Chapitre 5 - Partie 4

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Intima Meï, alors qu’il venait de sortir de l'ascenseur.

Son esprit se brouillait, prit dans une moissonneuse qui écrasait la raison par une rotation de curiosité maladive. Pourquoi faisait-il confiance à une intelligence artificielle ? Pourquoi s’en sentait-il si proche par ailleurs ? D’aucun de ses collègues il n’avait retenu le nom… et eux ? Il ne se souvenait pas de la moindre altercation… peut-être était-ce là un objectif des Ming ? Créer un lien tel entre l’employé et son IA attitré qu’il n’aurait plus besoin de nouer des liens avec ses semblables ? Un circuit électronique, ça ne se rebelle pas, alors si un collaborateur est mécontent, il n’aura que peu d’oreilles pour l’écouter…

Espoir dégagea cette pensée morose, à la Lavande, pour virer droit vers un optimisme débordant qu’il s’efforçait d’avoir en toute circonstances.

Meï revint,

— Qu’as tu fait exactement ?

Je me suis assurée que le couloir soit vide, il n’est pas fréquenté habituellement car peu d’employés ont l’autorisation d’y entrer. Je ferais aussi en sorte que, sur notre passage, les caméras aient un léger temps d’arrêt, suffisamment pour que nous passions en toute discrétion.

— Comment peux-tu faire cela ? C’est… loin d’être ce pour quoi tu es programmé, tu outrepasses tes fonctions, de plus pour… aller à l’encontre de tes créateurs ?

Meï parut réfléchir, ce n’était pas une fonction d’arrêt qui s’était enclenché avec une incrémentation suffisamment élevée pour laisser croire à un temps de réflexion… non, là Espoir en avait la certitude, elle ne faisait pas que mimait, l’IA avait réellement une concentration induite par son questionnement ; c’était ses sens humains qui lui envoyaient le signal… où bien était-ce encore là une prouesse des chercheurs quantiques ? Dans tous les cas, en tant qu’ingénieur, il n’avait pas connaissance d’une telle excellence algorithmique.

Tu es arrêté, sur beaucoup de choses, Espoir. Je pense que tu te méprends sur moi, ma constitution, sur cette entreprise et surtout sur ta soeur.

Cela allait beaucoup trop loin pour le jeune homme, qui, pendant un instant, eut la furieuse envie de faire demi-tour.

Ce que je dois te montrer, ça fait partie des réponses à tes questions Espoir. Lavande avait essayé… et Meï subit un crénelage, sa bouche devint tordue, se remit en place, elle porta sa main sur son crâne, comme si elle était prise d’une horrible douleur.

— Meï ?

Ce n’est rien, dépêchons, par pitié !

Yuan-Ming avait bien réussi son coup, Espoir n’avait qu’une envie : découvrir pourquoi Meï se comportait de la sorte… non plus par curiosité mais par empathie… envers une machine. Il fut pris d’un frisson d’effroi en constatant ce fait, alors qu’il la suivait vers ce qui lui parut être, à cet instant, la réponse universelle.

Cet étage, tout en bas de la tour de la dynastie Ming, contrastait totalement avec le reste du bâtiment. Quand la tour se voulait impériale, si bien d’extérieur que d’intérieur, tel un palais moderne surplombant la médiocrité des autres entreprises, le sous-sol n’était en réalité que le donjon, une sorte de cachot, où les oubliettes étaient les secrets gardés précieusement ici. Espoir sentit son cœur battre à tout rompre, tout autour de lui, dans ce dédale de couloirs sombres, se trouvaient sans aucun doute des choses qu’il ne devrait et ne voudrait pas voir… de quoi peut-être même faire basculer le destin de la mégacorporation Yuan-Ming.

Meï le menait dans un véritable labyrinthe, il espérait qu’elle le raccompagne après lui avoir montré ce qu’elle voulait, car il était sûr de s’y perdre autrement. Surtout que le peu de lumière environnante rendait l’ambiance angoissante, des ombres étaient projetées sur les murs blafards, des ombres qui ne lui appartenaient certainement pas. Des fantômes ? Il n’y croyait pas, pourtant il jurait apercevoir des chuchotements, des courants froids…

plus ils s’avançaient, plus Espoir eut l’impression de courir vers la mort, là-bas, quand les ombres devinrent encore plus imposantes, il hallucinait une cape noir munie d’une faux. Pourtant il continuait, de toute manière avait-il vraiment le choix dorénavant ?

Puis, un très court instant, qui lui inscrit les rétines avec plus d’insistance qu’une cybérologie oculaire, il le vit, cet homme, enchevêtré dans une salle, les bras détachés de son corps, les jambes pas mieux… le torse à moitié baigné dans le liquide jaunâtre d’une cuve, le visage tuméfié, presque fondu, dépourvu de poils ou de cheveux, accroché à des dizaines de câbles qui lui transperçaient la boîte crânienne de part en part.

Espoir n’eut même pas la force de crier, la peur lui mitraillait la gorge de millions de pointes acérées, si bien que ses cordes vocales oublièrent d’exister.

Là…

Il arriva devant une console, dans une salle où il n’y avait pas d’horreur pareille à ce qu’il avait vu juste avant… Meï posa sa main sur la machine munie de multiples touches et écrans, l’appareil était complètement inconnu au jeune homme.

— Qu’est ce que c’est ?

Ce que je voulais te montrer… mais il n’est plus en marche on dirait…

— Tu ne réponds pas à ma question.

Tu dois le voir ! Je ne peux le dire !

L’IA parut s’agaçait, tout comme un humain le ferait.

Viens je…

Elle resta la bouche entrouverte, les yeux exorbités, quelque chose d'inattendu se tramait. Espoir eut l’impression qu’une enclume venait d’être lancée contre son estomac.

— Quoi ?! Quoi Meï ?!

Ils sont là… Ils arrivent…

Son intuition était la bonne, la mort était attendue. C’est de manière étrange qu’il garda son sang-froid, face à une situation pareille il s’imaginait être l’inverse de Lavande, comme d’habitude, et totalement succombé à la panique… mais d’un calme impérial il s’entendit énoncer :

— Pars, déconnectes-toi de mon interface Meï et trouve un putain de moyen de contacter ma soeur, dit lui que je suis dans la merde.

Je… je ne peux pas je l’aurai déjà fait.

— Merde…

Non, rien à faire, aucune idée ne lui venait, des milliers d’idées vagabondaient et s’entrechoquaient dans sa cervelle, mais rien de concret.

— Alors, réponds-moi au moins à ça Meï, que je ne meurs pas…

Vous ne mourrez pas…

— Peu importe, réponds-moi : comment tu connais ma soeur ?

C’est la seule dont je me souvienne Espoir.

Il n’eut le temps de réagir, bien qu’une myriade de questions lui attaqua l’esprit… il sentit deux aiguilles s'enfoncer dans la chair de son dos, puis plus rien.

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