiré par la grosse gueule béante. Et tous, sans exception, tombent en piqué dans l’abîme vorace, raclant au passage les arêtes coupantes de la montagne aux mille péchés. Josué est lui aussi précipité dans le vide. Il dégringole tête la première et sa descente n’en finit pas. Il glisse... glisse... dans l’insondable et sombre gouffre à la température sibérienne.

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