Héritage

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  Assis derrière mon secrétaire au sommet de ma pyramide, aussi rouge que le sang versé pour la bâtir, je te livre mes ultimes pensées. J’ai longtemps aimé me tenir là, au-dessus de tout, toisant d’un œil satisfait Ecbatana, capitale d’un monde à ma merci. Mais le voile de la folie ôté de mes yeux par ta naissance à venir, je vois à quel point cette cité autrefois si belle est devenue hideuse, défigurée, avilie entre mes mains cruelles. J’ai le pouvoir, certes, je suis terriblement fort et craint de tous ; mais je suis plus malheureux et désarmé que le petit boiteux que j’ai été, incapable même de prendre soin de toi. J’ai été fou de croire qu’il en serait autrement. Ce n’est pas l’homme qui prend le pouvoir, mais le pouvoir qui prend l’homme. Et quand il le prend, il le consume, le consomme, jusqu’à le priver de son essence. De son humanité.

  Âban, mon plus fidèle serviteur, celui qui sera ton père, te transmettra ce testament quand tu seras en âge de le lire. J’aurai aimé être à tes côtés, te voir grandir et réussir à te donner l’amour que mon père m’a refusé, mais c’est impossible. Il me faut mourir. Aujourd’hui. C’est le seul moyen de me libérer de la malédiction de Vah-Shatnâk, de vous permettre, à ta mère et toi, de vivre une vie meilleure, loin d’un peuple chez qui j’ai fait naître une haine qu’ils voudront déverser sur toi par crainte que tu ne montes sur le trône pour perpétuer mon règne de terreur. Vous vivrez sans doute une vie humble, loin du faste et du confort des palais, mais sache que ta vie sera heureusement plus belle que la mienne, pourvu que tu renonces à te battre pour t’asseoir sur le trône de ton père. Ne reproduis pas mes erreurs. Réécris l’Histoire, défie son éternel cycle de violence, nourri par la folie d’une nature humaine qui s’échine à poursuivre un pouvoir qu’elle ne pourra jamais faire sienne, qui refuse de changer. Fuis le pouvoir, vis une vie juste, simple, et tu trouveras la paix.

Adieu, Sefid.

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