38. Salade de fruit

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Je me réveillai, non sans avoir pris quelques coups de pieds durant la nuit. Autrefois, c’était plutôt moi qui tapais mon ex. Geisha regarda son téléphone trop loin de nous et grogna en se tournant sur le dos.

— J’ai envie de me faire porter pale.

— C’est ça de se coucher tard.

— Je savais que ça valait le coup.

Elle s’extirpa du lit. De voir ce corps féminin quitter les draps, je pensai inévitablement à la remarque que ferait ma mère si elle passait la porte. Geisha coupa la sonnerie de son téléphone et me demanda :

— Douche café ou café-douche ?

— Je veux bien le café d’abord.

Elle avança jusqu’à sa cuisine, toujours dans la plus simple des apparences, les cheveux emmêlés glissés sur une épaule. Je la trouvai belle au réveil, j’aimais ses hanches, ses fesses rondes et féminine. Elle avait une élégance qui me fit me dire que j’avais de la chance que ce fût elle qui me mit en émoi lors de la dernière soirée. Désormais, je me fichais de ce qu’aurait pu dire ma mère. Elle se plaça devant sa cafetière, dosa le café, remplit l’eau et attendit en comatant que ça coulât. Je me levai, et me collai contre son dos, l’embrassai dans le cou. Elle se vanta :

— On dirait que j’ai marqué des points, hier soir.

— J’ai un peu froid, c’est en attendant que la cafetière préchauffe.

Je glissai mes mains sur ses cuisses à la frontière de son pubis. J’avouai :

— T’as marqué beaucoup de points.

La cafetière commença à bruisser et l’odeur à se diffuser dans tout l’appartement, tandis que nous restions serrées l’une contre l’autre.

Un café en tenue d’Êve, une douche express à deux, et elle me largua devant chez Arcan. Je montai les escaliers en me disant que si je perdais l’amour de l’un des deux, il me resterait toujours l’autre. J’étais dans la position dominante du triangle amoureux. Lorsqu’il m’ouvrit, sa simple odeur me rappela combien il me rendait amoureuse. Je me jetai contre lui et l’embrassai langoureusement.

— Quel appétit !

— J’avais envie.

Sa main poussa mes fesses vers la table basse.

— Bien dormi ? Un café ?

— Oui, café, s’il vous plaît.

Il eut un sourire à retardement, un peu turlupiné par le vouvoiement dans lequel je persistais. Je m’assis sur le canapé, croisai les jambes en l’observant et en montant ma propre stratégie. C’était à moi d’avoir un coup d’avance. Si je continuais à le vouvoyer, il craindrait toujours de ne pas m’avoir conquise. Et si je ne disais rien de ce que je me sentais désormais capable de faire avec Geisha, cela le surprendrait. Je voulais lui faire la surprise, le surprendre le jour de la soirée. Nous serions tellement fusionnelles qu’il s’en inquiéterait, s’empresserait de me faire l’amour en arrivant ici. C’était mon plan de bataille pour une partie torride à trois. J’envoyai un texto à Geisha :

Moi : Ce soir, on fait comme hier devant Arcan. Faut que ça reste soft.

Je rangeai mon téléphone. Arcan revint vers moi avec les cafés :

— À quoi tu penses ?

— À la prochaine fois que nous ferons l’amour.

Bien que surpris, il apprécia mon audace avec un sourire.

— Tu m’as l’air particulièrement détendue, ce matin.

— Je me suis bien reposée.

— Tant mieux, nous finissons le masque, la seconde cuissarde, nous attaquons la peinture, et les mitaines pour Geisha.

— Vous pensez quoi d’elle ?

— Elle est sympa.

— Physiquement ? Elle vous plaît ?

— Physiquement, elle ne me déplaît pas. Mais elle a la franchise grivoise et elle parle beaucoup trop. Elle ne te volera pas la vedette, si c’est qui t’inquiète.

— J’avais peur qu’elle vous séduise.

— Du peu que j’ai vu, c’est à moi d’avoir peur qu’elle te séduise.

Je souris.

— Elle s’y applique. C’est un défi qu’elle a relevé.

Il opina sans me lâcher du regard. Il but son café, comme s’il cherchait à lire mes pensées. Je répliquai :

— N’essayez même pas. J’ai des lunettes anti-télépathie.

— Il y a bien un moment où tu les enlèveras.

— Il sera trop tard.

Il termina sa tasse et conclut.

— On a du travail.

Il se leva. Je pris le temps de finir mon café, puis je le rejoignis à l’atelier.

À midi, il cuisina une escalope de veau avec une jardinière de légumes, dont la plupart venaient du jardin de son père. Un filet de crème fraîche parfumée suffit à donner toute la saveur au repas. Tout en mangeant, je n’espérais qu’une chose, que nous ne reprenions pas trop vite le travail. J’avais envie de profiter de lui, d’une étreinte, de sentir qu’il me désirait toujours, peut-être me rassurer moi-même sur mon hétérosexualité.

Il se leva de table en prenant les assiettes et me dit :

— Je ne te demande pas si tu veux un café. Un dessert avant ?

— Non merci, mais si vous en voulez un, je peux vous proposer de la crème de pistache.

Il marqua un arrêt, à la fois étonné et surpris, puis me dit :

— Je suis tenté, mais c’est assez impoli de prendre un dessert seul. Je crois qu’il me reste une banane, je vais regarder.

— Un fruit, c’est bien, c’est léger. — Il s’éloigna pour poser les assiettes. — Hier Geisha m’a proposé un abricot.

— C’est de saison. Il devait être juteux.

— Je n’ai pas osé. J’avais peur d’attraper des aphtes.

Arcan revint et me tendit la main. Je me levai, calai mes hanches au creux de ses paumes en me pendant à son cou. Il me répondit :

— Pourtant, bien pelé et bien nettoyé, il n’y a pas de risque.

Je réfléchis trois secondes et rebondis :

— Il y avait un trou, j’ai supposé qu’il était véreux.

Arcan sourit, incapable de trouver meilleure réplique. Il retira mes lunettes et alors que son visage prenait un contour flou, il se perdait dans mes yeux. J’avançai lentement ma bouche et embrassai tendrement ses lèvres. C’était des secondes précieuses. Avec lui, l’avenir n’était pas écrit, il fallait profiter de cet instant éphémère. Pourtant, mon cœur se fendait à l’idée qu’un jour notre relation prît fin. Alors que je calais mon front contre sa joue, il me dit :

— J’ai une idée pour la soirée après celle qui vient, et tu n’auras rien à faire avec une autre poupée.

— Je suis curieuse.

— Je t’en parlerai dimanche, quand j’aurais fini mon esquisse.

— D’accord.

Sa main glissa dans mes cheveux, l’autre remonta sur mon t-shirt. Cela suffisait à me rendre heureuse. Pourquoi étais-je toujours aussi vite conquise ? Pourquoi mon cœur s’attachait-il aussi fort à chaque fois ? Au mouvement de son bras, je devinai qu’il jetait un œil à sa montre. Je lui confiai :

— Je suis bien avec toi.

— Il me reste une banane, tu en veux toujours ?

— On a le temps ?

— Si on reste habillés, qu’on prend le dessert à table.

— Je suis tentée.

Ses mains tournèrent mes hanches face à la table et il déboutonna mon jeans. Il remonta mon t-shirt en caressant mon dos. Je couchai moi-même mon buste et fermai les yeux. Ce que j’aimais avec lui, c’est que je ne me sentais pas le besoin de lui rendre minute par minute les mêmes caresses. Je pouvais me laisser faire et simplement savourer. Ses phalanges se perdirent sur ma peau, redescendirent vers mes fesses et abaissèrent mon sous-vêtement. Ses pouces chatouillèrent mes cuisses et sa bouche se posa sur mon fruit. Je me détendis toute entière dans l’attente de baisers, mais seules ses mains poursuivaient leurs glissades. Puis sa langue darda, très lentement, s’enfonça entre les premières lèvres puis caressa mon clitoris. Mon corps se durcit, mais il s’arrêta là. Les mains reprirent, plus lentement, plus sensuellement, sur mes fesses, dans les creux de mon dos, sur mes cuisses. Quelques frissons me surprenaient. Enfin sa langue revint, excessivement lente, puis de la pointe chahuta mon rubis. Mes doigts serrèrent le bord de la table. La langue repartit en arrière, remonta ma vulve puis s’arrêta sur mon anus. Une part de moi voulait lui confier que je ne l’embrasserai plus pendant vingt-quatre heures, mais le goût de la découverte l’emportait. Il ne redescendit pas sur mon sexe, il joua entre mes fesses. C’était délicieux, émoustillant d’interdit. Sa langue finit par remontrer vers le creux de mon dos. Ses baiser le long de ma colonne m’électrisèrent. Une fois parvenu par-delà mon soutien-gorge, perdu entre mes omoplates, il se releva. Son pénis s’appuya entre mes cuisses, et s’enfonça en douceur dans mon vagin. Je soupirai pour qu’il entendît mon plaisir, et il commença la cadence crescendo. Je serrai les lèvres pour ne pas crier, laissai mon souffle s’emballer. Ses bourses se mirent à balancer à chaque frappe de ses hanches contre mes fesses. Son souffle suivit l’accélération de ses coups reins. Je l’entendais retenir son effort. Mon ventre se serra et il se crispa juste avant mon orgasme. Il revint deux fois lentement puis resta en moi en posant ses mains sur la table. Nous attendîmes silencieusement une longue minute, puis il se retira. J’aperçus le préservatif qui l’enveloppait lorsqu’il s’éloigna vers la poubelle, maintenant son pantalon d’une main. Je me redressai, remontai ma culotte et mon jeans.

— Je ne vous ai pas entendu le mettre.

— C’est tout l’art de détourner l’attention.

Il se rhabilla, puis passa à côté de moi. Croyant qu’il voulait m’embrasser, ma tête eût un mouvement de recul qui lui provoqua un sourire :

— Je vais faire un bain de bouche, tu nous prépares des cafés ?

— D’accord.

Je m’avançai à la machine, plus heureuse qu’en arrivant ce matin. Même s’il ne m’avait pas amenée à l’orgasme, j’avais trouvé notre brève interlude intense en plaisir. Je n’avais plus aucun doute sur mon orientation. L’abricot était un bon complément riche en vitamines, mais ma véritable alimentation resterait à base de banane.

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