Chapitre 16

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La semaine défila à une vitesse folle. Je passais mes journées à la bibliothèque à rechercher la moindre information. Je me devais d’en savoir le maximum possible avant mon couronnement. Cette pièce était immense et remplie d’un nombre incalculable de livres. Pourtant c’était un rayon en particulier qui avait attiré mon attention, jour après jour. Tout un rayon était stocké derrière une grille verrouillée. J’avais du fouillé un peu dans la chambre de ma mère pour trouver la clé qui déverrouillerait la grille. Chaque jour, je passais plusieurs heures, sur la table centrale de la bibliothèque, avec plus d’une dizaine de livres et presque autant de feuilles de notes.


« Dès la mort de son mari, l’Empereur, l’Impératrice Julie instaure une dictature dans l’Empire. Elle coupe tout lien avec les autres royaumes et rompt toutes les alliances créées par l’Empereur Léo. »

« Dès sa naissance, la princesse Elena est contrainte de suivre les règles de sa mère malgré la présence de son père. Après la mort mystérieuse de l’Empereur Léo, le château de la famille impériale devient une prison dorée pour la princesse Elena qui se voit contrainte d’y rester enfermée. »

« Mort de l’Empereur Léo. Accident ou Meurtre ? »

« Les habitants souffrent de famine quotidiennement, les plus riches exploitent les plus pauvres. Certaines jeunes femmes sont obligées de se prostituer pour survivre. Les gardes ne se gênent pas et détruisent tout lorsqu’ils doivent fouiller les habitations. »

« Des logiciels espions sont installés dans tous les appareils numériques afin de permettre à l’Impératrice Julie de surveiller son peuple. »

« L’Impératrice Julie organise une fête somptueuse pour les dix ans de sa fille alors que son peuple meurt de faim. »

« Affaire Thomas, un enfant de dix ans condamnés à mort pour avoir volé un morceau de pain alors qu’un homme accusé de viol conjugal est libéré. Où est la vraie justice ? »

« L’Empire de l’Impératrice Julie est le plus riche de la planète alors que ses habitants sont les plus pauvres. Une inégalité évidente entre la famille impériale, la cour et le peuple. »

« Taux d’alphabétisation des jeunes de moins de dix-huit ans : Dix pour cent de la population soit les plus riches. Les écoles tombent en ruine, les hôpitaux aussi. Il est temps que le peuple réagisse face à la dictature de l’Impératrice Julie. »


Tous ses articles ne faisaient que confirmer les doutes que j’avais pu avoir sur ma mère. Plus je lisais, plus je comprenais toute l’horreur qu’elle avait commise, mais surtout le poids que j’avais sur les épaules. Je n’étais même pas encore couronné et pourtant tout ce que j’avais à faire me fatiguait déjà. Quand la semaine se termina, le jour de mon couronnement était plus proche que jamais. Dans ma chambre, Emma m’aidait à revêtir ma première robe d’Impératrice et me coiffait.


— Vous semblez très nerveuse, Mademoiselle, commenta Emma.

— Comment ne pas l’être ? Tous ces gens qui m’attendent dans la Grande Salle. Qui attendent des explications sur le départ de ma mère. Dès que je serai officiellement impératrice, ils vont tous tourner autour de moi, tels des vautours. Ils vous tous vouloir entrer dans mes bonnes grâces, parce que j’aurais plus de pouvoirs qu’eux, mais… suis je vraiment prête à tous les affrontés, seuls ?

— Vous vous faites du souci pour rien. Vous ne serez pas seule. Je serais là pour vous soutenir et Océane aussi, si vous lui demandez. Il est vrai que ce ne sera pas simple au début, mais je suis certaines que vous allez y arriver. C’est à votre tour de devenir Impératrice, maintenant. Avancez la tête haute, mademoiselle.

— Merci Emma.


Une fois totalement prête, Emma glissa pour la dernière fois mon diadème sur ma tête. La boule qui se formait dans mon ventre devenait de plus en plus grosse. Accompagnée d’Emma, j’approchais de la Grande Salle où avait lieu mon couronnement. Une fois devant les portes, mes mains se mirent à trembler et elle le remarqua. Elle se plaça devant moi et les attrapa dans les siennes. Pendant plusieurs minutes, elle essaya de me rassurer tant bien que mal.


— Emma, arrête de me vouvoyer, lui dis-je subitement.

— Je ne comprends pas.

— Je te considère comme mon amie et je veux que ce soit réciproque.

— C’est le cas, mademoiselle, nous sommes amies.

— Les amis, ça ne se vouvoie pas.

— Très bien, si c’est ce que tu veux.

— Merci. Je suis prête.


Avant que les soldats n’ouvrent la porte et annoncent mon arrivée, je respirais un grand coup, redressais la tête et les épaules et avançais. Quand la porte s’ouvrit, Emma resta en retrait et les invités au couronnement se levèrent. Le dos bien droit, j’avançais sur le tapis rouge qui avait été déroulé au milieu de la salle, au centre de deux rangées de bancs. À mon passage, les invités, totalement inconnus, me saluèrent d’une révérence. Eux non plus ne me connaissaient pas, mais ils avaient déjà adopté le protocole de salutation d’une Impératrice. Sans leur accorder le moindre regard, pour le moment, j’avançais jusqu’au trône, où la couronne impériale nouvellement forgée m’attendait sur un coussin rouge. Au côté de la couronne, un homme d’un certain âge m’attendait en souriant.


— Bonjour, Votre Altesse, me salua-t-il. Je suis Jean Evans, le maire de Glenharm. Est-ce que cela vous dérange que j’assure votre couronnement, votre mère n’étant pas là ? C’est Mademoiselle Luisard qui m’a fait la demande.

— Pas du tout.


Océane était là, souriante, je me retournais et la cherchais du regard. Assise au premier rang, celle-ci me fit un signe de tête, souriant elle aussi.


— Concentration, Elena ! Con-cen-tra-tion.

— J’ai compris, j’ai compris, rigolais-je.

— Mademoiselle peut approcher si vous le souhaitez, chuchota le maire.

— Ça ira. Je dois faire ça seule. Vous pouvez commencer.

— Dans ce cas, je vous laisse vous agenouiller devant le trône.


Je fis quelques pas pour me placer correctement et mis un genou à terre. Le maire retira délicatement mon diadème qu’il posa sur un autre coussin rouge. Le regard fixé droit devant moi, je me concentrais sur ma respiration, pour ne pas paniquer.


— Nous sommes aujourd’hui réunis pour le couronnement de la princesse impériale, Elena De Stinley. Je n’ai que peu de détails, mais l’impératrice Julie De Stinley a volontairement abdiqué pour laisser sa fille au pouvoir. C’est une nouvelle aire qui commence pour l’Empire d’Eryenne. De ce que j’ai pu entendre, notre future impératrice compte mettre fin à la dictature actuelle et faire retrouver sa gloire d’antan à l’Empire. Confirmez-vous, Votre Altesse ?

— C’est exact.

— En tant que maire de Glenharm, la capitale de l’Empire, j’ai été sollicité pour vous couronner. Mais sous certaines conditions. Protégerais vous les Eryenniens contre un possible retour de votre mère ?

— Elle ne reprendra pas la couronne, je vous le promets.

— Êtes-vous consciente de tout ce qui pèsera sur vos épaules une fois impératrice ? De tout ce que vous aurez à reconstruire ?

— J’en suis consciente et je ferais tout pour légitimer mon titre auprès de mon peuple.

— Acceptez-vous que le Conseil mis en place par votre mère soit maintenu, afin de vous aider à prendre les décisions concernant l’Empire ?

— J’accepte.

— Est-ce que quelqu’un, dans cette salle, s’oppose au couronnement de la princesse héritière, Elena De Stinley ?


N’ayant aucune vision sur ce qu’il se passait derrière moi, je fermais les yeux et déglutis difficilement. Si une seule personne s’opposait à moi, tout serait fini. Ma mère avait volé le pouvoir et la vie aux Eryenniens. Je m’étais, seule, promis de ne pas devenir Impératrice si quiconque ne voulait pas de moi au pouvoir. Je ne comptais pas lutter contre gens qui s’y connaissaient bien mieux en politique que moi. Le silence dans la salle me permit de mieux respirer. Tout le monde semblait accepter mon arrivée dans la vie politique, même s’ils ne me connaissaient pas. À moi, désormais, de faire mes preuves et de ne pas les décevoir. Le maire s’approcha alors de la couronne impériale, la récupéra et la plaça au-dessus de ma tête, sans la poser.


— En ma qualité de maire de Glenharm, je vous proclame, Elena De Stinley, Impératrice de l’Empire d’Eryenne.


Avec délicatesse, il déposa la couronne impériale, désormais mienne, sur ma tête. Dans mon dos, les applaudissements étaient discrets, ce que je comprenais. Avec le plus d’assurance possible, je me levais, je me tournais et ils s’agenouillèrent. Je fis un rapide discours improvisé, ne voulant les retenir trop longtemps, mais surtout, je commençais à fatiguer. Être en présence de beaucoup de monde subitement, c’était assez épuisant. Je discutais un peu avec tous le monde pendant au moins deux heures avant qu’ils ne rentrent tous chez eux. Océane me suivit dans ma chambre et me vit m’effondrer sur mon lit, où elle s’assit.


— Alors, ça fait quoi d’être impératrice ?

— C’est épuisant. Et ça ne fait même pas trois heures.

— Qu’est-ce que ce sera après trente ans alors ?

— Je n’ose même pas l’imaginer. Merci de m’avoir soutenue tout à l’heure.

— Je me suis auto-invité. Ça ne t’a pas dérangé ?

— Au contraire. Ta présence m’a beaucoup rassuré.

— Cool.


Après m’être remise de mes émotions, je sortis du lit et posais la couronne sur mon bureau. Océane rigola en me voyant faire et s’allongea un peu plus sur le lit. Sa présence était tellement apaisante que je me sentais libre de tout faire avec elle. Je pouvais être libre d’être moi-même. Durant quelques secondes, je la regardais faire, en souriant, avant de la rejoindre et de m’allonger à ses côtés.


— Dis-moi Océane. C’est délicat comme question, mais… j’ai promis de maintenir le Conseil alors que je ne connais personne. Est-ce que… tu accepterais d’occuper l’une des places ?

— L’une des places… du Conseil ?

— Oui. Ça me rassurerait beaucoup d’avoir quelqu’un que je connais parmi toute une foule d’inconnu.

— Si je me souviens bien de mes cours d’histoire d’avant la dictature, les conseillers impériaux n’étaient qu’au nombre de douze. Ce n’est pas beaucoup.

— Et dire que ma mère n’en avait que quatre. Et du coup, pour répondre à ma question ?

— Tu me laisses y réfléchir ? Ce n’est pas une décision à prendre à la légère. Sauf si tu me le demandes, je n’ai rien à faire au Conseil.

— Pourquoi ?

— Je ne suis qu’une fille du peuple. Les Conseillers sont censés être des hommes de loi, des médecins, des politiciens.

— Mais toi, tu es historienne, non ?

— Je n’ai jamais pu finir mes études. Ta mère m’a enfermé avant mon diplôme. Mais je te promets d’y réfléchir.


Je passais le reste de l’après-midi à discuter avec Océane, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Cette facilité de discussion que j’avais avec elle était à la fois incroyable et déconcertante. J’arriver à lui parler de tout, sans éprouver la moindre gêne. Même de sujets que j’avais dû jusque là taire. Avant de rentrer chez elle, elle me promit de m’aider à avancer, à apprendre la vie, telle qu’elle l’entendait, mais surtout à m’accompagner et à rester avec moi quoi qu’il arrive. Après tout, c’est à ça que servent les amies, comme Océane l’avait si bien dit.

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