Chapitre 1 : Désespoir

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  • Je n'ai pas fait exprès Papa ! Je suis désolé, hurle mon fils au téléphone.
  • Que s’est-il passé ?
  • Elle est tombée ! Y a du sang sur sa tête…
  • Quoi, comment ça ?! dis-je la gorge serrée.
  • On jouait devant la télé et elle est tombée. Elle s’est cognée la tête contre la table !
  • Mais… est-ce qu'elle va bien ? Elle a des nausées ? La tête qui tourne ? Passe-la-moi, il faut que je lui parle !
  • Je ne peux pas. J’ai essayé de la réveiller mais elle ne bouge pas.

À ces mots, je me fige. L’effroi s’empare de moi et mes mains se mettent à trembler.

— Comment ça elle ne bouge pas ? Elle s'est évanouie ?

— Je ne sais pas, répond mon fils.

Je suis pris de panique. Mon esprit est tétanisé et je peine à réfléchir.

— Où est votre oncle ? Il est censé vous surveiller, bordel !

— Il était dans la cuisine quand ça s’est passé... Il faisait à manger.

— Il est au courant de la situation ? Il est où ?

— Oui je l'ai appelé mais il s’est fâché très fort, répond mon fils dans un sanglot. Il a essayé d’aider Sarah mais…

— Mais quoi ?! dis-je en hurlant.

— Il pleure. Il dit que c’est à cause de moi si Sarah…

— Passe-le-moi !

— Papa je suis désolé... je n’ai pas fait exprès… S’il te plaît, ne te fâche pas, gémit-il.

— Timothée, passe-moi ton oncle, vite !

J’entends mon fils dire « Tiens tonton, c’est papa ». Je comprends que le téléphone change de main mais personne ne prend la parole au bout du fil.

— Allô François, tu m’entends ?

Aucune réponse.

Je jette un œil à l’écran de mon téléphone pour vérifier que la liaison n’a pas été coupée par erreur. Tout me semble normal.

— François, tu es là ? C’est Marc !

Toujours rien.

L’absence de réponse me surprend et me met mal à l’aise. Je m’apprête à raccrocher pour les rappeler, lorsque j’entends la voix distante de mon fils dire : « Pourquoi tu ne réponds pas tonton ? Papa veut te parler ».

Je ne comprends pas le mutisme de mon frère mais je décide de passer outre car le temps file et il est urgent de contacter les secours.

— Écoute François, tu dois appeler le SAMU immédiatement ! J’arrive !

— Ça ne sert plus à rien de les appeler, Marc, murmure mon frère.

— Qu…qu…quoi ?! Comment ça ?! dis-je en hurlant, fou de panique.

— Elle est… elle est… Je suis désolé, dit-il la voix brisée.

Il fond en larmes au bout du fil. Je comprends alors que c'est sans espoir pour Sarah. Je m'appuie contre un pilier en béton du parking pour ne pas m'effondrer mais c'est peine perdue. Une vague d'émotions me submerge et mes jambes se dérobent sous le poids du chagrin. Je m'écroule comme un pantin désarticulé dont on aurait coupé les fils qui le maintiennent debout. Étendu sur le sol, je pleure ma Sarah, je hurle son nom. La douleur est atroce. Les larmes coulent sans répit et je peine à respirer à cause de la violence des sanglots.

La sonnerie de mon téléphone retentit mais je ne réponds pas car j'en suis incapable.

Je tente désespérément de me calmer en essayant de penser à autre chose mais je n'y parviens pas. Mon esprit reste fixé sur une image, celle de Sarah, toute souriante le jour de son anniversaire. Elle était si heureuse ! C’était il y a seulement un mois ! Comment en est-on arrivé là ? Je n'arrive pas me faire à l’idée qu’elle ne soufflera pas ses douze bougies l’an prochain. Et Timothée ! Il doit tellement se sentir seul en cet instant, perdu dans un ouragan d’émotions qui s’opposent sans cesse. Il est beaucoup trop jeune pour comprendre clairement ce qui se passe. Je dois absolument les rejoindre.

Je me relève avec difficulté. J'inspire et j'expire plusieurs fois pour régulariser mon souffle, puis je reprends mon téléphone encore au sol, et me dirige en titubant vers ma voiture. J'appelle ensuite le portable de mon frère et il décroche aussitôt :

— Allô, François ? dis-je la voix enrouée. Écoute, tu dois appeler le SAMU. Ils pourront peut-être faire quelque chose pour Sarah. Je monte dans la voiture. Je serai chez toi dans 20 minutes.

— Je préfère t’attendre. Une fois que tu seras là, on pourr…

— Appelle les secours ! Il y a peut-être encore une chance. Je refuse de laisser tomber !

Il soupire puis il répond à voix basse : « Ok, comme tu veux ».

Je raccroche et jette mon portable sur le siège passager. Les mains tremblantes, je démarre la Clio et enfonce la pédale de l’accélérateur sans ménagement. Le moteur gronde mais la voiture tient bon. Je file à toute vitesse vers la sortie du parking et je m’engage dans la rue Léopold sans même vérifier la présence de piétons ou de voitures. Le tableau de bord indique 21h02. Anxieux, je me refais en tête le trajet jusqu’à l’appartement de mon frère. Mes pensées défilent et la peur me ronge.

— 20 minutes, dis-je à voix haute pour tenter de me rassurer. Dans 20 minutes j’y suis !

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