Chapitre 10 : à l'aube d'un renouveau

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Les deux compagnons se tenaient dans le bureau de Gin. Seule sa femme était présente. Junker avait ôté tous ses déguisements, de sorte à ce que les deux individus puissent l’observer entièrement. Effectivement, il ne semblait pas posséder d’armes. Ses cornes étaient impressionnantes et lui donnaient un air peu sympathique, contrastant avec son regard bleu sans méchanceté.

-Bien, dit l’homme. Aujourd’hui, vous intégrez de façon non-officielle l’organisation Goei.

-Oui.

- Goei est une organisation pacifique qui fait rarement plus que de la livraison et de l’escorte. Je n’aime pas qu’on soit mêlé à des histoires peu scrupuleuses.

- Vous n’êtes pas une organisation clandestine ? Demanda Quentin.

- Non. Toutes les actions de Goei sont tout à fait légales. Nous sommes peut-être une branche de Kuran, mais nous agissons très peu sous les ordres du maitre. Goei est l’organisation la plus indépendante.

- D’où le refus de se mêler à de mauvaises histoires, en déduisit Junker. En cas de pépin, Kuran ne sera pas directement incriminé.

- Fûté l’alien, dit Marida.

L’être de métal ne releva pas. Bien que cette appellation ne lui plaisait guère, elle n’était pas vraiment fausse.

-Effectivement, confirma Jin. De plus, nous restons une organisation relativement faible, comparée aux autres. J’imagine qu’au moindre problème qui porterait préjudice au maitre, celui-ci niera indéniablement les faits.

Il eut un petit gloussement amusé.

-Il rejettera l’entière faute sur nous, ça c’est sûr. Ce veilliard est peut-être bon avec nous, mais il ne pardonne pas.

- Plusieurs sociétés ont vues leur lien avec Kuran être coupé parce qu’ils s’étaient mis le gouvernement a dos. Enfin, ce n’est pas la question.

Gin se leva et s’avança vers un rideau rouge.

-Puisque vous intégrez Goei, je vous ai fait préparer un petit cadeau.

Il le tira, révélant un buffet. Quentin n’en croyait pas ses yeux. Jamais il n’avait vu de telles quantités de nourritures.

-Mais… nous ne pouvons accepter, dit-il.

- Vous intégrez la famille, répliqua Marida. Et vu ce qui vous attend, vous allez avoir besoin de forces.

Quentin et Junker se levèrent puis s’approchèrent. Il y avait même de la viande. Avec une main tremblante, le jeune homme attrapa un morceau de poulet et le porta à sa bouche. Pourtant, il hésitait.

-Vas-y, dit Junker.

Finalement, Quentin referma ses mâchoires et en avala une bouchée. Aussitôt, son visage crispé se changea en une expression d’extase. Il commença donc à manger avec appétit tout en restant un minimum correct.

-Et toi, Junker ?

- Je ne mange pas. Bien que j’en soi capable, cela n’est pas un besoin primaire.

- Mais dis-moi, par quoi es-tu alimenté ?

L’être de métal regarda Gin. Il lui expliqua qu’ayant observé les humains, il avait découvert que comme eux, il possédait un liquide vital parcourant son corps. L’homme l’observa de haut en bas. Son physique était effectivement très humanoïde. Il n’y voyait aucun câble, aucun point d’articulation voyant, ni même aucun élément caractérisant un robot, aussi moderne soit-il.

-Je constate en effet que tu sembles plus humain que la plus perfectionnée des machines.

- Ce n’est pas une machine, rétorqua Quentin en se tournant. Junker est certes un être de métal, mais il est vivant et conscient. Il n’obéit pas à un programme.

Il était vrai qu’un programme informatique guidant un robot ne permettait qu’un nombre limité d’agissement et de comportements préétablis. Ici, Gin avait sous les yeux un être complexe qui était la preuve de l’existence de vie évoluée sur d’autres planètes.

-Quoi qu’il en soit, si tu as besoin de quoi que ce soit…

- A ce sujet, dit Quentin. Avez-vous de quoi réparer son gouvernail ?

Gin se gratta le menton.

-Eh bien… pas ici, malheureusement. Notre entrepôt contient uniquement des matériaux à faire livrer. En revanche, sur l’Hajiro…

- C’est quoi ?

- Le Q.G de Kuran, en quelque sortes. C’est une plate-forme pétrolière qui n’est plus en service et qui a été rénové depuis que le pétrole a disparu, répondit Marida. Il devrait y avoir le nécessaire. A voir avec le maitre-ingénieur.

-Enfin, dit Gin. Nous verrons cela en temps et en heure. Junker, Quentin, vous voulez bien me suivre ?

Ceux-ci quittèrent le grand bureau derrière l’homme. Ils arrivèrent devant une porte.

-J’ai fait vidé cet endroit pour vous.

Il l’ouvrit. Junker et Quentin restèrent sans voix. C’était une immense pièce aux murs décorés de rouge et de vert avec des motifs. Un grand matelas était posé au sol.

-Puisque vous n’avez pas de toit, je vous offre cet ancien bureau. Avec ce que vous gagnerez, vous pourrez le personnaliser plus à votre gout.

-Merci ! Dit Quentin en se retournant. Nous vous sommes reconnaissant.

Junker acquiesça.

-Et pour la douche ?

-Malheureusement… il s’agit d’un complexe commun. Mais les hommes disent que c’est plus sympa.

-Affirmatif ! Dit un individu en passant. Savoir Monsieur Gin avec nous, ça met l’ambiance !

L’intéressé eut un léger sourire.

-Au fait les gamins ! Ce soir, on organise une petite fête pour célébrer votre arrivée à Goei ! J’espère que ça vous plaira.

- Oui ! s’empressa de répondre Quentin.

Il vit Junker prendre des notes en vitesse. Il rangea son carnet dans sa besace.

-Merci, dit-il à Gin. Sans vous, Quentin aurait…

-Eh, arrête de penser qu’aux autres, dit l’homme. C’est pour vous deux.

- D’accord.

- Ma parole, ce que tu es altruiste, railla Marida. Les gens comme toi ne durent jamais bien longtemps, tu sais. Dans ces quartiers, on sauve d’abord son cul, et après on pense à celui des autres.

Junker fronça les sourcils. Ou du moins, il semblait les froncer. Voilà une conception qui ne lui plaisait guère. Cette conception était en opposition avec ses fondements et sa nature bienveillante. Jamais il n’avait pensé fuir si des humains étaient en détresse. Il ne pouvait ne serait-ce qu’imaginer sauver sa vie avant celle d’autrui. Cependant, il comprenait que les humains étaient bien différents de lui. Il devait s’agir de l’instinct de survie. Chose dont Junker se moquait éperdument. Il ne fit donc aucune remarque à la femme de son hôte.

-Demain, je vous donnerai votre première mission, dit Gin.

- D’accord, répondit l’être de métal.

-Sur ceux, reposez-vous bien !

Et ils s’en allèrent, laissant les deux adolescents dans cette grande pièce. Junker en fit le tour, tâtant le mur pour s’assurer qu’il n’y ait rien de suspect. Puis il revint vers Quentin qui s’écroula sur le matelas.

-Oh mon dieu ! C’est confortable ! S’exclama-t-il en s’étirant. Mes nuits seront enfin complètes !

Le robot orange trouva une couverture avec laquelle il couvrit son ami et lui dénicha même un oreiller.

-Merci. Mais, et toi ?

-Réchauffes-toi et reposes-toi. Je fais le guet.

- Junker… Tout ça, c’est fini. Détends-toi.

Son ami le regarda.

-Sans toi, je ne dormirai pas, tu le sais.

Cela acheva de convaincre Junker qui vint se rouler en boule à ses côtés sous son apparence de bête ailée. Il ne fallut guère plus de quelques minutes pour que Quentin trouve le chemin des rêves. Quant à Junker, il gardait une oreille attentive. L’habitude ne se perdait pas en un instant. Surtout après quinze ans de vie mouvementée comme la sienne.

Gin ouvrit la porte aussi doucement que possible. Les deux amis s’étaient endormis. Il eut un petit sourire attendris en voyant ce spectacle. Alors, Junker ouvrit un œil. D’un mouvement d’aile, il parvint à se faire comprendre et l’homme referma la porte. Le chef de Goei soupira.

-Ces gamins…

Puis il retourna à son bureau. Il regarda les diverses missions qu’on proposait à Goei. De la livraison pour la plupart, et seulement une ou deux demandes d’escorte.

-Voyons-voir… autant les mettre en livraison dans un premier temps. Junker pourra protéger le convois.

Il réfléchis. Quoi qu’en y repensant, une mission d’escorte permettrait d’utiliser tout le potentiel de Junker, puisque sa priorité serait alors la préservation de l’individu accompagné. Visiblement, l’être de métal était du genre à vouloir protéger les humains si la situation l’exigeait.

-Oui, ça me semble être la meilleure idée. Junker et Quentin, vous partirez en opération d’escortes…

Dans l’autre pièce, l’humanoïde n’avait eu aucun mal à entendre les paroles de son nouveau supérieur. Il regarda son ami d’un œil. Quentin était mignon lorsqu’il dormait paisiblement. Il aimerait toujours le voir ainsi. Toujours avec ce doux sourire et cet air serein. Alors, l’être métallique se leva et se redressa sur ses jambes. Il s’avança vers une fenêtre. Il neigeait de nouveau. Junker posa une main sur le vitrage puis revint vers Quentin. Il s’agenouilla et tendit la main, lui caressa la joue d’un doigt.

-J’ai quelque chose à faire. Je reviens dans peu de temps.

Puis il se pencha et déposa un baiser sur son front avant de quitter la pièce. Il récupéra toutes ses bandes de tissues, s’habilla de sa cape et parti dehors. Il s’élança aussitôt tel un ninja. Il retourna dans les souterrains, à son ancien domicile, et prit toutes les couvertures. Il déchira les bâches et fit en sorte de confectionner des bouillottes qu’il remplie de sa glace brûlante. Puis il s’élança dehors et entreprit de tout distribuer aux nécessiteux, en priorisant femmes, enfants et personnes âgées. Il passa au marché noir et vola un peu de nourriture encore chaude pour réitérer son geste. Sa grande vitesse et son endurance lui permit d’effectuer sa mission avec une rapidité étonnante. Junker continua ainsi pendant un moment. Mais cela ne semblait pas le gêner, au contraire. Il était même heureux d’aider les humains depuis qu'auprès de Quentin, son appréhension s'était quelque peu dissipée.

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