Chapitre 34

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Le soleil était levé depuis à peine une heure et il faisait déjà très chaud. Un vent légèrement frais venait de caresser la nuque tandis qu’Emma ramassait mes cheveux pour former un chignon. Le parfum des arbres en fleurs venait chatouiller mes narines. Silencieuse, je regardais mes doigts jouaient ensemble.

— Relève la tête Elena, que je puisse finir.

— Excuse-moi.

Relevant la tête, je me regardai dans le miroir. Derrière moi, je pouvais voir Emma attacher les mèches rebelles avec des épingles à cheveux. Pendant une fraction de seconde, je crus voir Océane à sa place et baissai à nouveau la tête. J’étais incapable de l’aider, de la protéger et ça avait hanté toute ma nuit. D’abord ma mère, où je l’avais sauvé in extremis, Camille où même les avocats de Stephania ne pouvais rien sans preuve contraire, et maintenant son petit-ami. Un homme dont je ne savais rien, pas même son nom et que je détestais plus que tout.

— Dis-moi ce qu’il se passe, ajouta Emma en posa les épingles à côté du lavabo et en se plaçant devant moi.

— Ce n’est rien, ça va.

— Dans ce cas, arrête de bouger. Plus je mettrais de temps à finir ta coiffure, moins tu en passeras avec la Reine.

Dès qu’elle eut fini, je me levai et quittai aussitôt ma chambre sans lui laisser le temps de parler. Je marchai jusqu’à la chambre de Stephania et frappe à sa porte. L’une de ses domestiques m’ouvrit. Quand je vis qu’elle aussi se faisait coiffer, je voulus rebrousser chemin.

— Votre Majesté, m’annonça celle qui avait ouvert avec une révérence.

— Est-ce que je dérange ?

— Entrez Elena, entrez.

— Avant que vous ne partiez, j’aimerais vous parler… d’Océane, commençais-je en triturant mes doigts.

— Laissez-nous, ordonna-t-elle à ses domestiques qui s’en allèrent avec une révérence.


La dernière ferma la porte et je m’assis sur le lit en regardant mes pieds.


— Qu’est-ce qui vous tracasse ? demanda-t-elle s’approchant de moi et en relevant ma tête du bout des doigts.

— La voir comme ça hier… je déteste être impuissante, ça me rappelle trop quand ma mère était encore là.

— Vous ne pouvez pas aider tout le monde, Elena. Et encore moins ceux qui ne veulent pas de votre aide.

— Qu’est-ce que je peux faire alors ?

— À part attendre pas grand-chose.

— Et si… je l’incluais dans ma suite ? Peu importe comment, mais…

— C’est un mauvais idée. D’une part, se serait mal vu par vos domestique et suspect et elle est déjà votre Conseillère.

— J’ai étudié nos lois toute la nuit et je suis censée me marier pour renforcer mon pouvoir. Un mariage purement politique.

— Vous ne pouvez pas modifier cette loi ?

— Malheureusement non. Tout ce qui a trait aux pouvoirs mêmes de l’Impératrice et à ses devoirs, je n’ai aucun droit là-dessus. Ma mère a trop bien préparé sa succession.

— Je suis navrée de l’apprendre.

— Et mon peuple est contre toute relation comme celle entre Océane et moi.

— Vous parviendrez à les faire changer d’avis.

— Comment ?

— En leur prouvant que vous êtes heureuse avec elle et que votre relation ne nuira pas à votre rôle d’Impératrice.

— Vous croyez que j’y arriverais ? À devenir l’Impératrice que tout le monde attend que je sois ?

— J’en suis persuadé. Vous n’avez que des personnes prêtes à vous aider et qui veulent votre bien autour de vous. J’aimerais avoir une domestique et amie comme Emma, vous avez de la chance.

— C’est vrai, je ne sais pas ce que je ferais sans elle.

— Croyez en vous Elena, du peu que j’ai vu pendant trois jours, je suis sûr que vous serez une grande Impératrice. Et puis, si vous avez la moindre question, vous m’envoyiez un message ou vous m’appelez, peu importe. Je vous répondrais toujours.

— Merci Stephania. Je vais vous laisser vous préparer maintenant.

Elle attrapa ma main dans la sienne pendant quelques secondes en me souriant avant de me lâcher. Quand j’ouvris la porte, ses domestiques attendirent que je sorte pour rentrer. Stephania me sourit une dernière fois avant que la porte ne se ferme. En marchant lentement pour aller dans la Grande Salle, je finis par croiser le commandant Fauster.

— Puis-je vous parler en privé, Majesté ?

— Bien sûr. Que personne n’entre, ordonnais-je aux deux gardes postés devant les portes de la Grande Salle.

— Compris, Votre Majesté !

Les domestiques qui préparaient le petit déjeuner partirent, nous laissant seuls.

— Vous les avez trouvés ?

— Je ne sais pas encore, mais nous avons trouvé une fosse commune.

— Une fosse commune ?

— Pour le moment, les gardes sur place ont déterré une vingtaine de cadavres, mais on pense qu’il y en a beaucoup plus. C’est ici qu’ont été enterrées une partie des victimes de votre mère.

— À combien estimez-vous le nombre de corps ?

— Une bonne centaine, je pense.

— Quand avez-vous commencé ?

— Tôt ce matin. Je pense qu’on en aura pour la journée.

Je pris appuie sur une chaise et respira un grand coup.

— J’aurais voulu me rendre sur place, mais avec le départ de la Reine Stephania…

— J’ai pris des photos pour vous. De notre organisation. Rassurez-vous, vous ne verrez aucun cadavre.

— Très bien, montrez-moi.

Il sortit une dizaine de photos de sa poche et les disposa sur la table. Une banderole à cinq mettre autour du trou avait été placé pour éloigner les curieux. Sous des draps de couleur, je devinais des corps. Le commandant Fauster m’indiqua que le code couleur permettait de trier les corps selon leurs décompositions. Il les ramassa quelques minutes plus tard.

— Identifiez le plus de corps possible.

— C’est ce que je comptais faire. Votre Majesté, enchaîna-t-il pour se retirer.

Hésitant quelques secondes, je l’arrêtai alors que les portes étaient ouvertes. Emma, Stephania et sa suite attendaient là.

— Attendez !

— Majesté ? m’interrogea-t-il en se retournant.

— Si jamais vous identifier Stéphane et Marie Luisard, ou même mon père, prévenait moi aussitôt.

— Évidemment, mais ça m’étonnerait que votre père s’y trouve.

— Merci Commandant.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? m’interrogea ensuite Emma.

— Tu pourras dire aux journalistes que les habitants doivent établir la liste des disparus du règne de ma mère ?

— Tu les as retrouvés ?

— En quelque sorte. Le petit déjeuner est prêt, venez Stephania.

— Stéphane et Marie Luisard, ce sont les parents d’Océane n’est-ce pas ? me demanda-t-elle à l’écart, pendant que Stephania s’installait

— Oui. Elle m’avait demandé de faire des recherches sur eux et c’est comme ça que les soldats ont trouvé une fosse commune.

— Mince, j’espère qu’ils n’y s’y trouve pas.

— Et moi j’espère que si. Je ne me fais pas d’illusion sur le fait qu’il soit probablement mort depuis plus d’un an et j’aimerais pouvoir dire à Océane qu’on les a retrouvés. Pour qu’elle puisse faire son deuil.

— Je comprends.

Elle posa une main dans mon dos et me poussa délicatement pour que j’aille prendre mon petit déjeuner. Une boule dans mon ventre m’empêchait d’avaler quoi que ce soit, mais je me forçais, pour ne pas inquiéter Emma pour rien. Quand il fut enfin l’heure pour Stephania de partir, des voitures attendaient dans la cour.

— J’ai été ravie de vous accueillir, Majesté.

— Pareil pour moi. Vous m’avez tellement appris, Elena.

— Vous aussi vous m’avez beaucoup appris.

— N’oubliez pas que vous pouvez me joindre n’importe quand, je serais là pour vous.

— Merci Stephania. N’oubliez pas de vous recouvrir en arrivant chez vous, rigolais-je.

— C’est vrai, je me suis habituée à la chaleur.

— Rentrez bien.

— La prochaine fois, c’est vous qui serez mon invitée, Majesté.

— Je viendrais avec plaisir.

Elle me prit dans ses bras et frotta mon dos.

— Soyez patiente avec votre amante, me chuchota-t-elle.

Sans que je ne puisse ajouter quoi que ce soit, elle s’éloigna pour monter dans sa voiture. Le reste de la délégation Carandiénne en fit de même et quelques minutes plus tard, le cortège de voitures se mit en route, vidant le château. Quand ils furent loin, je rentrai pour finir d’établir les accords que nous avions mis en place avec la Reine Stephania. J’en profitais aussi pour commencer à établir ceux avec le royaume Thérénia et d’Eldusia. Il n’y avait qu’avec l’île Libre de Tifna que je ne pouvais établir de rapport diplomatique. Ils n’avaient pas de représentants politiques.

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