Junker regardait l’océan. Il était émerveillé de voir autant d’eau. Son odorant lui faisait également parvenir une très forte odeur de sel. Il ferma les yeux, écoutant les vagues et les quelques oiseaux qui nichaient là. Il se sentait bien en cet endroit. Au milieu de cette si grande étendue bleue, il avait l’impression d’être seul au monde. Une solitude qu’il aimerait partager avec Quentin. Alors, Diamounder arriva.

-Grand frère, j’ai envie de voler.

-Malheureusement, ce n’est pas possible. La cérémonie à lieu demain, et nous devons rester discrets. Du moins, c’est le souhait de monsieur Gin. Sais-tu où est Quentin ?

- Non. Je sais que notre maitre lui a conseillé d’aller voir un homme particulier, mais c’est tout.

-Je vois.

Le soir venu, le petit groupe se retrouva dans un bar ouvert sur l’extérieur. Tous les quatre discutaient jusqu’à ce que Quentin se désigne pour aller chercher les boissons. Il se leva donc et s’avança vers un serveur au niveau du bar. Junker ne le quittait pas des yeux. Le jeune homme était absolument magnifique. Mais ses rêveries cessèrent aussitôt qu’un individu aborda son compagnon, ne se gênant pas pour lui mettre une petite tape sur le fessier. La forte odeur d’alcool qui s’échappait de lui indiquait qu’il avait bu.

-Coucou beau gosse, dit-il. Tu es mignon.

- Euh…, merci, mais là je dois y aller.

- Attend, tu peux bien m’accorder une minute. Tu es célibataire ? Mais c’est que tu sens bon dis-moi.

-Non, désolé. Laissez-moi.

Alors que sa main caressait Quentin, Junker vint voler à son secours, le tirant contre lui. Aussitôt, le jeune homme l’enlaça. L’individu tourna la tête.

-T’es qui ?

-Son homme.

Et il l’entraina vers la table, prenant le plateau au passage. Quentin se colla contre son compagnon de métal. Quelle sensation agréable et rassurante. Ainsi blotti dans les bras de Junker, il avait l’impression d’être invulnérable.

-Tout va bien ?

- Oui, grâce à toi.

L’homme au bar avisa le groupe. Il décida de s’en aller. Monsieur Gin avisa Diamounder.

-Dès demain, tu pourras reprendre la voie des airs.

- Oui.

Une heure plus tard, ils quittèrent le petit établissement pour regagner leurs quartiers. Junker et Quentin partageaient la même chambre. Dans l’obscurité, l’humanoïde diffusait cette douce lueur bleuté que le jeune homme trouvait si apaisante et si belle. Quentin lui proposa de dormir sous la couverture, ce que Junker eut du mal à accepter. Mais les paroles de son compagnon aux yeux rouges eut tôt fait de le rassurer. Les deux se glissèrent donc dans le lit.

Le lendemain, ce fut l’effervescence sur l’Hajiro. La cérémonie d’intégration des recrues allait avoir lieu. Une première pour l’organisation Kuran qui, ordinairement, ne se préoccupait guère de cela. Junker se tenait dans une pièce avec Gin. Celui-ci peignait d’étranges motifs sur de grandes banderoles blanches.

-Qu’est-ce donc ?

- Ce sont des kanji japonais. Kuran tient ses racines du Japon, alors… celui que je suis en train d’écrire, c’est pour Diamounder. Et ici, nous avons le tiens.

L’humanoïde se pencha. Il remarqua que d’un nom à l’autre, certains caractères étaient identiques. Junker portait une sorte de kimono fabriqué sur mesure pour lui. Il était suffisamment large pour ses ailes. Son vêtement était noir et blanc. Il en était de même pour Diamounder.

-Junker, dit Quentin en entrant. Tout va bien ?

- Oui.

Tous deux se regardèrent. Le jeune homme resta sans voix. La chevelure de son compagnon avait été recoiffée et lissée en arrière. Quelques mèches venaient sur son front et on voyait bien mieux les petites cornes entre les plus grosses. Junker aussi semblait en admiration. Ses grands yeux bleus fixaient Quentin avec intensité.

-Aussi beau que la première fois, dit finalement le jeune métis.

- Et toi, plus beau encore.

Il vint délicatement l’embrasser. Gin eut un petit gloussement, attendri.

-Vous deux, de vrais Roméo et Juliette. Allez, c’est l’heure.

Ils emmenèrent les banderoles qui furent attachées dans une grande salle décorée. Ils furent rejoins par Diamounder. Les invités restèrent sans voix face aux deux humanoïdes de métal. On entendit quelques murmures. Bientôt, maitre Sakuro arriva et la cérémonie commença. Les trois novices s’assirent à genoux devant lui. L’homme prononça quelques paroles puis laissa Gin s’exprimer. Celui-ci raconta les épopées vécues par les jeunes gens, le courage dont Junker et Quentin faisaient preuve depuis des années et expliqua qu’il s’était pris d’affection pour eux, notamment en raison de leur détermination sans faille et leurs objectifs. Puis Sakuro reprit la parole. Chacun leur tour, les trois novices se virent recevoir un petit emblème, officialisant ainsi leur statut au sein de Kuran. Gin leur donna ensuite une coupe dans laquelle ils durent boire, symbolisant le lien qui les unissait maintenant à Goei.

Par la suite, un grand banquet fut organisé. Diamounder était ravis de discuter avec les membres de Kuran qui semblaient l’apprécier. Junker, lui, restait non loin de Quentin. Bien que sa curiosité le poussait à vouloir aller vers eux, son côté méfiant dominait.

-Eh bien, les garçons ? Demanda un homme. Un problème ?

- Non, répondit le jeune homme. Mais ce n’est pas notre truc, le mélange…

Junker aperçu l’individu de la veille. Quentin lui attrapa aussitôt la main, l’apaisant. L’humanoïde attrapa un petit biscuit et son compagnon vint le manger. Alors, Diamounder approcha.

-Grand frère, c’est trop bien !

- Ravis que cela te plaise. Mais sois prudente.

Gin approcha et demanda à s’entretenir avec Quentin. Junker le laissa donc, non sans mettre tous ses sens aux aguets. Sa queue se déploya alors, venant dépasser en bas de son kimono. Intriguée, une femme vint le voir et ils commencèrent à discuter. Elle lui demanda ce qui lui était arrivé et l’humanoïde lui répondit qu’à ses douze ans, il avait eu un accident qui lui avait fait perdre son aile de queue.

Quentin regardait le ciel. Gin s’en était allé, le laissant là. Il fut bientôt rejoins bien par son compagnon orange qui n’avait pas tardé à le retrouvé dès le retour de Gin dans la salle de banquet. Un beau soleil rayonnait.

-C’est calme, dit le jeune homme.

- Oui. Je préfère être ici plutôt qu’avec tous ces humains.

- Je te comprends. Pas facile de s’y faire.

Junker s’assit.

-Quentin ? Comment vois-tu notre avenir ? Celui dont tu parlais ?

- Eh bien… Je nous imagine dans une belle maison, à la montagne. Là où tu pourrais planer sur des kilomètres sans que personne ne te remarque. Là où notre existence serait paisible. Tandis que j’enseignerai à l’école du village, tu sillonnera les montagnes pour découvrir tout ce qui y regorge. L’humanité à beaucoup à t’apprendre, mais ne dénigre pas le reste. La Terre est une planète merveilleuse. Si elle a acceptée que nous foulions son sol, c’est forcément pour nous voir y évoluer.

- Tu as parlé d’enfants. Est-ce possible entre nous ?

-Ça… j’ai bien peur que non. Mais nous pourrons en adopter, tu sais. Mais maitre Sakuro a mis le doigt sur un élément important. Aux yeux de l’état, tu n’es pas une personne.

-Je m’en fiche bien. Je ne suis pas humain, alors…

Quentin s’assit à ses côtés.

-Tu n’es pas humains, certes, mais tu as plus d’humanité en toi que la plupart des gens. Le fait que tu sois arrivé jusque là en est une preuve.

Junker acquiesça. Soudain, Diamounder sorti en courant. Elle déploya ses ailes et sa queue puis s’envola.

-Ouais ! S’exclama-t-elle. C’est trop bien !

L’être bleue virevoltait gaiment, n’hésitant pas à cracher quelques flammèches. Elle vint voler au raz de l’eau, donnant même un coup de griffe dans l’écume avant de remonter.

-Elle aussi fondera une famille, dit Quentin.

- Si elle trouve quelqu’un. Qui sait combien sont sur Terre à l’heure actuelle.

Diamounder vint se poser et proposa à son grand frère de venir avec elle. Mais l’humanoïde refusa gentiment, rappelant que son gouvernail abimé l’empêchait de planer. La petite humanoïde parut déçu mais elle repartie finalement. Quentin posa sa tête sur l’épaule de Junker.

-On est bien, là.

- Oui. Je me vois mal redevenir celui que j’étais avant notre rencontre.

- Pareil. Nous deux, c’est pour la vie, pas vrai ?

- Et même au-delà.

Tous deux sourirent. Ils restèrent ainsi à regarder le ciel, profitant du calme qui régnait. Ils finirent par s’endormir et ne furent réveillés que le soir même par Gin.

-Du coup… ça y est ? Dit Diamounder. On fait partie de Goei ?

- Oui.

Ils regagnèrent les chambres. Pour le lendemain, le chef de l’organisation prévoyait une petite surprise. Junker et Quentin s’installèrent dans le lit, regardant tous deux le plafond.

-Demain… c’est Noël, réalisa Junker. C’est ça ?

- Oui.

L’humanoïde acquiesça légèrement.