Dans une ville grise d'un pays gris vivait un zombie parmi les autres zombies. Tout comme ses congénères il vivait sa paisible existence de mort-vivant animé par une faim dévorante qui le rongeait et le dirigeait autant que cela est possible. Sa vie semblait constituer en une errance dans les rues symétriques et identiques qui composaient sa ville, toujours à la recherche des mêmes choses. Ce zombie, comme tous ses camarades peut-on suspecter, se rêvait à mieux. Il s'imaginait plus grand, plus fort, plus destiné à changer la face du monde que quiconque. Chaque soir, chaque matin, chaque jour il se convainquait d'attendre, de faire ce que se doit un zombie, dans l'espoir de se voir attribuer un jour l'existence qu'il méritait au fond de lui. La faim ne cessait de le dévorer et dans ses vains espoirs il continuait plus que jamais à vaquer aux mêmes occupations répétitives et astreignantes qui font l'existence d'un zombie. C'était une marche à l'échelle d'une vie dans un labyrinthe intérieur dont notre zombie ne soupçonnait pas une seconde qu'il était en permanence arpenté par ses semblables non moins convaincus de leur grandeur et méritants que lui. Lorsqu'il hésitait à changer de mode opératoire dans ses chasses et qu'il commençait à mettre en place de réels projets, notre zombie se résignait bientôt à ses habitudes, de peur d'entraver son Destin promis. Ainsi passaient les jours, laissant parfois entrevoir le bleu du Ciel dans la ville grise, rappelant à l'infortuné le trésor d'expériences à venir. Cette communauté de zombie, si elle s'entraidait parfois dans ses occupations et partageait sans le vouloir les mêmes aspirations, ne se mélangeait jamais vraiment. Chacun était si absorbé par son propre désir de se hisser au-delà des autres que personne n'osa prendre le risque de s'entraider à atteindre ce paradis lointain. Au contraire, il était nécessaire de se préserver et d'éviter d'aider un zombie qui aurait pu nous dérober la promesse d'une vie de labeur. Le temps passa et à la fin de sa vie, notre zombie commençait à hésiter. Après tant de temps à faire ce que l'on attendait de lui avec l'ardeur tranquille et le courage qu'il s'imposait, rien ne lui était apparu. Aucune grande révélation, pas de grande victoire, de renommée millénaire ou de reconnaissance éternelle, rien de rien. Ce néant de récompense l'amena à se demander s'il n'avait pas vécu de la mauvaise façon, s'il n'avait pas dirigé son énergie dans le vide pendant tous les jours de sa vie. Sans reconnaissance et pour éviter l'implosion de sa conscience fragile, le vieux zombie redirigea tous ses espoirs et ses rêves vers les plus jeunes générations de zombie. Si lui n'était pas parvenu à obtenir l'amélioration de sa condition de mort-vivant, alors il avait aidé les plus jeunes générations à acquérir ce qu'ils possédaient maintenant et à obtenir un jour l'ascension qu'ils souhaitaient. Bien sûr tout cela n'était que mensonges parce que rien n'attendait personne et que le zombie n'avait travaillé que pour sa propre vanité à poursuivre des illusions qui visaient à le maintenir tranquille, à partir au travail, à consommer modérément les produits manufacturés plutôt que les bienfaits de la réflexion. Sans jouir de rien, il avait seulement contribuer jusqu'à la fin de sa vie à perpétuer un mythe créé pour contrôler et qui persiste encore simplement parce que les zombies mourants refusent d'avouer aux plus jeunes que tout cela était en vain et parce que les plus jeunes, trop fainéants pour trouver leurs propres aspirations, se contentent de ces rêves de vent. Notre zombie mourut et se décomposa, source de matière organique pour le fumier du monde, en cela il fut utile aux générations suivantes.

 C'est votre vie qui passe, zombies, vous vous décomposerez petit à petit quoi que vous fassiez alors essayez au moins de la vivre pour vous-même, de trouver vos propres illusions. Réfléchissez.