16 - La tâche qui t'incombes

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Inari retire sa robe, le bal est maintenant terminé et elle se prépare pour la nuit, aidée par sa nouvelle servante. Elle soupire, et repense aux dernières paroles du roi. Mais son moment de rêverie est interrompu par l'enfant hyperactif.

« Vous allez bien, madame?

— Oui, ne t’en fait pas, j’ai connue pire que simplement des mots gentils de la part du roi

— Madame, je peux vous poser une question ?

— Tu en a déjà posée une, mais tu peux en poser une seconde si tu le souhaite.

— Pourquoi lorsque vous parlez, vos lèvres ne bougent pas ou très peu ? Pourtant on entend très bien votre voix. »

La prêtresse s'arrête soudainement, et baisse les yeux pour voir une Jibril qui la fixe avec un regard empli de curiosité. Elle soupire et s’avoue vaincue.

{ Puis-je lui faire confiance ? Il faudrait que je la teste. }

Les pensées de la prêtresse se mélangent rapidement, comment la tester, que lui dire? C’est alors qu’une idée lui vient en tête.

« Et bien, c’est parce que je parle avec le ventre, et j’ai presque pas besoin de bouger mes lèvres pour réussir !

— Oh… »

La jeune servante semble déçue et ses oreilles la trahissent, elle se baisse, puis part dans son coin pour reprendre l'entretien de la pièce. Inari termine de se changer et se met en tenue de nuit. Jibril, pendant ce temps, finit de nettoyer la chambre, elle ramasse le dernier livre qui, étrangement, est bien positionné sur la table, et elle le met sur une étagère. Une tristesse sans fin émane de la petite louve qui traîne des pieds pour repartir.

{ Si seulement je pouvais dormir dans cette chambre… Au moins je n’aurai pas à subir les brimades des autres domestiques… }

« Jibril ?

Oui Prêtresse ?

— Tu dormiras ici ce soir, j’ai besoin de toi.

— Pardon ?

— Peux-tu me rappeler la tâche qui t’incombe ?

— Heu.. servir la prêtresse?

— Exactement, alors pas de questions et va chercher ta tenue de nuit.

— Pourquoi ? Je veux dire, oui madame ! »

La prêtresse regarde la jeune fille énergique partir en courant. Elle récupère alors un des livres, et va s'asseoir à son bureau. Ses doigts blafards, caressent la couverture de cuir, gravée en lettre d’argent et où l'on peut lire: “L’âme est-elle réalité ?". Un titre très énigmatique pour des non initiés, mais dont elle comprend la symbolique. Elle ouvre le livre, et au même moment, la petite louve revient, essoufflée, des vêtements troués dans les mains.

« Me revoilà !

— Trouve-toi un endroit où dorm… »

Jibril saute directement sur le lit d’Inari et s’y installe en tailleur. Un sourire se dessine sur les lèvres de la religieuse, puis elle ouvre la bouche pour rire mais aucun son ne sort. Elle a pourtant tous les symptômes du rire, mais rien, juste le son de sa respiration saccadée.

« Pourquoi je t’entend pas rire ? »

La prêtresse ne dit plus rien, elle regarde simplement la louve. Et lui montre son livre.

« Que connais-tu de la Psychomancie ?

— Heu la Psyco-quoi ?

— Psychomancie, l’art de manipuler des pouvoirs liés à “l’âme”.

— Heu… C’est la magie ou lorsqu’on me dit: il faut jouer, je me met a penser a plein de souvenirs où je joue pour perturber les gens ! Enfin c’est ce que les autres servants m’ont appris. »

La prêtresse sourit à nouveau aux paroles enfantines de Jibril. C’est à ce moment qu’elle remarque son manque de connaissance concernant son âge, mais elle laisse cette remarque dans un coin de son esprit, et continue son explication en rebondissant sur la phrase de la jeune louve.

« C’est en effet la base pour apprendre à se défendre. Mais ce n’est pas le plus efficace.

— Il y a mieux que de se concentrer sur des souvenirs ? Et puis comment ça marche la Psycho-machin chose ?

— Je ne te pensais pas aussi curieuse sur le sujet. La magie t'intéresse ?

— Bien Sûr, ce serait tellement plus simple de faire voler les objets, ou même de lire les pensées pour savoir ce que les gens pensent de moi, et puis comme ça je pourrai aussi connaître tous leurs petits secrets et me venger des méchants domestiques !

— Tu es maltraitée par les autres servants ? »

Pour toute réponse, la louve soulève ses vêtements et prend sa queue dans ses mains, ses oreilles s'abaissent et elle regarde le sol. Elle sait pourquoi elle est attribuée au service d'Inari, c’est une tâche ingrate. Depuis son arrivée, elle passe son temps à servir les domestiques, à faire les pires tâches, et à avoir les vêtements les moins bien lavés, ou les plus rapiécés. Des larmes perlent au coin de ses yeux, avant de rouler le long de ses joues légèrement creusées, et finir leur course sur les draps d’Inari. La prêtresse reste stoïque et ne semble pas aller réconforter la louve. Comme beaucoup, son comportement public diffère de celui dans le privé.

« Je suis une sous-humaine, donc…

— Aucune race n’est supérieure ou inférieure à une autre, nous sommes juste différents. »

Inari s’empresse de couper la ligne de pensée de la louve, elle comprend bien le problème. Depuis son arrivée, elle a souvent vu les Hommes-Bêtes victime des humains, même les paroles du roi qui résonnent dans ses souvenirs vont dans ce sens. Et pourtant, il doit faire bonne figure, avoir des nobles de cette race ainsi que des servants, mais la femme se doute bien que le traitement de ces derniers est bien diffèrent des humains. Puis la renarde s’empresse de reprendre.

« Es-tu fière de ce que tu es ? Si tu pouvais changer, le ferais-tu ? Te couperais-tu les oreilles et la queue ?

— Jamais ! »

La louve regarde son interlocutrice avec peur, elle ressent la puissance des mots et commence à ressentir la perte de sa queue et de ses oreilles. Son corps appréhende, et son esprit lui montre rapidement ce qu’il pourrait en être, et elle se met a pleurer de plus belle.

« Si tu as autant peur de les perdre, c’est que tu as un minimum de fierté, et il faut que tu la gardes.

— Mais pourquoi ! Ça ne m’apporte que du malheur ! Et je suis incapable de me défendre… »

La prêtresse se gratte un peu les cheveux et soupire. Elle hésite entre l'encourager et la laisser se débrouiller, mais sa propre fierté animale prend le dessus, et c’est après un long soupire qu’elle lui annonce :

« Très bien, je vais t’apprendre la Psychomancie. Mais je te préviens, j’accepte que tu sois faible en ce moment, mais je n’accepterai pas que tu le restes. Je ne cautionne pas la médiocrité. Tu as le droit à l'erreur bien sûr, mais tu dois apprendre de ces dernières et ne jamais te contenter du peu que tu as c’est d’accord ? Tu dois toujours faire au mieux.

— Bien Prêtresse. Ou professeur ?

— Appelle-moi simplement Inari, ce sera mieux. À partir de ce soir, je te donnerai des leçons toutes les nuits et tu dormiras dans ma chambre.

— D’accord Inari ! »

La leçon commence, la renarde explique alors le principe inhérent à la magie, avant même d'emmener Jibril sur le chemin de la psyché, il faut d'abord lui apprendre à transformer son éther en le faisant passer par la tête. Sans ce processus, la jeune fille n’arrivera jamais à percer dans les branches psychiques. Profitant d'une pause après trente minutes à bassiner Jibril avec des grands principes, Inari pose subitement une question.

« Quel âge as- tu?

— J’ai douze ans ! »

La renarde est choquée par le jeune âge de sa servante, mais pourtant, ce n'est pas une chose rare parmi le personnel de maison de trouver des enfants, Inari suppose alors qu'elle est en plein apprentissage et ne connaît pas l'étiquette que se doivent d'avoir les servants au palais. La renarde secoue la tête.

« Étudier le psychisme va souvent te donner faim, je vais te chercher quelque chose à manger, reste ici sans faire d’histoires, et essaye de faire passer l'éther dans ta tête à nouveau. »

Une excuse tellement évidente pour la prêtresse, qui a besoin de prendre l’air, mais que sa servante semble ne pas saisir tandis qu'elle acquiesce joyeusement. Elle se retrouve avec une disciple, à qui elle doit apprendre le psychisme, mais d'un autre côté, ce n'est pas comme si elle avait quoi que ce soit d'autre à faire dans ce château. C’est alors qu’une routine se met en place, entre bénédictions et soins la journée, et enseignement la nuit. Pendant que son élève travaille, elle essaye de percer le secret de la magie “Ao Shu” sans se douter une seule seconde des aventures que le mignon petit renard dragueur du bal est en train de vivre…

Note d’auteurs : Et voilà c'était sûrement l'une des dernières parties avec Inari, on la reverra ne vous en faites pas, mais le livre va maintenant tourner autour de Sharess/Nobanion et de ce mystérieux théâtre. On revient en forme après ce petit mois de vacances !

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