Chapitre 40

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À mon réveil, j’étais dans mon lit et je me souvenais de tout ce qu’il s’était passé et j’avais mal à la tête. Je resserrais la couverture autour de ma poitrine, enfonçais un peu plus ma tête dans l’oreiller et fermais à nouveau les yeux. Quand des bras m’entourèrent, l’odeur d’Océane remonta dans mes narines et des larmes coulèrent.

— Je suis là Elena, tout va bien.

— Excuse-moi, Océane. Je… je ne sais pas ce qu’il m’a pris.

— Ce n’est pas grave, je t’assure. Tu avais juste trop bu.

— Est-ce que… je vous ai fait peur ? demandais-je en m’asseyant sur le lit.

— Un peu, c’est vrai, répondit Emma, assise sur le bord du lit. On avait l’impression que tu n’étais pas toi-même.

— Mais c’est sûrement à cause de l’alcool, enchaîna Océane.

— Est-ce que tu es rentrée chez toi depuis ?

— Pas encore. Je voulais savoir comment tu allais avant.

— Fais attention, je crois que j’ai un peu trop énervé Julien.

— Promis. Je t’enverrais un message toutes les heures si ça peut te rassurer.

— Toutes les heures, c’est un peu exagéré, mais d’accord. Excuse-moi aussi de t’avoir embrassé, comme ça, devant tout le monde alors que…

— J’ai mis ça sous l’effet de l’alcool, ajouta Emma. Personne n’a le moindre soupçon sur ce qu’il y a réellement entre vous.

— Merci Emma.

— Bon, je devrais y aller maintenant. Fait attention à toi, Elena, enchaîna Océane.

— Toi aussi.

Elle m’embrassa avant de quitter la chambre. Assise, je ramenai mes genoux contre ma poitrine. Une attelle maintenait mon poignet droit. Il s’était passé la même chose lors de l’orage électromagnétique. Sauf que cette fois, j’avais entendu une voix et je l’avais écouté. J’avais été complètement dépassée par les événements et surtout par mes émotions.

— Ça va aller Elena ? m’interrogea Emma en se rapprochant de moi.

— Tu pourrais demander au Dr Langstone de venir me voir ?

— Tu es malade ?

Son instinct maternel reprit le dessus et elle posa sa main sur mon front pour vérifier si je n’avais pas de fièvre.

— Non, je ne suis pas malade. J’aimerais juste lui parler de quelque chose.

— Bon très bien, je vais aller lui dire. Il y a de quoi manger et boire sur ton bureau, si tu as besoin.

— Merci Emma.

N’ayant pas faim, je me dépêchais de prendre une douche avant l’arrivée du Dr Langstone. Quand j’en sortis, vêtu d’une robe blanche à manche longue, on frappa à ma porte.

— Entrez !

— Vous vouliez me voir Majesté ?

— En effet. Vous pouvez vous asseoir.

Je m’assis sur mon lit et désignai la chaise de mon bureau.

— Avez-vous des nouvelles du dossier médical de ma mère ? demandai-je une fois qu’il fut assis.

— En effet. J’ai mis beaucoup de temps à trouver le médecin qui la suivait depuis sa naissance, mais je l’ai enfin.

— Qu’en avez-vous conclu ?

— Elle était schizophrène. Mais votre père souhaitez garder cela secret, c’est pour ça que je ne savais pas moi-même.

— Donc il savait. Est-ce qu’il serait possible que… j’y sois moi aussi atteinte ?

— Qu’est-ce qui vous fait penser ça ?

— À deux reprises, je me suis énervée comme jamais auparavant. Et hier, il y avait une voix qui me disait ce que je devais faire alors qu’il n’y avait personne. Et je l’ai écouté.

— Vous aviez beaucoup bu, je crois ?

— Quatre coupes de champagne, en effet.

Le Dr Langstone réfléchi plusieurs minutes, en silence. Il grattait sa barbe et semblait regarder dans le vide.

— À ce stade, il est trop tôt pour affirmer quoi que ce soit. L’alcool est, pour le moment, l’explication la plus logique à ce qui est arrivé.

— Mais c’est possible ?

— C’est possible, en effet. Mais rien de dit que vous l’êtes ou que vous le deviendrez un jour. Si ça recommence, venez m’en parler.

— Merci Docteur.

Quand il sortit de ma chambre, Emma entra aussitôt. Je la soupçonnais de nous avoir écoutés, mais ne dit rien. J’attrapais la chaise et m’installais dans la salle de bain pour qu’elle me coiffe.

— Tu n’es pas comme ta mère, Elena. Et je ne te laisserais jamais devenir comme elle, je te le promets.

— Merci Emma, mais…

— Non, je veux ne rien savoir. Reste positive.

— Comme tu veux.

Dans ma chambre, j’entendis mon téléphone sonner. Je venais de recevoir un message.

— J’ai fini de toute façon, tu peux aller regarder ton téléphone.

— Merci.

Je me levais, attrapais mon téléphone posé sur ma table de nuit et m’assis sur mon lit.

« Je suis arrivée chez moi et il y a Julien. Promis, je t’envoie un message dès qu’il est parti. »

— Quelque chose ne va pas ? me demanda alors Emma.

— Océane vient d’arriver chez elle et Julien est là. Et après ce qu’il s’est passé hier, j’ai peur qu’il s’en prenne à elle.

— C’est compréhensible. Mais essaie de lui faire confiance, d’accord ?

— Tu n’as pas tort. Elle sait se défendre.

— Mais sinon, malgré ce qu’il s’est passé avec Julien, tu devrais organiser des bals plus souvent. J’ai eu de bon retour, des invités comme des domestiques. Ils ont aimé organiser ce bal, qui n’est pas dans les habitudes de leurs fonctions. Tous le monde s’est entre aider pour que ce soit parfait le plus rapidement possible.

— Tu devrais devenir Gouvernante du château, Emma. C’est aussi grâce à toi.

— Une promotion ? J’aurais encore plus de travail et moins de temps pour m’occuper de toi.

— Tu géreras ton emploie de temps comme tu veux. J’ai confiance en toi, Emma.

— Laisse-moi y réfléchir.

Afin d’être sûr d’entendre le message d’Océane quand Julien allait partir, je mis le son de mon téléphone au maximum. Emma déposa un baisé sur mon front et retourna à ses occupations. Afin de ne pas paniquer en attendant d’avoir des nouvelles de ma bien-aimée, je me concentrais sur tous le travail que j’avais à faire. Cela fait déjà huit mois que j’étais au pouvoir et je pouvais enfin être fière de moi. J’avais commencé à réduire les inégalités sociales, mon peuple était plus heureux et il m’appréciait. Au côté d’Océane, j’avais réussi à vivre. Je comprenais enfin ce sentiment magique qu’est l’amour. Aimer et être aimé, tout ce dont j’avais été privé toute ma vie, je l’avais retrouvé grâce à cette femme. Je n’avais plus peur de la couronne, du poids de celle-ci sur mes épaules car je savais que j’en étais capable. J’étais certes seule au pouvoir mais j’avais plusieurs personnes prête à tout pour m’aider et m’épauler quoi qu’il arrive. Il n’y avait que moi qui portait la couronne mais je n’étais pas seule.

Concentrée sur mon travail, je ne vis pas le temps passé. C’est en regardant l’heure sur mon téléphone que je compris que je n’avais toujours pas de nouvelle d’Océane. La panique pris immédiatement le dessus sur le calme intérieur que j’avais réussi à obtenir. Je décidais alors de l’appeler mais elle ne me répondit pas, augmentant mon angoisse et ma panique. Mon téléphone à la main, je courus jusqu’au bureau de Juliette et entrait sans mettre prendre le temps de frapper.

— Tu serais capable de trouver un numéro de téléphone en urgence ?

— Bien sûr, tous les numéros sont répertoriés dans une liste qui…

— Trouve-moi celui de Nathan Luisard le plus vite possible s’il te plaît.

— Je te fais ça tout de suite.

— Qu’est-ce qu’il se passe, Elena ? M’interpella Emma, alors que je ne m’était pas aperçue de sa présence.

— Je n’ai toujours pas de nouvelle d’Océane et quand elle est rentrée chez elle, Julien était là. Et elle devait m’envoyer un message quand il serait parti.

— Il est peut-être toujours avec elle.

— Ou alors il lui est arrivé quelque chose. Et elle ne répond pas au téléphone. Je veux juste m’assurer qu’elle va bien via son frère.

— Je comprends. Je vais vous laisser alors.

J’attendis dix minutes que Juliette revienne avec un bout de papier. Le numéro de Nathan était inscrit dessus. Je le notais aussitôt sur mon téléphone et l’appelais. Heureusement, lui, il répondit.

— Allô ?

— Nathan ? C’est Elena. Est-ce qu’Océane est avec toi ?

— Non, mais elle est à la maison avec Julien depuis ce matin. Il m’a mis dehors quand il est entré et il n’est toujours pas sorti.

— Est-ce que tu peux aller voir si elle va bien ? Je n’ai pas de nouvelle et ça m’inquiète.

— Je vais essayer. Je te rappelle dès que j’en sais un peu plus.

— Merci Nathan.

Il raccrocha et je m’assis là où était Emma avant son départ. Si Julien était toujours avec elle, ça expliquait pourquoi elle ne m’avait toujours pas envoyé de message. Mais le fait qu’il ait mis Nathan à la porte me paraissait beaucoup trop suspect. Respirant un bon coup, j’essayais de ne pas paniquer tant que je n’aurais pas de nouvelles informations de la part de Nathan.

— Alors ? m’interrogea Juliette.

— Nathan me rappelle dès qu’il a plus d’information.

— Ça ne sert à rien de paniquer alors. Pas de nouvelle, bonne nouvelle.

— Sauf avec un petit ami violent.

J’avais beau essayer de respirer pour me détendre, je n’y parvenais pas. Si je n’avais pas de nouvelle rapidement, j’allais finir par me ronger les ongles jusqu’au sang. Heureusement, je n’eut pas longtemps à attendre pour recevoir l’appel de Nathan.

— Julien vient de sortir de la maison les mains en sang et il a fermé la porte à clé. Je ne peux pas rentrer.

— J’arrive tout de suite, trouve un moyen de rentrer.

Je me levais aussitôt et convoquais le Général Fauster ainsi qu’une quinzaine de gardes. Ils arrivèrent en moins de dix minutes.

— Majesté, commença-t-il. Pourquoi nous avoir convoqués en urgence ?

— Sont-ils vos meilleurs hommes ?

— Oui Majesté, ils sont tous entraînés depuis leurs dix-huit ans et aucun ne m’as jamais fait défaut.

— Bien. Ce que je vais vous dire ne doit jamais sortir de cette salle. Compris ?

— Oui, Votre Majesté ! répondirent-ils en cœur, au garde-à-vous.

— Une amie à un petit ami violente et je n’ai pas de nouvelle de sa part depuis ce matin. Il y a quelques minutes, son frère a vu son petit ami sortir de la maison avec les mains en sang. Dès que nous arriverons sur place, six d’entre vous iront bloquer les entrées et sorties de la ville. Je veux qu’aucun jeune homme ayant entre dix-huit et vingt-cinq ans ne sort avant que je ne l’aie est vu.

— Savez-vous qui est son petit ami ? m’interrogea le Général Fauster.

— Je le connais, oui. Deux d’entre vous iront fouiller la maison de mon amie, tandis que deux autres devront rester constamment avec moi. Les autres, vous vous assurerez de créer un périmètre de sécurité autour de la maison. Si les villageois vous demandent ce qu’il se passe, vous répondrez seulement que vous êtes là pour la sécurité d’une villageoise, c’est tout. Je ne veux pas de violence, sauf si je vous le demande ! Ai-je été assez claire ?

— Oui, Majesté.

— Bien. J’espère que notre intervention ne créera pas de désordre en ville. En route, soldats.

Le Général Fauster faisait partie des quatre gardes qui me suivraient. On monta à cinq par voiture, chauffeur compris. Quand on arrive en ville, la foule commençait déjà à se réunir autour des voitures. Je vérifiai que ma couronne était bien positionnée sur ma tête avant que le Général n’ouvre ma portière. Quand je sortis, je vis les visages effrayer des villageois qui ne comprenaient pas ce qu’il se passait. Rapidement, nous marchions jusqu’à la maison d’Océane où Nathan cherchait toujours un moyen d’entrer.

— Je suis là, Nathan, je m’en occupe maintenant.

— Merci Elena.

— Allez, on se dépêche, ajoutais-je à l’intention des gardes.

Ils entrèrent dans la maison et l’attente me parut interminable.

— Majesté ! Nous l’avons trouvée !

— Comment va-t-elle ? demandais-je très inquiète.

— Je ne saurais dire, elle doit voir un médecin. Me répondit l’un des gardes en prenant Océane dans ses bras.

Quand le garde passa à côté de moi avec Océane dans les bras, je pus voir qu’elle était évanouie et que du sang coulait depuis son visage. Je serais mes poings jusqu’à enfoncer mes ongles dans mes paumes afin de canaliser toute la rage qui bouillonnais en moi.

— Vous deux, vous rentrez au château immédiatement et vous l’amenez à l’infirmerie. Prévenez le Dr Langstone au passage.

— Tout de suite, Majesté.

J’entrais ensuite dans la maison et regardais pendant plusieurs minutes, en silence, la tache de sang sur le parquet et la table, là où était Océane quelques secondes plus tôt.

— Majesté, les villageois s’inquiètent, m’interpella le Commandant Fauster. Ils ont vu votre amie inconsciente partir avec les gardes.

— Merci de m’en avoir informé.

Je sortis de la maison et en effet, plus d’une vingtaine de personnes était rassemblée devant la porte, bloquée par les gardes.

— Que tout le monde m’écoute ! criais-je pour avoir le silence. Océane Luisard a été retrouvée inconsciente chez elle. Son petit ami, Julien là violemment battu. Si nous vous empêchons de quitter la ville, c’est pour le trouver lui, si j’ai emmené autant de gardes, c’est pour le retrouver lui. Je sais que voir autant de gardes ne vous plaît pas. Pourtant je dois le retrouver et plus vite que vous ne pouvez l’imaginer. Si vous avez la moindre information, n’hésitez pas à en parler à l’un des gardes. Ils sont à votre écoute. Merci à tous.

Pendant près de vingt minutes, j’essayais de repérer Julien parmi tous les jeunes hommes de son âge. Quand j’y parviens enfin, je serais à nouveau mes poings pour ne pas aller trop loin.

— J’espère pour toi qu’il ne lui est rien arrivé de grave, lui dis-je avec un regard noir. Vous pouvez l’embarquer !

— Que va-t-il se passer pour lui maintenant ? m’interrogea un villageois avec un ton apaisant.

— Océane a déjà été prise en charge par mon médecin personnel. Ne vous inquiétez pas pour elle. Quant à Julien, je ne sais pas. J’aimerais qu’il soit jugé justement. Et malheureusement, l’Empire n’a pas encore de véritable justice.

— Vous savez, Majesté, de nombreuses personnes ont fait des études de droit. Pourquoi ne pas demander à un juge reconnu de faire son jugement, ainsi qu’à un avocat afin qu’il soit jugé correctement et que sa sanction ne vous trouble pas ? Et au pire, vous pouvez contacter les royaumes voisins.

— Merci du conseil.

— Dites-moi, comment avez-vous su ? Nous habitons à côté et pourtant nous n’avons rien remarqué.

— Julien l’avait déjà frappé. Je l’avais prévenu de ne pas retourner le voir, mais elle ne m’a pas écouté. C’est son frère qui m’a appelé à l’aide, mentis-je.

— Merci d’être venu à son secours. Pour elle.

— Elle me remercia quand elle ira mieux. Je dois y aller.

— Je vous en prie. Prenez soin d’elle, Majesté.

— Je vous le promets.

On rentra ensuite au château et j’envoyais un message à la Reine Stephania, qui était partie avant mon réveil, pour lui demander conseil avant de retrouver Océane et le Dr Langstone à l’infirmerie. La tête d’Océane était entourée d’un bandage et elle avait de nombreux bleus sur le visage, comme sur les bras.

— Comment va-t-elle ? Demandai-je inquiète au Dr Langstone.

— Elle a un traumatisme crânien. Elle a dû se cogner la tête contre un coin de table. Elle a besoin de beaucoup de repos. Je l’ai plongé dans le coma pour qu’elle ne souffre pas et qu’elles se remettent plus rapidement.

— Combien de temps ? demandais-je alors que les larmes me montaient aux yeux.

— Je ne saurais vous dire, Majesté. Une semaine, peut-être plus.

— Merci, Docteur.

Il sortit de l’infirmerie, me laissant seule avec elle. Je m’assis sur la chaise à côté du lit d’Océane et je ne pus retenir mes larmes. Tout ça, c’était ma faute. Je n’aurais jamais dû provoquer Julien. Je n’aurais jamais dû intervenir, comme elle me l’avait demandé.

— Je suis désolée, Océ. Mais il faut que tu te battes. J’ai besoin de toi et je t’aime, ajoutais-je en attrapant sa main.

Pendant plusieurs heures, je restais assise à côté d’elle, à attendre. Je finis par m’endormir dans mon siège.

Fin Tome 1

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