Chapitre 5 : Le calme avant la tempête

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Eddie se réveilla doucement, tandis qu’il s’étirait, il remarqua que de la paille avait envahi ses vêtements. Les étables s’étaient toujours révélés être des auberges de luxe, les animaux, eux, ne lui parlaient pas. Il sortit pour se diriger vers la place, pas encore tout à fait réveillé. Le chasseur de relique n’avait pas reparlé à Luke après qu’il soit parti de chez le maire, mais il se doutait qu'il avait fait le choix de les aider.

Il avait l’air bien trop gentil pour prendre la bonne décision, cet abruti allait se faire tuer.

Eddie sentit le regret lui comprimer la poitrine, c’était étrange et absolument inexplicable, mais la présence de Luke l’apaisait, il éloignait les voix.

Pourquoi restes-tu espèce d’idiot ? Tu vas te faire tuer pour rien !

Elles étaient de retour.

Ce ne sont pas tes affaires.

Tu dois fuir avant d'être prit dans le conflit !

Eddie secoua la tête pour ne pas en entendre davantage, et s'assit sur un banc. Le silence était quasiment total, seulement interrompu par des bruits d'oiseaux. Étonnant, il aurait juré avoir vu une Eglise hier.

— C’est quand même sacrément calme, murmura-t-il.

Les rayons du soleil étaient encore timides, alors Eddie s'allongea avant de s'assoupir rapidement.



Luke se frotta les yeux pour la centième fois depuis son réveil, sa nuit avait été agité par de terribles cauchemars, mais impossible de s’en rappeler. S’il n’arrivait même pas à se souvenir de ses cauchemars, il n’allait pas récupérer la mémoire de sitôt.

Elise, cachée derrière un arbre juste à côté de lui, leva le doigt pour lui faire signe de ne plus faire aucun bruit, Sho’Ryu l’imita. Des cavaliers sortaient de l’enceinte de l’avant-poste, situé à environ cinq cents mètres de leur cachette. Ses murs d’une dizaine de mètres entouraient une cour que Luke aperçu dans l’ouverture des grandes portes. Une grande tour montait au-dessus des remparts, et Luke en déduisit que les quartiers de Livink devaient s’y situer.

— Le voilà, chuchota Sho’Ryu. Je n’ai rien contre ton plan, mais t’es sûr qu’on ne ferait pas mieux de l’attaquer tout de suite ?

Monté sur un beau cheval blanc et entouré de ses hommes, Livink donnait une impression de puissance et de sérénité. Cette fois il tenait lui-même sa lance à la main. Il avait l’air invincible.

— Tu veux l’attaquer au milieu de tous ses hommes ? demanda Luke en haussant un sourcil.

Sho’Ryu grogna avant de vérifier que son bandeau maintenait bien ses cheveux en arrière. Malgré ses dix-neuf ans, le jeune homme avait l’air plus que capable de se battre, Luke avait en revanche des doutes concernant Elise. Elle était venue avec un gros livre qu’elle tenait sous son bras, et tous au village l’avait regardé comme si elles tenaient une arme entre les mains. Luke n’avait pas osé demander ce qu’elle pourrait bien faire avec son bouquin face à un soldat.

Passer pour un idiot devant tout un village qui vous confiait leur avenir, ce n’était pas la meilleure des choses à faire.

— On passe à l’action dès qu’ils sont assez éloigné, dit Luke.

Il était onze heures et le soleil était déjà haut dans le ciel. Il fallait environ une dizaine de minutes pour se rendre au village à cheval, Livink avait pris la décision de partir en avance.

Tant mieux, cela leur donnait plus de temps pour mettre en oeuvre leur plan.



Livink se sentait en confiance, il avait pris ses meilleurs éléments avec lui, son puissant cheval galopait avec aisance, et sa lance l’emplissait de puissance. Pourtant quelque chose n’allait pas... Il s’était réveillé avec un étrange pressentiment, sans réussir à comprendre d’où il pouvait bien venir.

Quand le village fut en vue, après une rapide chevauchée, il signala à ses hommes de ralentir. Le village d'à peu près quatre cents habitants, comptait une centaine d’adultes aptes à se battre. Tous devaient venir grossir son armée, et peu importe combien d’entre eux se rebelleraient, ils ne pourraient pas résister longtemps face au général et ses trente cavaliers.

Alors qu’ils approchèrent des premières maisons l’étrange pressentiment fit son retour. Personne n’était visible. Il était venu une heure plus tôt que ce qu’il avait annoncé, et pourtant pas une trace de vie humaine dans le village.

Ces paysans ont-ils finalement plus de courage que prévu ?

— Ils se sont peut-être cachés pour nous prendre par surprise, soyez prudent ! ordonna Livink.

Tout ne se passait pas comme prévu, et le général à la lance détestait cela plus que tout.

Ses hommes avancèrent prudemment, vérifiant chaque maison, sans rien trouver. Le général essayait tant bien que mal de comprendre ce qu'il se passait, auraient-ils pris la fuite pour chercher de l’aide ? Impossible, fuir face à des cavaliers reviendraient à se suicider. De plus, ses hommes parcouraient encore le secteur, ils n’auraient pas pu rater un tel groupe. Livink finit par atteindre la place du village ou les débris de l’Eglise fumait encore.

Un homme paisiblement endormi était allongé sur un des bancs.

Qu’est-ce que ?

Après la stupeur et le doute, c’était la colère qui montait en lui. Il avait été un soldat, un stratège puis un général extrêmement compétent, mais on lui avait toujours reproché de s’énerver un peu trop vite.

C’était cette même colère qui lui avait fait prendre la plus mauvaise décision de sa carrière au service du roi, sa dernière d’ailleurs. C’était cette même colère qui l’avait presque fait tuer, lui et son armée, dans une stupide bataille. Si seulement il avait attendu les renforts !

Inutile de ressasser le passé, je dois comprendre ce qu’il se passe.

— Toi ! rugit Livink, assez fort pour réveiller l’inconnu. Où sont passés les autres ?

— Hum... Quoi ? bailla l’inconnu en émergeant du sommeil.

L’homme portait un long manteau rouge, ses longs cheveux bruns et sa barbe négligée lui donnait l’air d’un mendiant. Avant que Livink ne puisse reprendre la parole, un de ses hommes s’approcha au galop.

— Monsieur ! cria le cavalier. J’ai trouvé beaucoup d’empreintes par là-bas ! On dirait qu’ils ont fui vers le nord !

L'information surpris Livink. Se diriger vers le nord semblait être une très mauvaise décision. L’avant-poste se trouvait à l’ouest du village, et la ville la plus proche en allant vers nord se trouvait à plus d’une journée de marche. Son mauvais pressentiment le rattrapa une fois encore.

— Mon général ? Que faisons-nous ? Les traces ont l’air assez récente, à cheval nous les rattrapero...

— Mon général ? Ah ! C’est toi le fameux Livink ? s’exclama le mendiant. Eh ben je suis déçu, tu es beaucoup moins impressionnant en personne, si tu veux mon avis.

Serait-il ivre ?

L’homme s’était levé tout en dégainant son épée, une longue et épaisse lame dont le manche, sertie d’or et d’une gemme rouge, étincelait. Livink eut envie de rire, l’apparence de cet idiot contrastait avec la beauté de son arme.

Soudain la lame de son arme s’entoura de flammes rougeoyantes, et le sourire de Livink s’effaça.

Impossible, une relique ?

L’inconnu esquissa un sourire carnassier, fier du petit effet qu’il avait provoqué. Livink hésita, le mendiant venait de devenir une menace très importante, devait-il s’arrêter pour le combattre ? Non, il devait d’abord trouver ou les villageois étaient partis.

Livink comprit soudain ce qu’il se passait, il devait vite retourner à l’avant-poste.

— Séparez-vous ! hurla-t-il à ses hommes. La première moitié part à la poursuite des villageois, l’autre s’occupe de cet inconscient, ramenez-moi son arme en parfait état.

— Quoi ? s’offusqua l’homme en agitant son épée enflammée. Reviens espèce de lâche !

Trop tard, le cheval de Livink était déjà lancé au galop.



Fulbert avait les mains tremblantes, il craignait pour les habitants de son village, mais surtout aussi pour ses sauveurs. Les parents tentaient tant bien que mal de rassurer leurs enfants, mais tous savaient qu’ils avaient parié sur leur avenir. Si l’opération se passait mal, Livink ratisserait toute la zone au peigne fin, et il ne lui faudrait pas longtemps pour trouver le seul endroit ou un village entier pouvait se cacher. La seule forêt assez grande pour cela se trouvait au sud-ouest du village.

— Avons-nous eu raison ? lui demanda un des bûcherons. Ces jeunes risquent leur vie pour nous...

Le maire serra les poings, jusqu’à faire blanchir ses jointures. La veille il avait assuré qu'il serait allé se battre lui aussi, s'il n'était pas aussi vieux. Mais en vérité cela n'aurait rien changé. Il était un lâche, incapable de faire le moindre effort pour aider les gens autour de lui. Le commandant qui précédait Livink exploitait déjà les villageois, tout comme celui encore avant. Livink n’avait fait qu’augmenter les tarifs, jusqu’à les rendre impossible à satisfaire. Toute sa vie, Fulbert l’avait passé du côté des faibles.

— Méritons-nous d’être sauvés ? murmura-t-il.

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