48. Equipe nouvelle

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Je m’éveillai, encore peu habituée à cette chambre. Il était déjà huit heures. En short et en débardeur j’errai en direction de la kitchenette, et mis le café à couler. Je m’adossai au plan de travail et découvris le message de ma cousine :

Best~Léa : Hello cousine ! Qu’est-ce que tu deviens ? Je n’ai plus de news. Maman m’a dit que ta mère lui a dit qu’elle ne savait pas où tu étais.

Moi : Je crèche toujours chez ma pote poupée et je suis toujours avec Jason Statham.

Je pensais que Léa dormait ou était occupée, mais elle répondit aussitôt.

Best~Léa : Tu ne connais toujours pas son prénom ?

Moi : Si.

Best~Léa : Accouche !

Moi : Eugène.

Best~Léa : MDR !

Moi : J’ai eu la même réflexion.

Best~Léa : Parce que t’étais sérieuse ?

Moi : Tu ne le dis pas à ta mère, elle le répèterait à la mienne.

Best~Léa : Je suis ta cousine. Même si je suis vexée que t’aies préféré t’installer chez une pote que je ne connais même pas.

Geisha passa, mal éveillée, posa sa bouche sur mes lèvres avant de s’éloigner vers les placards.

Moi : Je te la présenterai un jour.

Best~Léa : Y a intérêt ! Ça fait plus d’un mois qu’on ne s’est pas vues IRL !

Je remplis ma tasse de café en cherchant à comprendre le dilemme qui était en train de monter en moi. Ma cousine était ma confidente de toujours, nous avions fréquenté les mêmes amis, nous étions passionnées pour les mêmes jeux vidéo et nous étions toujours considérées comme deux sœur jumelles manquées. Le doute avait longtemps subsisté sur l’idée que son père eût été mon géniteur. Aujourd’hui, pour la première fois, nos existences n’étaient plus entremêlées. Ma vie avait été bouleversée à une telle vitesse, que je ne savais pas comment lui présenter la chose. Je ne voulais pas me séparer d’elle, elle qui avait été le miroir de ma vie, l’ingénieure en charge de résoudre tous mes problèmes amoureux. Je voulais qu’elle mît un visage sur les protagonistes qui occupaient ma vie. Je voulais refusionner mon ancienne vie avec ma nouvelle, assumer que Laëtitia et Muse étaient la même personne.

Moi : Ne sois pas jalouse, tu resteras toujours ma confidente. Mais je pense que tu préfères que ce soit elle qui me lèche.

Best~Léa : ????

Moi : Ou vice-versa.

Best~Léa : Tu couches avec ta coloc ?

Moi : T’es jalouse ?

Best~Léa : Mais Jason ?

Moi : Il participe.

Best~Léa : WTF ?!

Moi : En trouple.

Best~Léa : Je pense qu’il faut qu’on se voie, tu pars en couille, ma poulette !

Ecrire en texto commençait à m’agacer.

Moi : On s’appelle ?

Le téléphone sonna aussitôt et sa voix s’exclama :

— Thérapie ce soir.

— Si tu veux. Mais je te jure que je ne pars pas en couille.

Geisha leva un regard curieux vers moi. Léa déclara :

— T’es pas dans ton état normal. Tu veux qu’on reparle de toutes tes histoires d’amour ? Sauf si tu me dis que c’est qu’un plan cul !

— Non, ce n’est pas qu’un plan cul. Elle a un charme de fou. — Geisha se désigna elle-même en comprenant que je parlais d’elle, puis s’approcha avec un sourire. — C’est une relation très… intime. Je ne sais pas si ça un nom, mais je pense qu’on est en couple.

Geisha s’accouda à la paillasse avec un grand sourire et caressa ma hanche. Léa était abasourdie :

— T’es en couple avec qui ? Elle ou Jason ?

— Ben les deux. Eugène m’a présenté officiellement à ses parents et je leur ai déjà parlé d’elle. — Geisha écarquilla les yeux. — Ils l’ont bien pris. Je ne sais pas si on pourrait s’entendre pour vivre sous un même temps, mais c’est un défi à relever.

— Donc les histoires normales, ce n’est pas fait pour toi.

— Tu veux que je te la présente ce soir ?

Léa resta coite, puis finit par dire :

— Je suis curieuse. On se retrouve où ?

— Dans une crêperie, je t’envoie l’adresse.

— Ça marche. À ce soir.

— Bisous cousine.

— Bisous !

Je finis ma tasse, Geisha colla ses hanches contre le miennes et se suspendit à mon cou :

— C’était qui ?

— Ma cousine. Tu veux bien la voir ?

— Après une telle déclaration, comment dire non ?

— Avec ta bouche.

— Elle sait que tu es poupée ?

— Oui.

— Et t’as parlé de moi aux parents d’Arcan ?

— Oui.

— Et il s’appelle Eugène ? — Confuse, je pinçai les lèvres. — Je ne lui dirai pas.

— C’est gentil.

— Il faut bien s’épauler quand on est en couple.

De sa langue, elle m’ôta toute réponse, et nous échangeâmes un baiser passionné.

Alors que nous roulions pour nous rendre à l’atelier, cette question d’un ménage à trois ne cessait de me tarauder. J’étais désormais dans la situation confortable d’avoir pu jouir de deux amants simultanément, mais j’ignorais comment pérenniser cette situation. En vérité, je connaissais moins Geisha que je ne cernais notre façonneur. Me remémorant nos dernières minutes dans la salle d’eau, je l’interrogeai :

— Au fait, tu voulais me dire quoi hier matin ?

— Je ne sais plus.

— Sous la douche, sur Arcan.

— Ah oui ! Tu ne trouves pas qu’il a un gland énorme ?

— Je ne suis pas une spécialiste, mais il rentre dans la bouche.

Elle éclata de rire.

— Non mais par rapport au reste. Il a une bite pas trop épaisse, enfin normale quoi. Je pense qu’il est norme C E. Mais le bout on dirait qu’il a été fabriqué en ex-URSS.

— T’es bête. Je n’en sais rien. J’ai eu qu’un copain avec qui j’ai couché avant Arcan. Il était dans la norme, comme tu dis, je crois.

— Si tu savais combien de garçon j’ai tripoté.

— Et maintenant tu préfères les filles ?

— Fallait bien que j’essaie avant de me décider. Tu vois, un mec, je ne pourrais par lui parler comme je parle avec toi. Mais au moins, j’aurais essayé. Mais ça reste rigolo à tripoter, une bite. C’est juste la relation au-delà du sexe, que je n’arrive pas à avoir.

— Y a une place, là.

Elle mit son clignotant, et fit son créneau en un seul essai. Je conclus :

— J’aurais dû passer mon permis sur une Smart.

— Et ton ex, ? Pourquoi t’es pas restée avec ?

— Ma cousine t’en parlera mieux que moi.

Je descendis et claquai la portière.

— Allez, dis-moi !

— Non, c’est trop long à raconter.

Nous longeâmes les immeubles mitoyens, puis poussâmes la porte cochère. Lorsque nous fûmes enfermées dans l’étroit ascenseur, je lui demandai :

— Ça ne t’a pas déplu, la nuit dernière, d’être en même temps qu’Arcan ?

Elle me regarda avec un sourire plein de malice.

— Tu crois que je suis du genre à rester si ça me déplaît ?

Je ne sus quoi répondre. Elle m’embrassa sur la bouche, la cabine s’ouvrit sur le quatrième étage, et nous avançâmes d’un même pas. Je poussai la porte entrouverte et appelai :

— C’est nous !

Arcan apparut depuis son atelier, et s’avança d’un pas détendu. Il déposa un baiser sur ma bouche, fit une bise chaste à Geisha, et provoqua une flambée brutale d’hormones aux creux de mon ventre. J’avais comme un arbre géant en moi, et son odeur était comme une bourrasque d’automne qui venait brutalement faire envoler toutes les feuilles. Il suggéra :

— Café ?

— Je ne dis pas non, répondit Geisha.

Nous nous assîmes toutes les deux sur le canapé. Le café me donnait à peine envie. La bourrasque s’était transformée en tornade et des morceaux de branches tournoyaient avec les feuilles. Mon cerveau était saturé par une seule envie : forniquer. Je posai une main sur le jeans de Geisha et la caressai en approchant de la couture de l’entrejambe pour lui faire passer le message. Lorsqu’il revint avec les deux tasses, elle sourit avec un rictus de provocation :

— Merci Eugène.

Le regard d’Arcan s’arrêta sur moi. Je tentai de devenir invisible en me justifiant :

— J’ai fait une gaffe en parlant.

— Et à qui ai-je l’honneur ?

— Anh, répondit Geisha, Anh Dào.

Le ton à la James Bond qu’elle avait pris inspira la réplique à Arcan :

— Agent double zéro ?

Le téléphone d’Arcan cracha une musique de hard métal et il s’éloigna pour répondre. Geisha posa sa tête sur mon épaule.

— T’as envie de quelque chose ou c’est juste ta main qui est en mode auto ?

— Faudrait s’échauffer avant le travail, non ?

— Ça se discute.

Elle ouvrit un peu les jambes et laissa ma main poursuivre. Je terminai mon café tandis que la discussion d’Arcan semblait s’éterniser. Il parlait à voix basse, souriait, me laissant persuadée qu’il parlait à une femme. Geisha posa sa tasse vide sur la table puis se radossa en fermant les yeux, ses doigts caressant le poignet de ma main baladeuse. Je murmurai :

— Quand est-ce qu’on baise ?

Elle pouffa de rire. Arcan revint vers nous en raccrochant puis sans s’être fait couler un café, il annonça :

— Nous changeons de lieu ! Venez !

Nous lui emboîtâmes le pas. Geisha me sourit et chuchota :

— Pas tout de suite, apparemment.

Il dévala les escaliers, d’un pas leste et rapide. Nous quittâmes l’immeuble et fîmes quelques pas dans la rue avant de tourner à la première intersection.

— C’est plein de mystère, plaisanta Geisha. Il a peut-être aménagé un donjon.

Si Arcan l’entendit, il ne répondit pas. Il continua à marcher, d’un pas pressé, puis s’arrêta après cinq cent mètres à un camion auprès duquel sa sœur nous attendait. Elle portait un pantalon treillis couleurs désert, des chaussures de sécurité, et un simple débardeur beige. Je vis inévitablement un lien entre elle et sa passion pour Stargate. Après lui avoir fait la bise, Arcan nous dit :

— Je n’ai pas pu louer de box à proximité. Donc plutôt que de louer un camion que pour la soirée, je l’ai loué à la semaine.

Un groupe électrogène était posé à l’extérieur et les câbles courraient derrière la bâche qui avait été ajoutée pour cacher le hayon ouvert. Annette nous embrassa sans pouvoir cacher le rictus en reconnaissant celle qu’elle avait surnommé Miss Vietnam pas plus tard qu’hier. Puis, elle mit un pied sur le monte-charge et se hissa à bord. Nous la suivîmes. Un spot à LED au plafond éclairait le fameux robot d’exploration. Arcan joignit ses mains et nous annonça :

— Annette s’est proposée de nous donner un coup de main. Elle s’est arrangée pour être disponible cette semaine. Comme elle est douée dans ce domaine, je vous laisse entre filles pour concevoir les quatre bras. Je viendrai pour la touche artistique. Moi, je vais rattraper mon retard. À tout à l’heure.

Il sauta du camion, me laissant amère de ne pas passer la matinée avec lui. Geisha se moqua de mon visage déconfit puis remarqua :

— On dirait le truc de Stargate.

— Ça l’est, répliqua Annette.

— Et il veut en faire quoi ?

Je m’empressai de prendre la parole :

— Le client veut accrocher sa poupée à quatre bras, lui enfoncer une sorte de gode dans le vagin qui rejoindrait des bombonnes pour faire une sorte de machine à récolter le jus… enfin la mouille, quoi.

Annette montra un schéma qu’elle avait réalisé et Geisha joua le jeu et s’étonna :

— Et sa poupée a dit oui ?

— Il l’a appelée hier soir, elle est à fond, dis-je.

— De toute façon, elle ne pense qu’à ça, se moqua Geisha.

— On fait les présentations, suggéra la passionnée de mécanique. Moi c’est Annette, la sœur d’Eugène.

— Anh. Je file un coup de main pour la journée. Le reste de la semaine, je bosse dans la vente.

— Enchantée, j’ai beaucoup entendu parler de toi.

— J’espère qu’elle n’a pas donné tous les détails.

— Non. Ne t’inquiète pas. Alors ! Je vous présente l’ordre du jour.

Annette ouvrit des boîtes de boulons et d’écrous puis expliqua le but de la matinée. L’ossature du MALP était composée de rails percés régulièrement. Il était assez simple de composer avec comme un mécano. Nous devions donc le désosser pendant qu’elle cherchait comment assembler les quatre bras qui remplaceraient la pince. Geisha plaisanta du fait que nous faisions de la mécanique pendant que l’homme faisait de la couture, mais Annette ne sourit même pas à la réflexion. Elle était toute aussi passionnée que son frère et ses mots trouvaient un écho en moi. Elle n’hésitait pas à venir nous secourir, à partager ses réflexions à voix haute. Nous nous trouvions en présence d’une version féminine d’Arcan.

Quand il fut midi, nous avions remplacé la pince par une rotule à laquelle nous avions fixé solidement les quatre bras, composés chacun de deux rails percés. Nous avions défini l’angle des bras, puis avions fixé un câble sur chacun d’eux pour les maintenir à la carlingue et les empêcher d’ouvrir leur angle. Annette projetait d’ajouter des équerres pour empêcher leurs angles de se fermer. Et il restait à trouver des entraves à accrocher.

— L’écart n’est pas trop petit ?

— Elle fait ma taille, dis-je.

J’écartai les jambes et les bras. Annette me mesura l’espacement entre les mains et les genoux et dit :

— C’est bon Anh, serre bien.

Geisha effectua quatre resserrages avec la clé à choc avant de souffler sur la douille comme s’il s’agissait d’un pistolet. Arcan grimpa à cet instant en demandant :

— Alors ?

— Ça avance bien, confia Annette. Regarde.

Elle appuya sur la télécommande et le bras principal se déploya. En s’avançant, les deux extrémités de ses nouvelles griffes touchaient presque le sol. Puis elle le fit se replier, élevant une poupée invisible au-dessus du sol. Elle confia avec un rictus :

— Ce sont les menottes que je vais avoir du mal. Si elles sont trop lâches, elles vont blesser la fille.

— Je suis dessus.

— Faudra évidemment faire les derniers réglages avec la fille. Et faudra mettre les équerres. Si les boulons se desserrent, les bras vont se replier. On ira faire les courses entre futures belles-sœurs.

— Ça marche. Venez déjeuner. Nous en discuterons à table.

Annette remonta le monte-charge, rentra le groupe électrogène, puis ferma le hayon.

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