3. Tenue correcte exigée

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Je me levai vers dix-heures, la tête dans la brume de mes rêves. Ma mère était en train de boire un café dans la cuisine avec son esthéticienne. Je fis mine de ne pas la voir.

— Bonjour Laëtitia.

— Bonjour maman, répondis-je poliment.

— As-tu réfléchi ?

— Oui, je vais le voir.

— Pardon ? Tu n’as pas articulé.

— Oui, je vais le voir ! Ne me saoule pas !

— Très bonne nouvelle. Dorothée est justement là. Je vous laisse entre vous. Dorothée, tu peux t’installer.

— Bien.

Je fis couler un café sans me tourner vers elles. Les talons de ma mère claquèrent en dehors de la cuisine. La femme dépliait sa table. J’étais dépitée rien qu’à devoir lui montrer ma vulve. Cependant, j’aurais eu plus honte que ma mère si le façonneur découvrait un poil disgracieux. Je ne pouvais donc que m’y résigner. Dorothée attendit sans rien dire que je busse mon café. Lorsque ma tasse fut vide, elle tenta de briser la glace :

— On ne se réveille pas sans un bon café.

J’opinai, sans savoir quoi lui répondre. Comme souvent, j’avais quelques sarcasmes qui me venaient en tête, mais pas le cran de les balancer. Dorothée n’y était pour rien. Elle enfila des gants, puis me sourit :

— Ce sera plus facile sans le pyjama.

Je fermai le rideau, puis baissai mon pantalon. Je gardai les mains devant mes cuisses, ne sachant pas quoi en faire. Dorothée, ne me jugea pas et chercha à me rassurer.

— Je ne veux pas que tu sois mal à l’aise.

— Facile à dire pour vous.

— T’as qu’à t’imaginer que je suis un robot. Zéro jugement. Je suis juste en mode terminator : détruire poils. — J’acquiesçai des sourcils. — On commence par le moins douloureux et on va crescendo ou le plus douloureux ?

— Le plus.

— Bien. Mets-toi sur le ventre, on va faire le sif. Ce n’est pas le plus sensible, mais ça t’évitera de changer de position deux fois.

J’inspirai profondément à la recherche de courage, me plaçai sur le ventre. Sa main se posa sur mon mollet et elle m’invita à monter ma jambe, exposant mon intimité.

— Et bien, je ne vais pas avoir beaucoup de travail.

— Je l’ai fait quand j’ai eu mon premier copain.

— C’est normal si tu as toujours fait ça toute seule qu’il y ait quelques fugitifs à traquer. Mode terminator activé

Je fermai les yeux et serrai les dents, tandis qu’elle déposait la cire tiède sur ma peau. Elle appliqua une bandelette. Je hurlai entre mes dents.

— Ce n’est pas le plus sensible ?

— Je repasse, attention.

Elle recommença un passage puis un second. Il restait peu de poil et sa vivacité était professionnelle. Je me retins de grogner.

— Lève l’autre jambe.

J’alternai ma position et elle recommença, me volant un hurlement. Je commençais déjà à regretter d’avoir accepté. Après trois passages plus doux, elle dit :

— On passe sur le dos.

Le cul en feu, j’obéis et pris la position d’un crapaud décédé. Dans ma tête, je l’étais. Il n’y avait pas de posture plus humiliante. Dorothée ne fit aucun commentaire. Elle procéda tout simplement, étalant sa cire tiède, plaquant sa bande, et m’arrachant des larmes. À nouveau elle fut rapide, procédant par petites surfaces. Elle sourit à mon visage rouge :

— Ça a été ?

— C’est fini ?

— Il reste les jambes. Tu les as rasées récemment.

— Oui.

Je dépliai les genoux, heureuse de quitter cette position inconfortable.

— Je vais enlever ce que je peux. Le reste, faudra raser.

Ma mère ouvrit la porte :

— Je n’entends plus grogner.

Je ne répondis pas, plutôt contente d’avoir commencé par les zones intimes et qu’elle ne me trouvât pas positionnée comme une grenouille sur le dos. Dorothée lui dit :

— Nous n’avons pas encore fini. Je vous appellerai.

— Je vais rester.

Je serrai les doigts sur la table, plus de colère que de crainte de la douleur. Je laissai Dorothée faire. Elle fut rapide, trop pour me laisser le temps de me plaindre.

— On passe aux aisselles ?

— Je les ai faites la semaine dernière.

Je levai les épaules le temps d’ôter mon haut de pyjama et tendis les bras au-dessus de ma tête. Elle passa le doigt dessus.

— En effet, très douces. Dans ce cas, nous avons terminé.

Je descendis de la table pliante et ma mère demanda :

— Pourquoi fais-tu la tête ? Si tu acceptes le job, je te paierai le laser. Mais comme la rencontre est pour ce soir. — Je ramassai mon pyjama. — Non. Restes ainsi.

Je lui jetai un regard soupçonneux et elle s’adressa à Dorothée avec un sourire affable en tendant un billet de cinq cent euros.

— Merci d’être venue un dimanche.

— On ne refuse rien à sa meilleure cliente.

Je me sentais perturbée que ma mère dépensa autant pour cet entretien avec le façonneur. C’était désagréable car ça m’obligeait à me sentir redevable, ce que je ne voulais surtout pas. Dorothée se retira et ma mère me dit comme à une domestique.

— Viens.

Entièrement, nue, je la suivis jusqu’au salon où elle avait sorti ses accessoires et vêtements à poupées. Ma mère me fit signe de m’asseoir sur le tabouret, puis s’empara d’une brosse à cheveux. Elle passa derrière-moi et commença à choisir ma coiffure. J’aurais préféré être habillée pour être coiffée, mais je ne dis rien. Elle commenta, heureuse de jouer à la poupée :

— Je vais opter pour une chevelure détachée, et aucun maquillage. Le façonneur doit te voir au naturel pour avoir une idée de comment il peut te transformer. Mais, il faut quand même qu’il voit tout le potentiel. On va mettre un maximum de cheveux sur le côté, voilà, ça te correspond bien. Tu vois, t’as un joli visage, et juste d’être coiffée, t’as tout de suite du charme. Un œil caché pour un peu de mystère, et une nuque dégagée pour montrer une ouverture.

Elle présenta son miroir. Je haussai les sourcils, dépitée. C’était juste un rangement de cheveux, je n’étais pas plus ou moins belle avec la raie sur le côté.

— Pfff !

— Mauvaise tête. Essaie ces chaussures.

J’enfilai les talons-aiguilles, puis me relevai. Elle hocha du menton comme un critique d’art, porta son doigt à sa bouche et me dit :

— Tu devrais porter plus souvent des talons, ça te fait un très joli derrière, ma chérie. Tu porteras ça.

Je vêtis le kimono de satin noir qu’elle me tendait, et nouai la ceinture.

— Arcan aime le noir à ce que j’ai compris. Et ce sera facile à ouvrir et à refermer. Bien, à table.

— C’est tout ?

— C’est très bien ainsi.

— Mais je vais attraper froid.

— Au mois de juin ? Laëtitia ! Allez, viens manger.

Elle avait cette voix amicale et maternelle, comme s’il n’y avait pas de conflit entre nous, celle dont elle usait après m’avoir réprimandée quand j’étais petite. Cela voulait dire que maintenant que j’avais cédé, elle m’aimait à nouveau. Mais j’étais adulte, et le décalage entre sa voix et ses intentions me refroidissait. Et en même temps, je sentais son amour et sa confiance émaner d’elle. C’était déroutant.

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