Comme par enchantement

Quand j'étais petite, j'écrivais des poèmes. Les lire me faisait ressentir des émotions et je me découvrais. J'écrivais souvent, en cachette, avec un stylo noir de la marque Reynolds. J'aimais Reynolds. Comment ne pas l'aimer ? Un nom sensuel, un peu énigmatique, une allure courbe. Un palmarès suffisant pour activer mon imagination comme par enchantement.
Un jour à l'école, alors que le ciel affichait son beau costume bleu azur, j'ai décidé de remettre une copie de mon petit recueil de poèmes à mon professeur de français et me rappelerai toute ma vie de son regard vide, choqué puis vide. J'ai plongé dedans mais sans rien comprendre ni atteindre.
Il avait balbitué quelques mots que lui seul pouvait comprendre. Des mots peut-être en langue étrangère que je ne comprenais point, il s'était hâtivement levé et je l'ai vu disparaître comme la dernière flamme d'une bougie que nous regardons le souffle coupé. Nous ne l'avons plus jamais revu. Peut-être parce que l'année touchait à sa fin, ou peut-être encore parce qu'il avait joué le rôle de l'un de les potagonistes dans mon recueil. Appelons-le le recueil de non-retour.
Quelques années plus tard, j'ai retenté avec une autre professeure de français, elle était du genre luronne et préférait tout ce qui est petit : petite coupe de cheveux, petites robes et jupes, je couperai court à cette idée pour éviter de m'égarer dans les méandres de mon cerveau.
J'avais grandi depuis mais pas autant que l'espoir que les autres ont eu en moi. J'étais et je pense toujours l'être, gothique dans l'âme. Encore une fois, je m'étais avancée vers son bureau à l'instant où la première partie du cours était terminée. Un petit sourire, à la fois malicieux et innocent affiché aux lèvres, le regard transperçant et je lui ai dit :
- Madame, auriez-vous une minute à m'accorder, SVP ?
- Prof. : "oui, bien sûr, dis-moi "qui cache : Oh, mon Dieu, pas elle.
- Moi : j'ai une copie de mon recueil de poèmes et je souhaiterai partager quelques passages avec vous.
- Prof. : "mais bien sûr" qui cache : Jésus, Marie, Joseph. Elle est louche cette fille, je ne peux lui dire non. Petite précision qui s'impose : ma professeure n'était pas de confession chrétienne.
- Moi : je vous remercie. Voici ce que je souhaiterai vous faire lire. Pour moi, prononcer ces mots étaient comme une invocation de magie noire. Imaginez et ressentez l'atmosphère créée, le pouvoir, ou du moins le fait d'y croire, les idées qui vous turlupinent, l'excitation intérieure, la concentration, la force des forces obscures ou pas.
- Prof. : très bien machin bidule, je te dirai ce que j'en pense, à la fin du cours.
- Moi : toujours avec le même sourire, je vous en remercie Madame. A toute à l'heure.
Je me rappelle avoir senti un souffle chaud habiller ma nuque au moment où j'ai pris congé. C'était le sien. Un soupire de désespoir ? Suis-je autant terrifiante ? Mais oui, je le suis et j'adore cela. C'était la récréation, j'étais sortie donner vie à quelques unes de mes idées lugubres.
A notre retour en classe, nous avions attendu notre professeure pendant 15min avant d'appeler un surveillant général. Elle n'était plus là, mes copies non plus. Son bureau était intact, place aux manuels de cours, à un stylo rouge de la marque Bic, sa chaise sur laquelle pendait son sac à main rose pâle de la marque Furla et une veste beige avec de fines coutures qui ne couvrait pas grand chose selon moi, surtout pas du froid de la saison. Nous étions en hiver et dehors la ville portait son plus beau maillot de bain au lieu d'un parapluie. Je ne portais pas Bic dans mon coeur. Je le trouvais rigide et insignifiant alors qu'il était tout transparent.
Le surveillant général était là ébahi, nous étions en 1998 et nous n'avions pas de téléphones portables. Les professeurs non plus d'ailleurs. Les nôtres en tout cas. Ne trouvant pas de réponses plausibles, il nous avait invité à rester en classe jusqu'à la fin du cours. L'atmposhère avait changé d'un coup, entre les cris de joies et de détresse. Je m'étais trouvée une place quelque part, j'avais repris mon recueil puis j'avais réecris.
Les jours se sont écoulés et nous n'avons plus revu notre professeure. Elle s'appelait Irène. Irène a laissé derrière elle un sac rose pâle. C'est tout ce que j'avais retenu.
Les années se consumaient et mon envie d'écrire avec, alors, je m'étais concentrée un peu plus sur la lecture. J'avais fait semblant un peu et en deux temps, trois mouvements, j'avais arrêté.
Comme je devais penser à mon avenir, j'avais choisi une orientation marketing et communication pour mes études alors que mon être aspirait à faire de la scénographie et de donner vie à des éléments tangibles et visibles. Ainsi, j'ai travaillé dans la communication, évenemntiel et relations presse et publiques. J'étais douée et je déguisais mon être pour y parvenir.
L'idée de réécrire comme je le faisais ne me revenait pas. Cependant, j'avais écrit plus d'une centaine de dossiers de presses et de recommandations stratégiques. Ce que je faisais comme travail était important mais pas pour moi. Je me sentais vide, j'errais.
Un vendredi, je m'étais laissée emporter par la passion d'une relation, le genre de relation interdite par la terre, les cieux mais pas par l'enfer, où nous sommes censés nous briser les ailes.
Pour moi, c'était une réincarnation. Une relation qui avait réanimé mon être, un second souffle.
Et me voilà inscrite sur l'un des forums de psychologies. Alors que le but est de partager un ressenti ou un problème et où des personnes vous répondent, vous aident et vous supportent. Moi, j'écrivais pour donner vie à des idées, à des sensations que personne de mon entourage ne pouvait comprendre. Maintenant que j'y pense, je n'avais et je n'ai toujours pas d'entourage.
Des lecteurs étaient là et attendaient la suite. Malheureusement, cette fois-ci, je ne pouvais savoir ce qui leur est arrivé après m'avoir lue.
Un autre vendredi, alors que ma vie était complètement chamboulée, que je recueillais quelques bribes de mon petit coeur pétrifié à cause d'une énorme perte, que je séchais le peu de larmes brûlantes que mes yeux pouvaient encore créer. J'ai décidé une reconversion professionnelle et de revenir à mon premier amour. Une seconde après l'avoir pensé, j'ai lancé la machine, j'étais confiante, apaisée et j'ai un nouvel objectif : penser, créer et donner vie mais en 3 dimensions.
Plusieurs vendredis se sont succédés depuis et me voilà donner vie à plusieurs projets, résidentiels et commerciaux. J'ai vu des clients heureux et d'autres pas. Peut-être qu'un nouvel espace de vie n'est pas toujours ce qu'il faut pour être bien. J'ai intégré le bien-être et le feng shui dans mes conceptions pour que mes clients renaissent de leurs cendres ou prennent un nouvel envol. Certains étaient encore plus déprimés, à cause des crédits ? Pas sûr, étant donné que quelques uns font partie des privilégiés de l'économie nationale. La roue a tourné et plusieurs parmi eux ont disparu et leurs réglements aussi.
Je me demande aujourd'hui ce que je voudrais encore faire mais je ne peux trouver de réponses. Je regrette la période où mes mots magiques faisaient disparaître les gens. Peut-être que je devrais chercher dans les objets de mon passé, allumer quleques bougies couleur pourpre et relire mes écrits avant minuit.
Je repense à mon professeur que j'applerai Albert, à Irène et à ce qu'ils ne sont pas devenus. Je repense au sac Furla rose pâle.
Une apparition dans l'abîme ? J'espère que ce sera sans serpent cette fois-ci. Chacun de son côté, ensemble ? Peut-être qu'ils ont besoin de quelque chose ou de quelqu'un ? Un chat couleur noir ou abricot ?
En attendant de penser plus sérieusement à tout cela, il est minuit passé, je regarde autour de moi, avant d'invoquer Morphée et de disparaitre dans mes songes nocturnes.
Table des matières
En réponse au défi
Votre talent spécifique ?
Je suis certain que toutes et tous avez un talent particulier. Qu'il concerne l'écriture, mais pas que, cela peut-être dans un tout autre domaine... Et si vous le partagiez avec nous sous forme d'une anecdote, d'une petite histoire, d'un poème ? Sentez-vous libre de la forme mais dîtes-nous ce que vous faites particulièrement bien.
Ça fait du bien de parler de soi en bien de temps en temps, en cette fin d'année un peu morose par exemple.
Je vais répondre à ce défi dans la journée je pense
Commentaires & Discussions
Comme par enchantement | Chapitre | 4 messages | 2 ans |
Des milliers d'œuvres vous attendent.
Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.
En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.
Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion