Le chiffre 9
Ce chiffre 9, disait-elle, la poursuivait.
Il lui semblait qu'il régissait ses heures, sous-tendait chaque instant significatif, bon ou mauvais. Sa vie était pleine de 9, 18, 27, 36...
Elle avait commencé par naître, l'année des premiers congés payés, au dix-huitième jour du neuvième mois, à neuf heures du matin. Puis cela avait " continué ".
Elle avait mis au monde ma sœur en 63, à l'âge de vingt-sept ans, et moi, neuf ans plus tard, en 72, l'année de ses trente-six ans. Elle avait eu des soucis de santé en 81 : huit et un, neuf, constatait-elle, fataliste.
Nous en souriions parfois... "Tu te fais des idées, c'est le hasard", "Il ne faut pas croire à tout ça !".
Pourtant, la nuit où à mon tour je mis au monde mon premier enfant (en 1999 comme il se doit), entre deux contractions, j'entendis soudain la pendule sonner douze petits coups légers et la sage-femme me dit : " Voilà, votre petit ne naîtra plus le vingt-six..."
Cette remarque anodine ne le fut pas pour moi.
J'appréhendai 2009, puis 2018. Chaque année le mois de septembre m'angoissait confusément.
Sachant maman malade, je vis approcher avec terreur ses 81 ans...
Mais la mort se joue de nous.
La mort lui avait enlevé sa propre mère le 28 janvier 79... Et bien qu'elle n'en ait rien dit, il est certain qu'elle n'avait pas manqué d'effectuer l'addition : 28 + 01 + 79 = 108 ; 1 + 0 + 8 = 9 ...
Elle nous a quittés il y a exactement un an, pendant son sommeil, dans la nuit qui a précédé les célébrations de la victoire de 1945 : j'ignore bien sûr à quelle heure exacte, mais je crois pouvoir être sûre que c'était avant minuit.
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