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Ils étaient dans la pénombre, un lampadaire transperçant les persiennes, côte à côte, sans se toucher. Antoine l’interrogea sur sa vie, ses préférences, ses attirances. Jamais il n’avait parlé sexe ! Il ne pouvait se défiler. Il répondit, avouant son inexpérience fondamentale, évoquant à mots couverts ses pitoyables expériences, comprenant leur futilité en les exprimant. Antoine répondit en racontant ses aventures, comment il avait découvert son orientation, les difficultés avec ses parents, son éloignement d’eux, ses rencontres, pas toujours reluisantes. Comment il avait attrapé une maladie honteuse qu’il ne nomma pas, le coût pour aller dans des endroits particuliers pour assouvir ses besoins, sa misère affective. Lui non plus n’avait jamais tant dit sur lui. Puis il attaqua, lui demandant ce qu’il attendait de lui, comprenant son attirance et sa répulsion. Antoine avait bien compris qu’il n’était pas désirable. Alors que lui, au contraire, excitait ses sens. Depuis que Antoine l’avait vu, il avait envie de lui, en sachant que le chemin serait difficile. Il ne voulait pas le forcer, ni lui imposer. Il voulait, il souhaitait l’accompagner, mais vers quoi, pourquoi. Puis par une pirouette, il se mit à lui décrire ses coucheries les plus mémorables. Avec humour, il racontait la drague, la rencontre, la préparation, l’acte dans sa crudité. Il préférait se faire pénétrer, avec l’immense jouissance de sentir l’autre en soi, de se donner, de s’offrir au plaisir de l’autre en prenant le sien.

Il écoutait, curieux de découvrir ces pratiques et les sensations qu’elles apportaient. C’est Antoine qui lui fit remarquer qu’il ne demeurait pas insensible à ces détails. Son corps exprimait sa destinée, voulait-il l’accepter ? Tout cela était fait avec tellement de gentillesses, qu’il avait surtout besoin de réconfort, de tendresses. Sans se comprendre, il se tourna vers Antoine, posa sa tête sur sa poitrine velue, lui prit la main en répétant : « Je ne sais pas, je ne sais pas ! ». Puis il s’endormit.

Il se réveilla et constata que son sexe reposait dans la main d’Antoine. Ce dernier avait dû le caresser dans son premier sommeil, car de douces réminiscences restaient. Ce contact lui plaisait. Antoine ne le tentait pas physiquement, mais il était un homme bienveillant et attendrissant. Il profita à son tour de son assoupissement pour caresser son pénis, son scrotum, déclenchant un gonflement. Il se sentait heureux de retrouver un sexe d’homme dans la main. Décidément, il devait accepter ça, au moins cette évidence. Pour le reste, il ne savait toujours pas.

Il continuait ses mouvements, sans se rendre compte qu’il avait éveillé son compagnon. Quand une main vint entourer et accompagner la sienne, il accepta. Bientôt, il ressentit les soubresauts, recevant en retour des gouttes chaudes. Antoine porta sa main à sa bouche, exprimant son goût pour ce liquide.

En retour, les mains, toujours l’une dans l’autre, changèrent d’objet. Quand le dénouement approcha, Antoine bougea brusquement pour venir mettre sa bouche près du méat, recueillant jusqu’à la dernière goutte qu’il enleva d’un effleurement de sa langue. Ce souffle à peine perceptible acheva l’extase.

Ils se tenaient silencieux. Antoine lui proposa d’aller un peu plus loin, s’il le désirait. Il ne répondit pas, toujours incertain de ce qu’il voulait et surtout de ce qu’il craignait. Devenir homosexuel, un pédé, cela était trop compliqué. Il ne voulait pas changer. C’était un choix irrémédiable. Il ne voulait pas être anormal. Il y avait souvent pensé, si souvent, si constamment. Trouver la limite du plaisir sans basculer dans l’innommable, pourquoi pas ? Surtout avec Antoine, sa gentillesse et son corps si peu attractif. Le risque était faible.

Antoine avait attrapé un objet qu’il distinguait mal et un petit flacon. Il était en train d’enduire l’objet du contenu du flacon. Il lui expliqua ce qu’il faisait et ce qu’il allait faire. Il voulait introduire cet objet, ce phallus de plastique en lui. Il le recouvrait de gel pour faciliter la pénétration.

Est-ce que mettre ceci dans son anus allait faire de lui un pédé ? Non ! Antoine lui avait tellement bien décrit ce plaisir qu’il avait souhaité le ressentir. Avec un bout de plastique, il n’y avait pas de risque. Il resta muet. Antoine le connaissait assez pour comprendre son assentiment dans ce mutisme. Il le fit coucher sur le côté, souleva doucement sa jambe et présenta l’objet à son orifice, lui disant de ne surtout pas se contracter, d’accepter cette introduction, de se détendre en se focalisant sur le plaisir.

Une fois l’incongruité du geste passée, il suivit ses recommandations et se relâcha. L’effet était extraordinaire et déclenchait des vagues de plaisir. Il se mit à osciller pour suivre et répondre aux excitations. Il se rendit compte qu’il ne contrôlait plus rien, mais la montée du plaisir était sa seule préoccupation, se réfugiant dans la confiance qu’il faisait à Antoine. Ce dernier le fit changer de position, ce qu’il fit docilement, concentré sur ses sensations. Il ne perçut pas immédiatement le changement, mais quand il se rendit compte que Antoine avalait son sexe si plein, il fut incapable de réagir. Il avait refusé cette abjection à Fabien il y a si longtemps. La situation était différente. Interrompre le doigté était impensable, surtout qu’il sentait venir une explosion énorme. Ses crispations qui se transmettaient au plastique l’emportèrent vers des sommets inimaginables.

Il eut l’impression de perdre connaissance. Il revint à lui, sentant une main sur son sexe encore éprouvé. Aucun mot, aucun commentaire. Antoine était d’une délicatesse extraordinaire. Ils s’endormirent en se tenant la main, première marque de tendresse qu’il adressait à un autre.

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