Chapitre 30

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Quand on arriva en ville, tous les regards se tournèrent en notre direction. Ils n’avaient pas l’habitude que leur Impératrice s’y promène sans raison particulière et encore moins au côté d’une Reine.

— Emma ! Par la couronne, pourquoi ne réponds-tu pas à mes messages ? Intervint la mère d’Emma en venant à notre rencontre

— Parce que j’avais prévu de venir, maman. L’opération de Juliette à commencer et le Dr Langstone appellera Elena quand ce sera fini.

— Vos Majestés, enchaîna-t-elle.

— Je vous présente la Reine Stephania de Carandis et la mère d’Emma, ajoutais-je.

— Enchantée de vous rencontrer, Votre Majesté. Vous venez vous la fête de la musique.

— La fête de la musique ? Qu’est-ce que c’est ? demandais-je alors que tout le monde se mit à rire, même Stephania.

— Chez moi, expliqua cette dernière, c’est un concert en plein air où l’on joue de la musique toute la journée. Je suppose que c’est la même chose ici.

— Tout à fait, Votre Majesté, excuse-moi Elena, j’ai complètement oublié.

— Ce n’est rien. On va pouvoir s’amuser comme ça. Cela vous va Stephania ?

— Mais avec plaisir.

On continua de marcher à travers la ville jusqu’à entendre de la musique. Le concert avait dû être installé sur la place principale.

— Excusez-moi pour l’état des maisons. À cause de ma mère, ils avaient peu d’argent pour les reconstruire, expliquais-je.

— Ce n’est rien. C’est impressionnant de voir comment même les plus pauvres arrivent à avoir un toit. C’est une bonne leçon de vie.

— Vous avez bien raison.

En arrivant sur la place principale, la musique battait son plein. Une piste de danse avait été installée au milieu. Hypnotiser par les jeux de lumière je n’entendis pas Océane arriver derrière moi. Je me rendis compte qu’elle était là seulement quand elle passa ses bras autour de mon cou et qu’elle chuchota à mon oreille.

— Je suis derrière toi.

Je me retournai et un grand sourire apparut sur mes lèvres en la voyant dans une magnifique robe blanche avec une ceinture marron. Ses cheveux blonds étaient bouclés et détachés.

— Océane ! m’exclamais-je en la prenant dans mes bras

— Je suppose que vous êtes la Reine Stephania. Je suis enchantée de faire votre connaissance.

— Moi de même, Mademoiselle.

— Est-ce que Sa Majesté accepterait de danser avec moi ? me demanda-t-elle en faisant exprès de rater sa révérence.

— Mais arrêtes tes bêtises enfin ! rigolais-je. Et puis, je ne sais pas danser.

— C’est qu’on va voir. Je vous l’emprunte quelques minutes.

Elle m’attrapa la main pour me tirer sur la piste de danse. Je tournai la tête en direction de Stephania qui me sourit avec un clin d’œil. Il lui avait suffi de quelques secondes pour comprendre qui elle était. Timide au début, je regardais Océane se déhancher devant moi sans bouger. Heureusement que mes joues étaient déjà rougies par le soleil. Finalement, elle attrapa ma main et m’obligea à danser au même rythme qu’elle, me faisant tourner sur moi-même. Quand la musique se termina, elle rejoignit Stephania, attrapa sa main et l’invita à nous rejoindre. Océane n’avait vraiment peur de rien pour agir comme tel avec la reine.

— Océane ! Ça ne se fait pas, c’est une Reine.

— Et alors ? Je suis bien amie avec une Impératrice. Et puis moi, les protocoles je ne les connais pas.

— Non, mais alors toi. Tu vas finir par me tuer, rigolais-je.

— Oh bah non, j’embêterais qui si tu n’es plus là ?

— Je ne sais pas, ton frère peut-être.

— Pff, il est trop peu réceptif à mes taquineries, contrairement à toi.

— Lui au moins il est habitué.

— En parlant du loup. Nathan ! s’écria Océane en faisait de grand signe pour attirer l’attention de son frère.

— Mais laisse-moi tranquille Océ. Vos Majestés, enchaîna-t-il en voulant s’éloigner.

— Ne reviens pas là toi.

— Quand est-ce que tu te maries ? Que je me débarrasse de toi une bonne fois pour toute.

Je m’étouffai avec ma propre salive et tout le monde le remarqua.

— Excuse-moi Elena, ce n’était pas correct, se reprit Nathan.

Parmi nous, seule la concernée ne savait pas la nature de mes sentiments envers elle. Elle était la seule à ne pas remarquer comment je la regardais, comme je réagissais à son contact et à sa présence.

— Je ne compte pas me marier de toute façon. Je compte bien m’occuper de toi pendant encore un moment, petit frère.

Sa remarque me vint droit au cœur, comme une flèche empoisonnée. J’étais trop idiote d’espérer alors que je souffrais à chaque fois. Même si elle ne faisait jamais exprès, elle me blessait à chaque fois. Comment pouvait-elle jouer la petite amie parfaite et la seconde suivante réduire tous mes rêves à néant par une simple phrase ? Je n’en pouvais plus, ça faisait toujours plus mal. Alors que les larmes brouillaient ma vision, je me retournai pour qu’Océane ne les voie pas.

— Elena ? Ça ne va pas ?

Elle attrapa mes épaules pour me forcer à me retourner.

— Pourquoi tu pleurs ? J’ai dit quelque chose qui…

— Non ! Juste une poussière dans l’œil, mentis-je.

— Peu importe ce que j’ai bien pu dire ou faire, excuse-moi. Je sais que je suis toujours maladroite avec toi.

— Si vous voulez bien m’excuser.

— Ma maison est ouverte Elena, ajouta Nathan.

— Elena ! voulu-t-elle me rattraper

Je n’entendis pas la réponse de Stephania, noyer par la musique, mais je sentis sa main se poser sur mon épaule quelques secondes plus tard.

— Où se trouve la maison de votre amie ?

— Juste là, répondis-je en désignant la maison d’Océane.

Elle entoura son bras autour de mes épaules et me poussa délicatement jusqu’à la maison. Je m’assis à table et elle fit de même en face de moi.

— Pourquoi ça fait si mal ? demandais-je alors sans oser la regarder

— Parce que vous l’aimez. Elle n’avait aucunement l’intention de vous blesser en disant ça. Moi non plus je n’ai pas envie de marier. Pas avant d’avoir trouvé l’homme idéal. Son frère, il sait n’est-ce pas ?

— Oui. Elle est la seule à ne pas comprendre. Emma d’abord, puis Nathan et maintenant vous. C’est pour ça que j’ai sollicité votre aide. Je ne supporterais pas de la perdre à cause de Camille.

— Je ferais le maximum pour vous aider. Par contre pour votre relation, le seul moyen pour que vous ne souffriez plus c’est de lui dire. Mais ça vous le savez déjà.

— J’ai trop peur de la perdre en lui disant la vérité.

— J’ai vu comme elle se comporte avec vous. Cette femme est sans gêne, surtout envers vous.

— Ça, c’est sûr.

— C’est bien la preuve qu’il y a quelque chose. Même avec mes amis les plus importants nous ne sommes aussi proches que vous et elle. Ne gâchait pas le lien précieux qu’il y a entre vous. Je suis persuadée que vous êtes fait l’une pour l’autre.

— Merci.

— Du peu que j’ai vu, j’ai eu l’impression que vous n’étiez qu’une seule et même personne. Que vous vous complétiez mutuellement.

Je relevai les yeux en direction de Stephania et son sourire me réchauffa le cœur. J’avais vraiment de la chance de l’avoir à mes côtés en ce moment.

— Comment je peux lui dire ?

— Pourquoi vous ne profiteriez pas de cette fête ? Avec cette musique, si vous chuchotez personne ne vous entendra.

— Mais c’est trop… impersonnel. Et si elle me dit non devant tout le monde ?

— Je ne pense pas qu’elle le fera.

— Je ne sais pas…

— Peu importe la réponse, peu importe comment vous lui dites, si vous y arrivez, c’est moi qui vous invite dans mon Reinaume. Est-ce que ça vous va ?

— Et si je n’y arrive pas ? Vous ne m’inviterez jamais ?

— Si je vous le dis maintenant, ce ne serait pas du jeu. Marché conclu ?

Toujours avec son grand sourire, elle me tendit sa main.

— Marché conclu, répondis-je en souriant et en serrant sa main. Merci Stephania.

— Je suis là pour ça après tout. Pour vous aider.

On se leva en même temps pour retourner sur la piste de danse, au côté de Nathan et d’Océane. Stephania adressa un signe de tête à Nathan et ils s’éloignèrent un peu, me laissant seule avec Océane.

— Est-ce que ça va ? me demanda-t-elle inquiète

— Oui, c’est bon.

— Je suis vraiment nul avec toi, excuse-moi.

— Non, c’est moi qui ne suis pas honnête avec toi, commençais-je à avouer

— Comment ça ? m’interrogea-t-elle tout en continuant à danser

— Il y a quelque chose qu’il faut je te dire depuis plusieurs semaines déjà, mais je n’y arrive pas. C’est trop dur…

— Prends ton temps alors. Tu sais que tu peux tout me dire ?

— Je sais, mais… c’est assez délicat, personnel, enfin voilà quoi.

— Je comprends. Tu veux aller boire quelque chose ? En attendant que tu trouves les mots.

Je respirai un grand coup, regardai Stephania danser avec Nathan. Ils nous observaient. Quand elle croisa mon regard, elle leva son pouce en souriant.

— Je t’aime, dis-je finalement, d’une traite.

Elle s’arrêta de danser et me regarda droit dans les yeux. Attendant sa réponse sans même la vouloir, mes poumons s’étaient bloqués, je ne respirais plus. Après quelques secondes qui me parurent durer une éternité, elle s’approcha de moi et posa ses mains sur mes bras, ce qui me fit aussitôt respirer de nouveau. Prenant enfin conscience de ce que je venais de dire, je rougis et baissai les yeux. Mais Océane passa deux doigts sous mon menton et releva ma tête, m’obligeant à la regarder, à me perdre dans ses yeux magnifiques.

— J’ai cru que tu ne me le dirais jamais, répondit-elle en chassant une mèche de cheveux rebelle. Tes messages juste pour savoir comment je vais, tes confidences, ton regard qui s’illumine à chaque fois que tu me vois, tes joues qui rougissent au moindre contact.

— Pourquoi tu n’as rien dit alors ? Pourquoi à chaque fois tu me fais espérer pour finalement me dire que nous sommes qu’amie ?

— Parce que j’ai déjà un petit-ami Elena. Je suis désolée.

Je détournai le regard pour regarder mes doigts qui jouaient ensemble.

— Non, ne détourne pas le regard, s’il te plaît. Tu es la seule à me regarder comme tu le fais en ce moment.

— Est-ce que… tu es heureuse avec lui ?

— C’est compliqué.

— Océane !

— Non Elena, ne cherche pas à vouloir m’aider, je t’en supplie.

— Pourquoi ?

— Je veux juste te protéger de lui.

Elle voulut s’éloigner, mais je l’en empêchai en attrapant son bras et en la ramenant contre moi.

— Je t’aime Océane, ne pars pas.

— Je suis désolée, Elena. Mais si je pouvais t’embrasser, là maintenant, je le ferais, me chuchota-t-elle en se libérant de ma main.

— Alors, fais-le !

— Je ne peux pas, excuse-moi.

Je vis ses yeux briller quand elle s’éloigna. Pourquoi avais-je l’impression que ses sentiments étaient réciproques, mais qu’à cause de son petit ami, elle refuse de les accepter ? Du coin de l’œil, je vis Nathan et Stephania s’approcher.

— C’est qui son petit ami ? demandais-je alors à Nathan

— Tu ne veux pas savoir, répondit-il.

— Pourquoi elle ne veut pas que je l’aide ? Pourquoi elle veut me protéger de lui ? m’énervais-je

— Tu ne veux pas savoir.

— Mais…

— Non Elena, me coupa-t-il. C’est trop dangereux, pour elle comme pour toi. S’il apprend qu’elle a une échappatoire avec toi… je ne veux pas perdre l’unique famille qu’il me reste.

Il s’éloigna à son tour, me laissant seule avec Stephania. N’ayant plus envie de danser, je sortis de la piste de danse et m’assis sur un banc, à l’ombre.

— Elle savait, commençais-je. Elle savait ce que je ressentais pour elle.

— Qu’est-ce qu’elle vous a dit ?

— Si elle avait pu, elle m’aurait embrassé.

— Donc elle a de réels sentiments pour vous. Son petit ami doit-être le problème.

— Si c’est le problème, je veux pouvoir l’aider.

— Si elle refuse votre aide, c’est qu’il y a une bonne raison.

— Je ne pourrais pas me le pardonner s’il lui arrivait quelque chose alors que j’aurais pu l’aider.

— Vous ne pouvez pas tous contrôler Elena. C’est sa vie, pas là votre. Peu importe ce qu’il se passe avec son petit-ami, faites-en sorte qu’elle puisse venir vous voir au moindre problème, qu’elle vous fasse confiance au point d’être la première personne qu’elle appellera à l’aide si besoin.

— Vous avez raison. Je dois être là pour elle le jour où elle aura besoin de moi.

— En tout cas, cette fête de la musique était incroyable, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas amusé. Cet après-midi, grâce à vous, je suis redevenu une jeune femme de vingt ans et non une Reine. Merci pour ça.

— Et merci à vous de m’avoir aidé avec Océane.

Je regardai mon téléphone et vis que je n’avais toujours pas de message. L’opération de Juliette ne devait pas être finie.

— Est-ce que ça vous dérange si l’on passe quelques heures chez la mère d’Emma ? Je n’ai pas trop envie de rentrer au château pour le moment.

— L’opération de votre amie n’est toujours pas finie ?

— Non, je n’ai pas encore de nouvelle. Une question, vous avez un maillot de bain ?

— J’en ai un, au château.

— Demandez à l’une de vos domestiques de vous l'apporter ainsi qu'une serviette. Je veux vous montrer un endroit.

Pendant qu’elle envoyait un message, je fis de même pour qu’on m’apporte mes propres affaires de piscine. On rejoignit ensuite Emma chez sa mère.

— On peut rentrer ? demandais-je alors que la porte était entre ouverte.

— Majesté ? me répondit la mère d’Emma. Bien sûr entré, il fait plus frais à l’intérieur. Vous voulez boire quelque chose ?

— Avec plaisir. Stephania ?

— Je veux bien aussi. Cette chaleur donne très soif.

— Asseyez-vous, du jus de pomme ça vous va ? demanda-t-elle en posant deux verres sur la table et une carafe.

— C’est parfait.

— Avez-vous des nouvelles de ma fille ?

— Pas encore Madame.

— Pas de nouvelle bonne nouvelle.

— Je l’espère. J’ai besoin qu’elle me débloque internet, rigolais-je. Dites-moi, où est Emma ?

— À l’étage. Elle aide Éloïse à finir un exercice d’économie.

— Parce que c’est à Emma que vous demandez ça ? ne pus-je m’empêcher de rigoler. Je suis bien plus doué en économie qu’elle.

— Je n’y comprends rien à ses exercices maman ! s’exclama alors Emma en descendant. Ça ne sert à rien de me demander de l’aider la prochaine fois.

— Qu’est-ce que je vous disais ?

On se mit à rire toutes les trois, sous le regard interrogatif d’Emma.

— Dit à ta sœur de descendre, je vais l’aider. Avec moi, ce sera fini en moins de deux.

— On paris ?

— Ma pauvre fille, tu es perdante si tu paris, ajouta sa mère.

— Si je réussis rapidement, tu prends une semaine de congé. Si…

— Une semaine ? Mais tu es complètement malade ! Qui va s’occuper de toi pendant ce temps-là ?

— Si je n’y arrive pas, je nettoie moi-même ma chambre.

— Marché conclu. J’ai hâte de te voir te dépatouiller seule dans la poussière, rigola-t-elle.

— Ça n’arrivera jamais Emma, jamais.

Éloïse descendit quelques minutes plus tard avec ses devoirs. Elle s’installa à côté de moi et je regardai son exercice pendant deux minutes. C’était beaucoup trop facile pour moi. J’expliquai à Éloïse ce qu’il fallait faire pendant cinq minutes sans lui donner la réponse. J’écrivis sur une feuille à part les formules qu’elle aurait besoin d’utiliser et la laissa faire. Moins de trois minutes plus tard, elle avait fini son exercice et ses réponses étaient correctes.

— Tu me dois une semaine de vacances Emma, rigolais-je.

— Tu as gagné, je les prendrais comme convenu.

— Merci, Votre Majesté, ajouta Éloïse

— Mais de rien.

Elle retourna dans sa chambre et je ne pus retenir mon rire en voyant la tête dépitée d’Emma.

— Quel âge elle a ? demanda alors Stephania

— Éloïse à dix-sept ans, Jeanne dix-neuf, Juliette vingt et un et moi vingt-trois, répondit Emma.

— C’est une belle petite famille que vous avez là.

— Est-ce que tu veux venir te baigner avec nous Emma ? lui demandais-je

— Où ça ?

— Au lac où Océane m’a emmené la dernière fois.

— Je ne sais pas très bien nager.

— Menteuse ! s’exclama alors sa mère ce qui me fit rire de plus belle

— Heureusement que je suis une nageuse hors pair alors.

— Qu’est-ce que j’en sais, je ne t’ai jamais vu nager.

— C’est l’occasion. S’il te plaît Emma.

— Elle va venir avec vous, enchaîna sa mère. Je ne te laisse pas le choix de toute façon.

— Maman !

— Dépêche-toi d’aller te préparer, jeune fille.

— Ça vous dérange si on se prépare ici ? Nos affaires vont bientôt arriver.

— Vous êtes chez vous ici, Majesté.

— Merci, Madame.

Nos affaires arrivèrent à ce moment-là et je laissai Stephania aller se préparer en première. J’en profite pour envoyer un message à Emma.

« On va se baigner dans ton petit coin de paradis. Ça me ferait plaisir si tu te joignais à nous. »

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