Chapitre 6 - Partie 4

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— Tu veux le sauver ton frère ou pas ?

L’esprit encore bafoué par le dilemme, elle ne tendait l’oreille qu’à moitié.

— Demande à ton Lazarus ce qu’il en penserait !

Lavande leva alors les yeux qui, jusque-là, se baladaient sur l’acier de la table, maintenant ils se portaient sur Tony, enfin… plutôt sur le plexiglas qui les séparait. Le flic désavoué était entouré par deux gardiens, mesure prise contre tout criminel, même dans l’intimité d’une visite, la prison d’Obsidienne avait eu bien trop de soucis de complots avec l’extérieur par le passé.

— Lazarus ? Attends attends, tu te foutrais pas un peu de ma gueule ? C’est pas toi qui me répétait inlassablement d’arrêter de le fréquenter ?

— Oui, oui, c’est bien moi, mais bon sang Lavande t’as besoin de raisonner là, et lui tu l'écoutes au moins.

— Je l’écoutais.

— Il peut t’aider.

— Il pourrait.

— Il t’a toujours mangé dans la main.

— Il le faisait.

— Alors demande-lui de l’aide !

— Nan.

Tony s’emporta un coup en frappant la table, agacé par le comportement de la stip’, ce à quoi l’un des gardiens répondit par une ferme tape derrière le crâne. L’ex-flic se tourna alors brusquement pour tenter de fusiller du regard l’homme responsable de cela… mais les deux ne daignaient même pas lui adresser le moindre coup d'œil.

Cette scène eut au moins le mérite de déclencher un petit sourire au coin droit des lèvres de Lavande.

— Ouais, fiche toi de moi, c’est ça… en attendant tu veux mon conseil, tu l’as. Puis il se fait tard, tu devrais dormir, t’es censé donner ta réponse demain tu m’as dit non ?

Lavande hocha la tête, muette,

— Appelle le au moins, je sais que… je sais qu’il a essayé de… écoute, parle lui et s’il t’emmerde tu coupes définitivement les liens d’accord ?

— Je vais y réfléchir.

Elle commença déjà à se lever de sa chaise,

— Eh, Lavande…

L’interpella t il avant qu’elle ne parte.

— Il te va à merveille mon chapeau.

Les mains dans les poches de son trench, la stip’ sortit de l’Obsidienne pour rejoindre les rues de NV. La nuit avait définitivement emporté la ville, qui dévoilait alors un autre visage, bien plus dramatique que le premier. L’Obsidienne, pourtant noir de jais d’où son nom, était bien visible par le nombre de néons qui jonchaient les moindres recoins de la cité, même le ciel paraissait en être pourvu avec ces holopubs aggressives… la journée paraissait parfois même bien moins éclairée que la nuit. Ses pensées dévièrent alors vers Lazarus, qu’elle n’avait pas côtoyé depuis quelques mois maintenant. Elle l’avait connu quelques temps après son retour à New Valley, quand elle ne savait pas encore quoi faire pour aider son frère à payer les vivres. Espoir possédait une amie proche qui avait pour petit ami un stipendiaire, de fil en aiguille de leurs conversations, elle avait proposé que Lavande le rencontre, Espoir parlant souvent de sa sœur et de ses déboires… mais aussi de ses talents.

Elle n’avait pas été convaincu, loin de là, un travail aussi sale ne méritait aucun salaire pour la jeune femme, cependant elle devait se résoudre à faire quelque chose… alors Lazarus lui avait proposé de faire quelques boulots pour lui puis de se rendre à la NVP pour devenir leur stip’ quand elle aurait suffisamment de compétences pour. Quel ne fut pas le désarroi de Tony quand il la vit débarquer et réclamer un poste de stip’ avec un curriculum vitae digne de ce nom. Il ne l’avait pas vu venir, sa protégée, la petite Lavande qu’il avait connu, si douce, attentionnée… devenir l’un de ces foutus stipendiés qu’il haïssait ; malgré tout ce qu’on pouvait leur interdire, ces démons ne cessaient de bafouer l’autorité et de créer bien plus de problèmes qu’ils n’en résolvaient… mais il s’agissait de Lavande, alors il décida d’en faire sa stip’, lui qui n’en avait jamais eu.

C’est à la suite de cela qu’elle était partie loin de Lazarus, déjà parce que Tony lui avait fait comprendre l’influence négative qu’il avait sur elle… et pour d’autres raisons…

Lavande pressa l’arrière de sa mastoïde, tout en enfourchant sa bécane.

Bonjour Lava, Qui voulez vous contactez ?

— Lazarus.

Vous avez bloqué ce numéro, si vous le contactez, il sera débloqué, en êt…

— Oui putain magne toi. Envoie lui : “ J’ai besoin de parler.”

C’est envoyé.

Elle savait qu’il ne mettrait pas beaucoup de temps à répondre, ce type dormait peu et voir une notification de sa personne… elle eut à peine le temps de faire démarrer sa Crows-I27 qu’une petite vibration à l’arrière de l’oreille vint lui signifier une rapide réponse.

— Lecture.

Lazarus : “ Viens à la maison.”

Les mains sur les poignées, la moto rugit, rien n’en sortit, aucun volute de fumée, juste un transducteur électro-acoustique pour transmettre l’illusion… comment une bécane pourrait-elle plaire si elle ne vrombissait pas à chaque accélération ?

Lazarus habitait sur la Thral Road, le long chemin piéton qui entourait le centre-ville de NV, elle était à une dizaine de minutes en poussant un peu les limitations de vitesse.

Pour rejoindre la Thral, il suffisait d’emprunter n’importe quelle artère de la ville, puis pour la direction… lever les yeux aux ciels et apercevoir la tour Hexa, c’était ça le centre, le milieu de tout, le point d’ancrage de New Valley : un immense gratte-ciel dénué de charme. On se croirait à Wengchao…

Quand elle roulait, Lavande appréciait se perdre dans les paysages urbains qui défilaient à grande vitesse sur sa visière. La ville était sale, laide, pourrie et décadente… pourtant il y avait un mélange de couleur, presque psychédélique, qui offrait -à qui savait l’observer- une harmonie anarchique. L’Obsidienne se situant dans les quartiers de Junt Acre, il fallait remonter l’artère Z/12/ pour rejoindre sa destination. Cette voie, longue d’une dizaine de kilomètres, avait la particularité de mélanger un paysage classique de NV : des bâtiments enchevêtrés les uns sur les autres possédant plus de néons et de LED multicolores que d’éclairage simple… avec de simples bâtisses, des pavillons, pour la plupart vandalisées. Ce qui les séparait ? La Z/12/, de ses trois fois trois voix, où le code de la route n’avait plus vraiment de sens, comme dans la quasi-totalité de la ville.

Lavande admira un instant les reflets de sa Crows dans les reflets d’un mini-building, c’était un petit bijou, la I27, un modèle dépassé pour ceux qui n’y connaissaient rien… pas qu’elle était puriste mais elle aimait la sensation rustique qu’offrait sa bécane au moteur hydroélectrique, quand les modèles plus récents -et bien plus cher- ne se contentaient que de cette stupide mode de la propulsion nano-ionique. De plus, et pas des moindres, le design de sa Crows avait un côté vintage, des plaques de titanes pour cadre d’un gris anthracite, les jantes visibles, pas comme sur les plus récentes qui voulaient donner l’illusion d’une lévitation… puis la touche lumineuse des bandes de diodes organiques, dont la lumière s’adapte en fonction de l’environnement et la vitesse. Mais surtout, surtout, elle était à papa.

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