4. Espiègle

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« C’est un honneur de vous rencontrer, mademoiselle Lampone. À moins que nous nous soyons déjà croisé auparavant ?

-Quand mon adorable cousin est passé me voir, je me doutais qu’un autre Confidens ne tarderait pas à l’imiter, mais le numéro quatre, quel honneur ! »

La jeune fille aux longs cheveux blonds qui se tenait devant le paladin respirait l’assurance, tandis qu’un petit éclat moqueur scintillait dans ses yeux vairons. Sa robe, très simple, réhaussait sa beauté par des tons vert et or. De son côté, le chevalier de vingt-six ans avait remplacé sa veste habituelle par un modèle blanc orné de croix écarlates, mais conservait toujours son harnois et son casque.

« À vrai dire, je ne viens ici non pas sous l’étendard de mon empire mais sous mes propres couleurs.

-Oh ? Vous m’intriguez, sire Trajan. Être un tueur impitoyable n’empêche pas d’être curieux, j’imagine.

-De même qu’être une impertinente jouvencelle ne vous prive pas de parler de manière fort réfléchie.

-Un point partout.

-Je suis bien d’accord. »

Les deux interlocuteurs se mirent à marcher côte à côte dans les jardins de la riche demeure Lampone. Ici, chaque allée pavée de briques roses, chaque arche de fleurs exotiques, chaque fontaine aux sculptures et formes inattendues, était pensée pour donner une impression de négligence chère à la dynastie. Après tout, sa devise était et demeurerait : ‘’Fais ce qui te plaira, advienne que pourra’’. Une maxime dont l’application architecturale et botanique s’étendait sur plus de cinq hectares, en plein cœur de la capitale.

« Je présume que vous allez m’interroger sur ma conversation avec Iulisha ?

-Non. Je laisse à Vespasien ses secrets.

-Eh bien, vous êtes de plus en plus intéressant.

-L’opulence de votre lignée ne date pas d’hier, mais c’est au questeur des Confidens que vous devez l’actuel niveau de faste, lui déclara-t-il sans relever la remarque. Je me trompe ?

-Non, c’est exact.

-Et il se garde bien de vous révéler l’origine de cette fortune, j’imagine.

-En effet, j’ai quelques pistes, mais…

-Je doute qu’elles soient justes, la coupa-t-il, ou du moins pas dans les proportions que vous imaginez.

-Vous voilà fort peu galant, réagit-elle d’un air offusqué.

-Me suis-je seulement engagé à l’être ? Je vous ai traité d’impertinente un peu plus tôt, et vous n’avez pas détesté il me semble. »

La demoiselle eut un éclat de rire avant de remarquer :

« Décidément, on ne peut rien feindre avec vous. Vous lisez en moi comme dans un livre ouvert.

-Le titre et la préface, peut-être, mais tout le reste est un mystère. Ne faîtes pas l’innocente, vous êtes bien plus rusée que vous ne le laissez paraître. Vous êtes une excellente manipulatrice dissimulant ses talents sous une couche de fausse naïveté, et pour être honnête vous me rappelez à la fois Agrippine et Tibère.

-Moi au même niveau que deux illustres Confidens, c’est incroyable ! Vous êtes vraiment irrésistible avec votre perspicacité hors du commun.

-Un élément échappe cependant à mes facultés de déduction.

-Ah oui ? sourit-elle espièglement.

-Comment pouvez-vous être le bourreau de la confrérie des anneaux ?

-Parce que vous me soupçonnez de l’être ?

-J’en suis presque sûr. Quel âge avez-vous ?

-Dix-sept ans.

-C’est un mensonge.

-Très bien, j’en ai vingt-et-un. Comment l’avez-vous deviné ?

-Comme si vous l’ignoriez. Nous sommes tous les deux des maîtres-mages accomplis, votre aura vous a trahi à l’instant où je vous ai vue. Et si je ne m’abuse, vous avez passé la discussion avec un sort de détection de mensonge actif, exactement comme moi.

-C’est vrai, s’amusa-t-elle. On m’avait dit que votre claymore était ce qui vous rendait si dangereux, mais je n’en crois plus un mot.

-Comment changez-vous votre apparence ?

-Oh, c’est bien simple. »

Elle s’écarta de trois pas pour se retrouver face à lui, puis désigna un bijou accroché à son ras-le-cou : une orbe azure cerclée d’argent qui vira subitement à l’écarlate. Des flammes parcoururent sa robe, changeant l’émeraude en carmin et l’or en ivoire. Sa longue chevelure blonde brunit de la racine des mèches jusqu’aux pointes, tandis que ses iris vairons s’harmonisaient en pourpre. Des gants de dentelle recouvrirent ses doigts fins, après quoi elle lança un regard pétillant de vie au paladin.

« Vous me paraissez plutôt jeune finalement, Trajan.

-Je ne le prends pas exactement come un compliment venant de vous, et vous devez vous en douter. Pourquoi les avoir tués ?

-Je pourrais répondre que je m’ennuyais, mais ce n’est qu’une demi-vérité. Et si vous voulez l’autre partie… »

Elle découvrit ses épaules en lançant un furtif regard à un confortable banc sur sa droite.

« Il va falloir m’offrir une contrepartie suffisante, beau jeune homme.

-Eh bien, charmante demoiselle… c’est non. »

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