Une soirée entre filles

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Le temps passe, et toujours aucun appel de Manoé. Je mets mon visage entre mes mains, et ferme les yeux. Je n'avais vraiment pas besoin d'une telle chose... j'espère réellement qu'Eden m'a raconté des mensonges. Je ne peux pas croire que Manoé m'ait caché une chose pareille...

Je me relève, retire ma veste, me prépare un thé et tourne en rond dans mon appartement. Je suis fatiguée de toutes ces histoires. Quand quelque chose s'améliore, il y a toujours autre chose qui tourne mal... et là, si Eden dit vrai, il n'y aura vraiment plus rien qui vaille. Manoé était ma seule libération, il me donnait le courage d'aller de l'avant. Il m'a redonné le goût de vivre... je ne peux pas le perdre...

Tout à coup, mon téléphone se met à sonner. Je cours dans sa direction et réponds :

 - « Allô ?»

 - « Kimi, tu vas mieux ? C'est Manoé. »

Mon cœur se serre d'autant plus en entendant sa voix :

 - « O... oui... et toi ? Tu vas bien ? »

 - « Je suis toujours au bureau... j'ai pas mal de travail à faire aujourd'hui. J'ai beaucoup pensé à toi... tout à l'heure tu m'as vraiment inquiété... »

 - « Ne t'en fait pas... je... »

Je marque une pause. Je voudrais pouvoir lui demander... mais j'ai vraiment peur que, si je le fais, tout s'arrête. Est-ce que j'assumerais de ne plus le voir ?

 - « Je vais te laisser travailler. Je suis un peu fatiguée ce soir... »

 - « Tu es sûre que tu vas bien ? Ta voix est un peu... différente... »

 - « Ne t'en fais pas, après une bonne nuit de sommeil j'irai mieux. Merci pour ton appel... »

 - « C'est normal, Kimi... ne me remercie pas pour ça... »

Je n'ai vraiment pas la force, ni le courage de lui en parler.

 - « Je vais te laisser... A demain... »

 - « Tu as mon numéro maintenant, si ça ne va pas, appelle-moi, d'accord ? N'importe quand. Je répondrai. »

 - « Oui. Bonne soirée Manoé, on se voit demain. »

 - « Repose-toi bien, Kimi, à demain ! »

A ces mots, je raccroche. Des larmes se mettent à couler sur mon visage.

Je me frotte les yeux, et m'allonge un moment sur le canapé. Si Eden dit vrai, je sais que tout ça ne pourra que mal se terminer. Il me quittera, tôt ou tard... est-ce que je peux être hypocrite, juste un peu, et feindre l'ignorance ? Est-ce que je devrais mettre fin à cette relation au plus vite ? Je ne sais vraiment pas quoi faire...

Je me lève, et vais dans la cuisine, pour me préparer de quoi manger. Je n'ai pas d'appétit, mais je sens que mon corps est en train de me lâcher, il faut que je reprenne des forces.

J'ouvre mes placards, et prends de quoi cuisiner. Ce sera rapide, pas une grande cuisine, mais au moins, ça me calera un peu.

Après avoir mangé et nettoyer la cuisine, je prends une douche, me brosse les dents et vais dans mon lit.

Je ne sais pas du tout comment je réagirai en voyant Manoé demain. Est-ce que je pourrai réellement faire comme si de rien n'était ?

Je règle mon réveil, puis m'endors, les larmes aux yeux.

***

Le lendemain, j'arrive au travail, pleine d'angoisses et de questionnements. Comme à son habitude, Zoé arrive vers moi :

 - Kimi ! Comment tu vas ce matin ? Tu as des petits yeux !

 - Ça va... et toi ?

 - Bof... j'ai essayé d'appeler Eden hier soir... mais il ne m'a pas répondu. Je ne sais pas si notre relation avancera un jour...

 - Je pense que l'amour, c'est ce qu'il y a de plus compliqué...

Mes yeux se posent sur le sol. J’appréhende le moment où je verrai Manoé.

 - Au fait... ça fait un petit moment que j'y pense mais, est-ce que ça te dirais d'aller prendre un verre ce soir ? Ça nous permettrait de parler en dehors du travail. J'ai l'impression que tu aurais toi aussi bien besoin d'un petit remontant...

Je la regarde, et lui souris :

 - Pourquoi pas... C'est vrai que je suis un peu sur les nerfs en ce moment, et ça fait très longtemps que je n'ai pas passé une soirée entre filles.

 - Génial ! Tu finis à quelle heure ce soir ?

 - Je peux être libre pour dix-huit heures. Ça te convient ?

 - C'est nickel ! On se rejoint ici alors !

Elle me fait un large sourire, puis tourne les talons pour reprendre son travail.

Je vais alors en direction de l'ascenseur. Mon cœur commence à s'accélérer.

J'appuie sur le bouton, attends quelques instants. Les portes s'ouvrent, je pénètre à l'intérieur, mais soudain, quand elle commencent à se refermer, Eden fait son apparition. Il me regarde, et baisse le visage:

 - Salut Eden, tu vas bien ?

Il lève son regard sur moi, et me sourit légèrement :

 - C'est plutôt à toi qu'il faudrait que je demande ça...

Je lui souris :

 - Tu montes au quatrième étage, je suppose ?

Il acquiesce d'un signe de tête, et j'appuie sur le bouton. Un long silence s'installe. Nous ne nous regardons pas.

Arrivé au quatrième étage, les portes s'ouvrent. Eden me regarde, souffle, puis brise le silence :

 - Bon... au travail ! Bon courage, Kimi !

 - Oui, toi aussi !

Nous nous sourions un petit moment, puis il sort. Je ne sais plus du tout comment agir avec lui. Avec sa déclaration et sa révélation sur Manoé, je préfère prendre mes distances avec lui pour le moment. J'ai beaucoup trop de choses en tête, et je n'arrive plus à réfléchir correctement. Je ne sais plus réellement ce que sont ses véritables intentions.

J'arrive peu après au sixième étage. Mon cœur se serre de plus en plus. Je sors, et marche lentement en direction de mon bureau. La porte de Manoé est ouverte, mais je décide de ne pas m'arrêter, et de continuer mon chemin.

J'ouvre la porte de mon bureau, et me dépêche d'y entrer. Je la ferme rapidement, et me colle contre elle. Mon cœur bat à toute vitesse.

J'aimerais le voir, mais une partie de moi souhaite garder ses distances. Je suppose qu'il faudrait que j'aie une discussion avec lui, mais je ne sais vraiment pas comment aborder le sujet. Je ne peux pas lui dire : « Eden m'a dit que tu allais te marier ! » .

J'imagine qu'entre les deux, la guerre serait belle et bien déclarée.

Je vais en direction du porte-manteau, et y mets ma veste. Je pose mon sac sur mon bureau, et m'assieds, pour commencer ma journée de travail.

Après quelques heures de relecture, j'entends quelqu'un frapper à la porte. Je me lève, et elle s'ouvre. Manoé est devant moi. Il s'avance et ferme la porte. Il avance lentement vers moi, le regard plongé dans le mien :

 - Bonjour, Kimi... tu es passée devant mon bureau en arrivant... mais tu ne t'es pas arrêtée...

Mon regard se pose sur le sol. Mes mains se mettent à trembler.

Il s'avance un peu plus vers moi, et me prend la main :

 - Kimi... je vois bien qu'il se passe quelque chose...

Je le regarde, et lui fais un sourire :

 - Non, j'avais juste pas mal de choses à faire, et je sais qu'en ce moment tu as beaucoup de travail toi aussi...

Il me prend dans ses bras. Je ferme les yeux un moment, en respirant son parfum. Après un moment, je le repousse gentiment.

Manoé me regarde avec un air surpris, puis, je reprends:

 - Nous nous verrons plus tard... je... je dois absolument terminer mon travail...

Il s'écarte de moi, me regarde un instant, passe une main sur ma joue et se retourne pour ouvrir la porte. Il marque une pause, me regarde une dernière fois, puis sort, en prenant soin de la refermer derrière-lui.

Je me laisse tomber sur mon siège.

Le repousser ainsi me fait mal au cœur, mais je ne peux pas faire autrement. Même si j'ai l'envie de le serrer contre moi, mes sentiments sont trop confus. Je me demande si continuer une relation avec lui est une bonne chose...

***

La journée passe, sans que je quitte mon bureau. Je suis allée faire une petite pause, mais je suis très vite remontée. Je n'ai pas croisé Manoé, qui est très occupé.

Le soir arrive, et je descends rejoindre Zoé. Elle m'attend, grand sourire aux lèvres :

 - Kimi ! Je t'ai attendue avec impatience ! A nous cette petite soirée !

Elle me prend par le bras, puis, nous partons. Nous prenons le bus en direction du bar le plus proche.

Nous nous installons à une table, et commandons à boire. Ce soir, il n'y aura pas de retenue. Nous avons toutes les deux besoin de nous vider la tête. Elle, avec Eden, moi, avec Manoé et Luca. Nous trinquons à cette soirée entre filles, cocktail en main:

 - Je suis ravie que nous puissions passer un moment ensemble, sans toute la pression du travail, me dit-elle, avec un grand sourire.

 - Tu as eu une très bonne idée ! Moi aussi je suis contente, j'avais aussi besoin de prendre l'air .

Nous buvons une gorgée:

 - Alors, Kimi, raconte-moi un peu tes soucis, des potins, tout ce qui pourrait être croustillant...

 - Oh, tu sais, je n'ai pas grand chose d'intéressant à raconter... il me faut juste une pause, je crois.

Elle me regarde, sceptique :

 - Mmmh... moi je suis assez mal en ce moment... j'ai l'impression que depuis ton arrivée Eden est devenu distant avec moi... je sais qu'il t'aime bien, mais ça me fait mal au cœur...

Je pose ma main sur son bras. Son regard s'est assombri. Je n'ai pas envie de lui faire part de sa déclaration, ça pourrait vraiment la mettre au plus bas. Je décide alors de lui remonter le moral :

 - Tu sais, Eden n'est pas une personne qui se confie beaucoup... il a peut-être des petits soucis en ce moment... rien de plus.

 - Tu crois ? Il ne t'a rien dit ?

Je marque une pause, boit une gorgée, puis reprends :

 - Non... il ne me dit pas grand chose. Quand nous nous voyons, nous parlons surtout de travail, on est pas si proche que ça...

 - Bon... alors peut-être que ça ne sera que passager...

 - Espérons-le...

***

Nous passons la soirée à boire, à parler de tout et de rien, à rire beaucoup aussi... Cette soirée me fait beaucoup de bien, et à elle aussi.

Nous commençons peu à peu à être ivre, enchaînant les verres pour oublier notre quotidien. Soudain, elle saisit son téléphone, et passe un appel :

 - Allô ? Tu... tu sais... tu m'fais du mal à jamais répondre... alors ... ce soir, j'me bourre la gueule... avec Kimi...

Elle raccroche, et finit son verre d'une traite:

 - Zoé... t'as téléphoné à qui là ?

Elle se met à rire, et me regarde :

 - A ce connard d'Eden...

 - Quoi ?! Pourquoi t'as fais ça ?

 - J'sais pas... Peut-être que si j'lui dis que... que j'suis avec toi... il réagira...

Ça n'a pas loupé. Eden la rappelle rapidement.

Elle regarde son téléphone un moment, et répond :

 - Allô ?........ on est au bar, à côté du travail là. Tu vas passer devant toute façon........ hein ?....... oui....... cool !

Elle raccroche, puis sourit :

 - Tu... tu vois ? J't'avais dit quoi ? Quand t'es là, il rapplique toujours...

Je me lève difficilement, les jambes engourdies par mon dernier verre. Je prends mon sac, ma veste, et marche en direction de la sortie:

 - Hey... tu vas où là ?, me dit Zoé.

 - Je vais juste... prendre un peu l'air...

Je marche en titubant en direction de la sortie. J'ouvre la porte, et prends une grande bouffée d'oxygène.

Eden va venir... je n'ai pas vraiment envie de le voir, et encore moins dans mon état.

Je regarde les voitures passer, quand, tout-à-coup, une voiture freine devant moi.

La portière arrière s'ouvre, et Manoé apparaît.

Et Eden qui va rappliquer...

Merde.

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