10 - Obsession

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Les rues du district regorgent de vie, certains pensant qu'à cause du festival, les différents corps de métier en profitent pour tenter de se faire connaître, et pourquoi pas, développer leur business, mais la réalité est tout autre. Différents gangs bien implantés dans le quartier étaient extrêmement actifs, divisés entre la continuité de leurs activités, et la recherche de deux informations cruciales: l'identité de la berserk, et où se trouve leur proie à la tête mise à prix. Mais que ce soit la figure d'un croquemitaine assoiffé de sang, ou l'inconnue aux oreilles de renarde que personne ne soupçonne, cela semble n'être qu'un prétexte. En réalité, les petits groupes passent plus de temps à se frapper et à se défier entre eux pour leur territoire, qu'à chercher des indices sérieux, à tel point que le renard un peu fanfaron joue avec eux, pour créer le plus de chaos possible lors de son temps libre. Mais l'amusement à une fin, et une fois de retour à son apparence féminine, Sharess continue ses conquêtes et les petites quêtes que lui transmet la vieille dame pour entretenir son train de vie. Ses derniers jours, la renarde est cependant troublée, même son activité favorite semble avoir moins de goût, et cela se ressent sur son moral.

{ Pourquoi j'ai réagis comme ça, c'est un ange, d'accord, logique que mon sang s'emballe, mais pourquoi je n'arrive pas a rester calme, c'est pas la première ailée que je croise pourtant ! }

Une personne toque soudainement à la porte, et la voix de la vieille femme se fait entendre derrière.

« J'peux rentrer ?

— Oh, oui bien sûr. J'aère ma chambre pour le moment. »

La propriétaire rentre dans la chambre et regarde autour d'elle: Sharess est assise sur un grand lit double recouvert d'un grand plaid et de quelques coussins, de grandes tentures habillant les murs adjacents à ce dernier. Une odeur forte d'encens mêlée aux effluves de quelques fleurs agressent légèrement le nez de la vieille dans un premier temps, mais celle-ci devient rapidement agréable une fois que l'odorat y est habitué. En tournant sa tête, elle voit un paravent qui semble cacher une autre partie de la pièce, où elle entraperçoit une coiffeuse, sûrement le coin d'eau. La grand-mère imagine quel genre de tenues pourrait porter la renarde déprimée en observant l'armoire de chêne entrouverte devant ses yeux, et un petit sourire amusé se dessine sur son visage à cette pensée. La fenêtre au fond de la pièce, entrouverte, permet à l'odeur hormonale d'être évacuée rapidement. Les yeux délavés par le temps se fixent alors sur la professionnelle de la nuit et la soixantenaire va s'assoir à côté d'elle.

« Tu m'as l'air en petite forme, les personnes que je te demande de charmer ne te conviennent pas ?

— Non ce n'est pas ça...

— Alors c'est quoi ? Que s'est-il passé au festival pour que tu n'arrives plus à prendre goût à la vie ?

— Justement, je ne sais pas trop... Alors que je regardais le défilé, j'ai cru, l'espace d'un instant, être devenue un simple animal guidé par une pulsion de haine et de colère. Mon corps s'est emballé d'un coup, mais j'ai été arrêtée avant de faire quoi que ce soit... Et bien que ce mystère me taraude l'esprit, je ne dois plus m'approcher de cette personne, j'ai la sensation que ce serait dangereux pour ma vie... Mais...

— Mais ?

— Mais je n'arrive pas à me sortir ses événements de la tête, c'est impossible !

— Tu devrais prendre un peu de repos pour cette semaine, et d'ailleurs, voici ta part pour les petites quêtes que tu as effectuées pour moi, j'ai retiré le prix du loyer pour le mois complet. »

La vielle femme dépose une bourse avec plusieurs pièces d'argent à l'intérieur sur les genoux de la renarde. Cette dernière est rapidement prise par Sharess qui s'éloigne en direction de la taverne sans ajouter un mot, la tête basse. La vielle femme la regarde s'éloigner et soupire un peu.

« J'espère que tu trouveras quelque chose qui te redonne goût à la vie. »

La renarde, déprimée, laisse traîner ses pas vers la taverne. Elle croise à nouveau les trois harpies, mais elle n'a pas le courage de faire un quelconque commentaire à leur égard, ce qui n'échappe pas à ces dames. Les coureuses de remparts se rapprochent de leur comparse à fourrure, voulant jouer un peu avec elle.

« Besoin d'un petit remontant ? On est assez douées, même entre femmes, tu sais...

— Hein ? »

La presque non réponse de la part de la renarde, d'habitude si encline à leur lancer des piques, et à voler leur clients, refroidit rapidement le trio, qui la regarde, dépitée. Elles s'éloignent et cela permet à Sharess de rentrer sans encombre dans la taverne de Perath. À peine a-t-elle posé le pied sur le parquet usé imbibé d'alcool qu'elle se rend rapidement au comptoir et commande de quelque chose de fort.

{ C'est qui cette ange bordel, elle ressemble à... Non non, la personne qui m'a soignée avait l'air d'être une femme-bête, ce n'est pas elle. Pourtant elles ont une odeur similaire... Rahhhh.. si seulement je... }

« Vous devriez essayer la bière, c'est un alcool merveilleux pour ceux qui tirent ce genre de tête. »

Sharess sort de sa torpeur, elle regarde le petit homme assis à côté d'elle.

« Vous êtes ?

— Fhritz, simplement Fhritz, un amateur de bière, et de temps en temps, un chasseur d'informations. »

L'assassin fait glisser une feuille devant la danseuse. Cette dernière la retourne et voit son portrait dessiné grossièrement dessus, et ses yeux s'arrondissent de surprise.

« Qu'est-ce...

— Je serais vous, je ferais attention durant les prochains jours. »

L'homme sourit et ajoute :

« Je peux avoir une bière pour le tuyau ?

— J'imagine que oui. »

Sharess paye alors une boisson houblonnée à l'homme, puis elle ressasse les informations qu'elle vient d'obtenir, se demandant pourquoi un avis de recherche a été mis sur sa tête.

{ Ma vie est-elle en danger ? Je n'ai pourtant froissé personne ces derniers jours. Dire que je suis venue ici pour fuir et ne pas faire de vagues, mais me voilà déjà pourchassée... }

« Monsieur Fhritz, où avez-vous trouvé ce portrait ? Cela m'intrigue.

— Hum ? Oh, je l'ai eu d'un type du gang des libérateurs. Faut dire que leurs têtes valent un petit pactole. »

{ Les libérateurs ? je n'ai rien à voir avec eux... }

« Vous avez une théorie sur la raison qui a poussé le client à mettre cette prime sur moi ?

— Surement pour vous enfermer dans une cage et vous vendre. L'esclavagisme est légion et rapporte pas mal d'argent. Enfin, je dis ça, mais j'en sais rien, je me contente de récupérer de l'or pour consommer cette boisson divine qu'est la bière !

— Merci. »

Sharess s'éloigne rapidement et laisse onduler sa queue à chaque pas. Ses synapses se mettent à carburer à grande vitesse, cherchant des détails dans ses souvenirs qui pourraient justifier tout ceci. Sa vie paisible est maintenant en danger, et elle veut démêler ce bordel avec les libérateurs. Après s'être rendue dans sa chambre, elle se métamorphose pour sa version masculine, et après s'être changée, il sort tranquillement, se faisant passer pour un client. Il se dirige directement vers un quartier dont les rues sont réputées pour être des coupe-gorges.

L'apparence de ce lieu est aussi sinistre que sa réputation. C'est à peine arrivé dans l'une des rues principales qu'un homme se jette sur Nobanion pour le frapper de face. Le renard réplique instantanément, en faisant glisser un pied derrière lui, faisant pivoter son buste pour se mettre de profil. L'homme voit plus ou moins au ralenti le coup qui passe devant le corps de sa cible. Sur son visage, l'incrédulité se dessine, puis finalement le pied qui a bougé se met dans le chemin de la petite frappe, qui finit par tomber tête la première sur le sol. Avec un soupir, l'homme animal relève son assaillant et lui met quelques baffes pour le réveiller.

« Hé...

— Arrêtez de me frapper... J'ai pas d'argent, j'ai une f...

— Ça ne m'intéresse pas, je veux...

— Noooon, non, je ne veux pas finir en esclave !

— Mais qu'est-ce que...

— Vous n'êtes pas un rafleur ?

— Gné ?

— Vous... Vous voulez quoi ?

— Savoir où je peux me renseigner sur les gens qui capturent des innocents pour faire leur beurre sur leur misère.

— Le mieux, c'est encore le marché des merveilles... »

Noba relâche l'homme qui soupire de soulagement. Il tourne les talons et repart sans un mot, laissant son assaillant encore étourdi dans la rue. Grâce à cette petite conversation, le renard sait où chercher, et c'est guidé par cette précieuse information qu'il part visiter ce fameux marché, là où selon les dires de certains de ses clients, tout peut être trouvé, d'un esclave à la plus belle des robes, d'un minerai rare aux armes les plus puissantes. Tout semble être une monnaie d'échange, même son âme.

L'ambiance change totalement lorsque l'homme arrive devant la large porte qui sépare le district du marché. C'est une zone hautement gardée, surtout en comparaison des bas quartiers, et même au sein des allées zigzaguant entre les étales, des soldats font des rondes, lourdement armés. La raison de cette présence militaire est facile à deviner, quartier adjacent à la capitale et au district, il est la plaque tournante du commerce local, et le théâtre de la filouterie des bandits, profitant de la cohue pour masquer leurs méfaits. En dérivant dans les petits passages, on peut facilement entendre le cri des différents marchands, qui, comme des poissonniers, hurlent les mérites de leur marchandise, tentant d'attirer le chaland par tous les moyens. Totalement absorbé par l'ambiance, Nobanion se met à siffloter en levant la tête, laissant ses pensées s'évader. Son regard croise momentanément celui du soleil, et alors qu'il ferme les yeux, il se met à sourire niaisement. À cause de la teinte particulière de l'astre solaire, il se remémore alors les cheveux dorés, et comme un déclencheur, d'autres images s'imposent à lui.

L'odeur de lotus commence à lui emplir le nez, puis une silhouette se forme devant l'homme, le corps nue d'une femme avec une peau de porcelaine, ne laissant apparaître comme trait distinctif qu'une queue de renard dorée et de longs cheveux qui descendent en cascade de la même teinte métallique. Les mains de Noba se lèvent et se rapprochent de la demoiselle en tenue d'Eve devant lui, ses doigts effleurant sa peau de nacre, qui frissonne légèrement à son contact. L'épiderme sensible rougit alors que le glissement de la griffe se fait plus appuyé, tandis qu'une boule de feu se consume dans la région du bas ventre du fanfaron. Sa main agrippe rapidement la queue de la renarde, et cette dernière se cambre d'un coup avant de se tétaniser, sous le regarde fiévreux de l'homme. Il sent la douceur des poils, la chaleur irradiant de son corps et le battement affolé de son cœur au travers de cette prise, qui fait monter en lui un désir que même lui ne peut réprimer, mais lorsqu'un vent frais se lève et balaye cette visions idyllique, il sort brutalement de son fantasme. L'homme baisse rapidement les yeux sur ses vêtements et frissonne en ajustant les pans de son manteau bordeaux.

{ Bordel, concentre toi, t'es pas là pour... }

Mais la sensation de bien-être vient contrebalancer ses pensées et sa raison, lui ôtant le peu de contrôle qui lui restait, il laisse alors la situation dégénérer, ne voulant pas couper ce plaisir rare.

{ Il faut que je la revois... Je dois me débarrasser de cette obsession pour elle... Et comme pour chaque obsession, il suffit que je joue un peu avec elle. Personne ne me résiste et je me lasserais assez vite... Comme toujours. }

La fierté de Noba prend le dessus et il oublie la raison première de sa venue. Simplement obsédé par son idée, il se met à rechercher des habits élégant pour entrer frauduleusement dans le bal de la citadelle, persuadé que la femme y sera exhibée tel un trophée par la famille royale...

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