Il ne faut pas laisser se perdre au loin la trace,

Il ne faut pas laisser le souvenir faner ;

Il ne faut pas laisser le temps aux dents voraces

Engloutir nos trésors, ni trop les abîmer.

Il me faudra user jusqu'à la moindre mine

A faire au papier blanc le portrait de nos jours ;

Il me faudra tout dire et jusqu'au plus infime :

C'est de phrases sans fard que se nourrit l'amour.

Le geste qu'elle avait pour remettre une mèche,

Son mètre qui tombait de sa poche en tintant...

Je ne veux pas qu'ils soient pétales de fleurs sèches

Qui craquent et se rompent rien qu'en les touchant.

Il me faudra des mots dont les rires résonnent,

Dont les peurs crient encor, dont les parfums se voient,

Et pas de ces grands mots pompeux dont la voix sonne

Mais qui devant l'intime, au fond des yeux se noient.

Les mots que j'écris là seront après les leurs :

Ils s'en revêtiront, comme de vêtements ;

Et ils se loveront peut-être en leur chaleur...

Il me faudra donner la force du vivant.