Prisonnière
Aujourd'hui, Éline était fatiguée. Elle n'avait plus la tête à être une "battante". Tout ça, c'était des conneries. On ne gagne pas contre le cancer. On survit au prix de la souffrance ou on meurt, rien de plus. Il n'y a ni gagnant ni perdant dans toute cette histoire. Et ça, Éline le savait.
Ce qu'elle savait aussi, c'est qu'elle allait mourir. La seule chose qu'elle ne savait pas, c'était quand. Cela pouvait prendre quelques mois comme des années.
La douleur de la maladie résonnait dans tout son corps brûlé par les radiothérapies. C'était une souffrance intenable que de devenir prisonnière de son propre corps.
Où était passé l'Éline qui allait au ski chaque samedi ? Où était l'Éline qui pouvait se balader dans les rues de sa ville pendant des heures, les Beatles à fond dans ses oreilles ? Qui riait de rien et parlait de tout ?
Même elle ne le savait pas. Elle s'était perdue en chemin. Et cela se sentait lorsque vous parliez avec elle : tout son goût pour la vie avait pris celui d'une saveur amère.
Pourtant, malgré tout, elle devait rester. Pourquoi ? Au nom de la vie bien sûr. Parce qu'on avait décidé que la vie était formidable, si formidable qu'il fallait être prêt à en payer le prix. La note était bien salée pour Éline, mais qu'importe parce "qu'il faut vivre pleinement cette vie que Dieu nous a offerte" comme disaient les gens à la télé.
Tout ça, lui donnait l'envie de tout foutre en l'air.
Parce que plus que tout, Éline était épuisée de rester et venait à se détester de penser une telle chose. Pourtant, ce terrible besoin de partir, persistait dans son esprit et parcourait ses veines brûlantes de douleur.
Elle subissait alors en plus de toutes ces misères, le supplice de vivre une vie ne rimant qu'à la souffrance, mais que l'on s'obstine à vous coller à la peau.
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