Épopée : Chapitre XV

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XV. Les secrets d'un empire déchu.


Les trois créatures firent un premier passage en hurlant. Le bruit était assourdissant, comme si l'enfer se déchaînait à l'intérieur du crane des aventuriers. Les banshees, commencèrent à voler en rasent les murs du temple à toute vitesse.

Pauvres petits êtres mortels, dit la première.

Si faibles et manipulables, railla la deuxième.

Le Maître se réjouira de votre trépas, ri la troisième.

Et il partagera de nouveau sa puissance avec nous !

Elle tournaient de plus en plus vite, il était presque impossible de suivre leur course folle. On eut dit trois ouragans : insaisissables, implacables, mortelles.

Grognant et crachant quelques injures, Orm raffermit sa prise sur sa hache qu'il tenait dans la main droite et farfouilla dans une poche de son armure de cuir. Il en retira deux petites boules de cire durcie qu'il se fourra dans les oreilles. Anton et Elio en avaient fait autant. Ils se mirent d'accord d'un signe de tête et chacun fonça dans une direction différente, vers les pils d'ossements.

— Qu'est-ce que nous pouvons faire maître ? cria Emilia à Sol.

Avant que l'érudit ne réponde, Jambar leur tendit quatre bouchons d'oreille. Il ne semblait pas porter la moindre attention aux monstres qui virevoltaient autour d'eux.

— Prenez ça, dit-il. Ne faites pas attention, certaines ont peut-être déjà servies... désolé.

La jeune fille grimaça en enfonçant les bouchons.

Pendant ce temps, Anton avait atteint le sommet de l'une des piles de cadavres. Le tout n'était pas très stable et il manqua de glisser sur un os. Mais il ferait avec, déjà l'une des créature avait changée sa trajectoire pour lui foncer dessus à toute vitesse. Il resta impassible, Faucheuse prête à frapper. Il n'entendit presque pas l'effroyable cris de la banshee qui se ruait sur lui.

— ............ ! braya-t-elle.

— Ouais, c'est ça, répondit il avec un demi sourire.

Le mercenaire était concentré à l'extrême. Il pouvait sentir le moindre courant d'air sur son visage, son cœur battre dans sa poitrine et le sang parcourir ses veines jusqu'au bout de ses doigts. Il fixa le monstre et attendit le dernier moment. Il sentit l'haleine fétide de l'abomination à l'instant où ses griffes acérées allaient lui lacérer le visage. La lame de Faucheuse siffla alors qu'il la ramenait en avant. Il frappa droit devant lui. L'acier s'abattit avec violence et fit voler plusieurs morceaux de squelettes en un essaim d'échardes noircies. La créature avait disparu.

« Merde, plutôt rapide, pensa-t-il. »

Il sentit un picotement sur sa nuque, avant qu'il n'ai eut le temps de se retourner, deux bras anormalement longs lui enserrèrent la taille et le mercenaire se sentit soulever dans les airs. Cette saleté l'emmenait faire un tour, ce n'était pas du tout prévu. L'air siffla autour de lui, de plus en plus vite, Anton se dit qu'elle avait sans doute prévue de le balancer contre l'une des colonnes du temple à pleine vitesse, il devait faire vite. Pour ne rien arranger, il avait lâcher Faucheuse. Heureusement qu'il était rôdé à ce genre de situation désespérée et qu'il gardait toujours un coutelas à sa ceinture. Il attrapa l'arme et planta la lame là où devait se trouver la tête de la banshee. Il mit dans le mille, un liquide poisseux lui coula le long du bras et sur la tête. L'emprise sur son torse se relâcha. Seul problème, il se retrouvait projeté à toute vitesse vers l'avant à plusieurs mètres du sol.

Du côté du jeune chevalier, les chose se passèrent différemment. Il n'avait pas encore gravi la montagne d'ossements qu'elle était déjà sur lui et une lueur inquiétante émanait du creux de ses mains décharnées.

— Merde.

Il plongea sur sur le côté et roula au bas de la montagne en se remerciant d'avoir bien enfilé son armure cette fois. Un craquement retentit sur sa droite. Un trait de feu vert siffla en crépitant et explosa à l'endroit même où il se trouvait un instant plus tôt. Le jeune homme déglutit en voyant les os être pulvérisés instantanément. Il se releva en vitesse. Déjà la créature revenait à la charge. Il ne pouvait pas l'entendre mais il devinait qu'elle se moquait de lui. Il se mit en garde, pointant son épée vers l'avant, les coudes relevés, ses yeux fixés sur les mouvements de la banshee.

Il se déplaça en décrivant un arc de cercle, elle esquissa un mouvement, il se tendit... elle se rua sur lui avec une vitesse fulgurante, bras tendus comme pour l'embrocher. Elio feinta en faisant mine de frapper vers l'avant puis il se fendit au dernier moment et porta un coup de taille quand la banshee se décala sur la droite. Mais la rapidité surhumaine du monstre lui permit de s'en tirer au prix d'un bras tranché. Du sang noir gicla par la blessure et la créature roula au sol en se débattant, entortillée dans son linceul. Le chevalier en profita pour se ruer vers elle et l'achever d'un coup d'épée en plein front. Une légère fumée s'éleva de là où la lame d'argent avait transpercée la banshee dont la bouche difforme tressautait lamentablement. Il retira son épée d'un coup sec et l'immondice rendit l'âme. Il ne souffrait d'aucune blessure, mais sa queue de cheval avait légèrement roussie et une éraflure profonde barrait le torse de son armure. Un peu plus haut, c'était la mort. Elio essuya le sang nauséabond qui maculait son arme et se retourna pour voir ce qu'il advenait des autres.

La troisième banshee, sans doute plus maligne que ses congénères, décida d'ignorer le grand costaud à la mine patibulaire en train de faire de grand moulinets dans sa direction avec sa hache à double tranchant pour foncer vers ceux qu'elle identifia comme le point faible du groupe : les deux magiciens. Jambar, qui était resté en retrait, se mit en position et empoigna une dague de jet. Il détendit son bras et l'arme siffla. Mais la créature l'esquiva aisément et se retrouva au corps à corps avec l'homme au foulard. L'abomination approcha son visage cadavérique de Jambar. Elle resta devant lui, à le regarder intensément, ses traits pourrissants affichaient un mélange d'étonnement et de fascination.

Subitement, quelque chose déboula en trombe depuis les airs et percuta de plein fouet la monstruosité. La chose en question portait une armure de cuire écarlate doublée de maille et affichait une mine blasée. Anton et la banshee roulèrent contre les dalles de pierre du temple pour finir leur course contre une colonne avec un craquement sonore. Le mercenaire se releva en titubant et épousseta son armure, il n'avait rien. On ne pouvait pas en dire autant de la banshee dont tous les membres pointaient dans des directions aussi étonnantes que douloureuses. Mais elle était toujours vivante, incapable de bouger, mais vivante.

Orm arriva en courant.

— Dans le genre "entrée fracassante" t'es plutôt doué !

— Quoi ? lui répondirent les autres.

— Hein ? Ah oui les bouchons !

Ils retirèrent les petites boules de cire.

— Je vais chercher mon épée, dit simplement Anton en se dirigeant d'un pas hésitant là où il avait perdu Faucheuse.

Jambar clignait des yeux, toujours incertain de ce qu'il venait de voir. Le chevalier les rejoignit, il se tourna vers les mages et demanda, en enlevant ses bouchons d'oreille :

— Tout va bien ? Personne n'est bless.... Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?

La banshee émit un gargouillis peu ragoutant.

— On peu peut être encore en tirer quelque chose, signala Jambar.

Il s'agenouilla pour que son visage voilé sois au dessus de celui, maintenant encore plus difforme, de la créature.

Imp... Imposteur, susurra-t-elle alors qu'un flot de sang noir s'écoulait de sa bouche démesurée.

— Peut être, répondit Jambar impassible, mais ce n'est pas ce que je veux entendre. Vous étiez les prêtresses du Haut Temple n'est-ce pas ? C'est vous qui avez lancé les ombres sur la villes ?

Non... Il est venu à nous. Il... Il nous a épargné lorsque son juste courroux s'est abattu sur cette ville décadente. Il nous a fait don d'une fr... argh... d'une fraction de sa puissance. Il est notre sauveur et nos... nos recherches...

— Il ne vous a pas "sauvées" cette fois-ci. J'en ai assez entendu.

Jambar leva une autre dague et se prépara à frapper.

J'ai mal, dit le monstre. Je ne devrais... pas... avoir mal. Pourquoi... me laisses-tu souffrir... Seigneur ?

Dans un dernier soupir, l'ancienne prêtresse mourut de nouveau avant que Jambar n'abatte sa dague.

— J'ai pitié d'elles, dit tristement Emilia. Manipulées par le Seigneur Noir et maudites pour avoir voulu survivre...

Le barbare posa sa grosse main gantée sur l'épaule de la jeune fille.

— Ça aussi, fit il doucement, ça fait parti de notre bouleau. Il faut savoir passer outre.

Anton retrouva Faucheuse enfoncée dans l'une des piles d'ossements. Il avait suivi cette échange de loin et il sentit le poids du médaillon sur sa poitrine, celui de sa promesse à Xian. Il fit une grimace en dégageant son épée. Un éclat doré, à la frontière de son champ de vision, attira son regard derrière le tas de cadavres.

— Hé ! Venez par ici, sa voix résonnant sur la voûte du temple antique.

Devant les aventuriers se trouvait une large table de pierre sur laquelle reposait plusieurs cylindres hermétiques en cuivre.

— Par les arcanes, ce sont des rouleaux ! s'exclama Sol.

— D'au moins plus de trois cents ans, fit remarquer le chevalier. Vous croyez qu'ils sont encore lisibles vue l'état des lieux ?

— Je l'espère en tout cas, répondit l'érudit.

Il ouvrit l'un des tubes et en retira un lourd rouleau qu'il ouvrit soigneusement. À leur grande surprise, ce n'était pas un parchemin mais une fine feuille de métal doré. L'étrange langage écrit tragentopolien était adroitement gravé sur la surface scintillante.

Orm siffla d'admiration. En plus du texte, il y avait de nombreux schémas complexes et ce qui ressemblait à des calculs mathématiques.

— Ça doit être les recherches dont ce monstre a parlé. Mais qu'est-ce que cela fait dans un temple ? demanda Emilia. On dirait...

— Des calculs astronomiques ! s'exclama Elio.

Les autres le regardèrent avec étonnement.

— Et bien quoi ? se défendit l'intéressé. Pour la culture estienne, l'astronomie est essentielle au même titre que les autres sciences. Quand j'étais petit, j'adorais lire les traités d'astronomie de la bibliothèque du château.

— Une minute...

Sol s'empressa de déboucher les autres cylindres.

Deux contenaient plusieurs instruments de taille variables, le troisième révéla une immense carte du ciel. L'érudit et le chevalier froncèrent les sourcils.

— Bon Dieux crachez le morceau ! s'énerva Orm.

Jambar restait silencieux.

— Cette carte, fit Elio, elle est... je peux me tromper mais...

— Elle montre des astres qui sont encore inconnus des astronome des Royaumes, termina Sol. C'est stupéfiant ! Cette découverte remet en question toute notre vision de l'éther. Jambar, vous sauriez déchiffrer ses textes ?

L'homme à la capuche fit oui de la tête. Il prit le premier parchemin.

— Celui-ci fait part du culte qu'ils vouaient aux astres. Pour eux, leurs "Dieux" habiteraient sur différents mondes entourant le notre. Cette carte est en fait une représentation de leur panthéon. Mais il y a autre chose, ses yeux argentés s'assombrirent. Ils auraient trouvé un moyen de faire "descendre" un "Dieu" vers notre monde...

Jambar ferma brusquement le rouleau. Emilia hasarda une question :

— Et le parchemin ne donne pas de détails sur la marche à suivre ? S'il faut un sortilège en particulier ? Ou bien une sorte de machine dans le même genre que votre "Carrosse" ?

— C'est tout ce que j'ai compris, répondit le commanditaire. Le reste est beaucoup trop scientifique pour que je puisse le traduire.

— Nous devons à tout prix emporter ces rouleaux avec nous ! Sol tremblait presque d'excitation. Donnez les moi Jambar.

Le mystérieux employeur hésita un moment puis, considérant les yeux avides de savoir du magicien, tandis les rouleaux à l'érudit.

Anton jeta un regard anxieux vers le barbare qui, lui, était perplexe.

— Excellent ! dit il. Maintenant qu'on en sait un peu plus sur les coutumes locales, on devrait retourner au Carrosse et trouver un endroit où dormir à peu près au calme.

Comme pour lui répondre, une secousse fit trembler le temple. Le vieux mage se hâta de ranger les rouleaux dans sa sacoche. Le sol trembla encore.

— Ouaip, lâcha le barbare. Un vieux temple d'une civilisation disparue, on y ajoute un objet précieux qui tient l'ensemble et faut bien que tout parte en sucette dès qu'on y touche...

— Attention ! cria Anton.

L'une des montagne d'ossements s'effondra sur eux. Parmi les restes noircis, une dizaine de prunelles bleues incandescentes s'allumèrent.

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