Chapitre 29 : le début du voyage

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L’équipe de Goei se tenait devant le bâtiment présidentiel. On les fit entrer et attendre dans un grand salon. Une heure s’écoula ainsi avant que William Decker n’arrive, en compagnie de Samuel Tagarawi, président du Congo. Il s’agissait d’un homme un peu petit et légèrement grassouillet.

-Ah, les voilà ! Clama-t-il d’une voix grave et forte. Les fameux Goei !

- C’est un honneur, dit Jérôme en lui tendant la main.

Après de brèves présentations, un entretient fut organisé. Tagarawi fit l’éloge de la branche de Kuran durant sa précédente mission d’escorte. Il annonça ensuite qu’ils devraient accompagner William Decker à travers le pays pour quelques conférences. Certaines routes étant peu fréquentables.

-C’est justement pour ça qu’on est là, assura Gabriel.

L’individu acquiesça. Ils préparèrent ensuite le voyage. Le président Tagarawi prêta une salle pour que les membres de Goei puissent se changer. En effet, les deux valises avaient été emmenées la veille par des hommes de main. Quentin enfila un t-shirt violet sombre et son fameux pantalon noir. Il donna un coup de brosse dans ses cheveux et les recoiffa.

Junker enfourcha la moto qu’on lui offrait. Il fit vrombir le moteur, prêt à suivre la limousine. Quentin vint lui donner un petit baiser et rejoignit les autres dans la voiture qui partit. L’humanoïde lança le deux-roues qui se cabra au départ. Il observa autour de lui avec plus d’attention. Lorsqu’ils passèrent au-dessus d’une rivière, il aperçu quelques femmes, seins nus, en train de laver leur linge dans une eau polluée de détritus tandis que leurs enfants s’y baignaient avec insouciance. Ils ne tardèrent pas à quitter la ville. Le goudron laissa place à la terre battue et l’environnement devint aride. La terre presque orange était poussiéreuse et sèche. Quelques végétaux subsistaient miraculeusement. L’humanoïde réfléchissait. Il y avait tant à découvrir ici. Les sociétés étaient différentes, tout comme les mœurs. Il avait hâte de voir ce que le Congo lui réservait. Mais la précarité le désolait également. Si les habitants des villes ne subissaient pas les températures négatives, d’autres éléments rendaient leur vie d’autant plus difficile que ce qu’il connaissait dans son ghetto. Bien entendu, il ne souhaitait pas connaitre les mœurs sexuels des congolais, se doutant bien qu’ils étaient identiques tout autour du monde. Mais le reste l’intéressait au plus haut point.

Au bout de plusieurs heures, quelques maisons se dessinèrent sur la gauche. Junker aurait aimé s’y arrêter, mais cela ne semblait pas être leur destination. Il approcha de la voiture. Une fenêtre s’ouvrit sur Jérôme.

-Junker, peux-tu aller au-devant ?

- Oui !

La moto dépassa la limousine et parti au loin. William Decker sourit.

-Il est doué, votre ami.

- Junker est spécial, dit Quentin.

- Drôle de nom.

La moto revint alors et fit un magnifique demi-tour en dérapage. Le pilote déclara qu’il n’y avait rien d’inquiétant. Quelques heures plus tard, ils arrivèrent dans une petite ville. La belle limousine noire paraissait plus somptueuse encore aux côtés des vieilles voitures du vingt-et-unième siècle qui semblaient plus proche de l’épave que du moyen de transport. Le groupe s’arrêta finalement. Aussitôt, Diamounder rejoignit son congénère.

-Ouvre l’œil et soit attentive. Utilise tes sens pour détecter le moindre signe de menace.

-Bien.

La biomech était aux aguets, les griffes prêtes à déchiqueter. Lorsque William Decker sorti, Junker vint à ses côtés, se mettant presque devant.

-Diamounder, surveille nos arrières.

- Ouais !

Goei se déploya. Gabriel et Jérômes attrapèrent les armes qu’on leur donna. Le président était surpris d’une telle formation. Quentin rejoignit son compagnon.

-Et maintenant ?

- Il faut aller à la mairie, annonça Decker.

Ils l’accompagnèrent. Sur leur passage, les gens s’écartaient. Les habitations étaient médiocres et tenaient miraculeusement debout. Certaines étaient entièrement faites en planches de tôle avec quelques pierres pour consolider l’ensemble.

-Eh bien…, dit Diamounder.

Ils arrivèrent finalement devant un bâtiment de pierre. D’après Decker, ils étaient en avance. La conférence n’aurait pas lieu avant quelque heures. Il demanda donc à Goei de surveiller les alentours. Les groupes se répartirent et Quentin se retrouva exceptionnellement avec la jeune humanoïde bleue. Son congénère orange était seul, mais cela ne le dérangeait pas. Ils se déployèrent donc. Junker monta le long d’un poteau pour observer la petite ville. Rares étaient les habitations de plus de deux étages. Il se laissa retomber et se mit à marcher, observant autour de lui. Quelques enfants courraient gaiement, n’ayant sur le dos que de frêles vêtements. D’autres n’avaient pas l’air d’être en bien bonne santé et gisaient contre les murs. Junker avait envie de leur venir en aide mais il savait malheureusement qu’il ne pouvait rien faire. Les ressources à disposition ne permettait pas de faire grand-chose pour ces humains. Alors, une odeur nauséabonde l’attira. Il se laissa guider jusqu’à son origine. Lorsqu’il comprit, il regretta aussitôt son acte de curiosité. Entre deux maisons, dans une étroite ruelle à peine assez large pour laisser passer un homme gisait un individu. Il était adossé, le regard vide et le corps nu, sale et d’une maigreur squelettique. Junker sentait des battements de cœur mais l’organisme qu’il avait sous les yeux était littéralement en train de se décomposer de l’intérieur. La vision était écœurante et il en aurait probablement recraché son repas. Mais il tenait à se rendre compte de la misère qu’il trouvait en certain lieux. L’homme avait une respiration à peine perceptible. Junker voyait qu’il était déjà mort. Mais son esprit luttait encore. Une telle scène lui brisait le cœur. Il ne pouvait laisser ce malheureux à l’agonie. Il ferma les yeux pendant quelques instants. Finalement, il s’approcha et s’agenouilla. Il défit sa capuche et retira son cache-cou. L’homme le regarda du coin de l’œil. Lentement, l’humanoïde vint poser ses griffes rouges sur le côté droit de son cou. D'interminables secondes s'écoulèrent.

-Pardonnez-moi. Mais vous n’avez plus de raisons de souffrir ainsi.

D’un coup, il lui sectionna la trachée, faisant gicler le sang. Le coeur s’arrêta presque aussitôt. Junker détourna le regard. Ce qu’il venait de faire lui était douloureux. Il n’aurait jamais dû prendre une vie ainsi. Mais il s’en serait voulu s’il avait laissé cet homme agonisant ici. Grâce à sa glace, il sculpta une petite croix qu’il planta près de sa main. De ses doigts, il vint lui fermer les yeux et se redressa. Junker soupira et fit demi-tour, reprenant sa route. Il regarda ses griffes rouges sur lesquelles le sang était présent. Il remit sa capuche et son cache-cou. Il croisa quelques animaux eux-aussi mal en point.

Quentin s’assit et prit sa gourde. Malheureusement, il n’y avait plus une goutte.

-Tu crois qu’il se débrouille ? Demanda Diamounder.

- Junker ? Oh, dans une ville aussi petite, il ne risque rien. Je penses plus que c’est son mental qui en prend un coup.

- Ah bon ?

- Oui. Tu sais, Junker est un être à part, il est d’un altruisme et d’une bonté sans égale. Voir tous ces malheureux sans rien pouvoir faire doit être difficile à supporter, et je le comprends.

- Se sentir inutile, il n’y a rien de pire.

Quentin acquiesça et ils reprirent leur route à travers le bidonville. Dans cette petite cité, ils eurent tôt fait de croiser Gabriel et Jérôme.

-Et Junker ? Vous l’avez vu ?

- Je ne crois pas. On peut toujours le chercher.

Ils commencèrent donc à parcourir les rues. Mais l’humanoïde restait introuvable. Diamounder se servit de son odorat pour le localiser. La petite biomech eut tôt fait de les conduire jusqu’à son congénère. Ils arrivèrent devant une maison visiblement vide.

-Il est dedans.

Quentin entra donc seul. Lorsqu’il arriva dans la seconde pièce, il trouva son compagnon, assis sous sa forme dragon. Il s’approcha. Une femme était étendue là, sur le dos. Un bébé se trouvait sur son ventre. Et de toute évidence, elle venait de le mettre au monde car le cordon ombilical était encore présent. Mais ni la mère ni son enfant ne bougeaient. Le jeune homme compris alors. Lentement, il vint s’agenouiller auprès du dragon de métal. Ils restèrent sans bouger pendant un moment.

-Désolé… que tu aies dû assister à ça, dit finalement Quentin.

Il enlaça la bête qui poussa une sorte de gémissement. Alors, Junker repris sa forme humanoïde. Il soupira.

-Ce pays… ces gens… ils me font tant de peine…

- Je sais.

- Cette mère et son nouveau-né ne méritaient pas ça. Je suis arrivé mais elle était déjà…

- Tu as fait ce qui était bon. Personne ne pourra jamais te reprocher tes actes s’ils sont dictés par ton cœur.

Junker acquiesça légèrement. Il se redressa et remit sa capuche ainsi que son cache-cou sur son visage. Quentin lui attrapa la main et ils sortirent de la maison.

-Tout va bien ? Demanda Diamounder.

Son congénère ne répondit pas immédiatement.

-J’ai… j’ai besoin d’être un peu seul.

Il reprit sa marche. Quentin le suivit.

-Toi aussi, ne me suis pas.

- Mais…

Le biomech s’élança alors à quatre pattes. Il voulu le retenir mais se ravisa. Jérôme posa une main sur son épaule. Sans un mot, ils retournèrent vers la mairie. Le soleil était en train de se coucher. La conférence du président Decker ne tarderait pas à avoir lieu. Il était important de commencer à sécuriser les lieux. Une tentative d’attentat n’étant pas exclue. Quentin regarda le ciel. Cette mission était bien différente de la première. Car il ne s’agissait pas uniquement que d’escorter un président durant son voyage d’affaire. Il s’agissait également de se confronter au monde et à ses épreuves. Et Junker était le premier concerné par cela.

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