UN SOU EST UN SOU (seconde partie)
- Tu ne peuxpas quitter l'école sans avoir un métier. Sinon, qu'est-ce que tu vas faire de ta vie ?
- J'en ferai ce que je voudrai. Je veux travailler pour avoir mon argent puisque toi, tu ne veux rien me donner !
Les échanges avec ma mère se terminaient toujours par une dispute.
Finalement, j'acceptais de préparer un C.A.P. après la classe de troisième.
A dix-sept ans, mon diplôme en poche, je décrochais un premier emploi. Ma mère voulut que j'organise ma vie selon ses principes.
- Isabelle, quand tu auras ton salaire, n'oublie pas de faire des économies, c'est important. Mets un peu d'argent de côté chaque mois. Il faut faire attention maintenant et tu auras tout ce qu'il te faut pour plus tard.
- Bla bla bla, bla bla bla...
Les économies, ce n'était pas pour moi !
Mon premier salaire fut vite dépensé en vêtements, chaussures, sac à main, maquillage. J'avais tellement d'envies que le montant de mes revenus paraissait ridicule. Pendant les six mois qui suivirent, je dépensais tout mon argent au fur et à mesure.
C'est alors que ma mère vint me voir et me parla d'un ton grave :
- Isabelle, ton père et moi avons de gros problèmes en ce moment. Cela m'ennuie, mais il faudrait que tu me verses une pension tous les mois. Cela nous aiderait.
- Quoi ? Une pension ?
- Oui. Disons un tiers de ton salaire. De toute façon, ici tu es logée, nourrie, blanchie et c'est normal que tu participes.
Je tentais de discuter sur le principe, sur le montant, mais je n'eus pas raison. Je dus m'exécuter chaque mois.
En mon for intérieur, je décidais de partir le plus vite possible afin d'échapper à cette exploitation.
En cherchant un logement, je découvris le montant des loyers. De plus, les agences immobilières me réclamaient le versement d'une caution.
Après quelques hésitations, je me résolus à solliciter ma mère.
- Maman, pourrais-tu me prêter un peu d'argent s'il te plaît ? Je te le rendrai vite.
- De l'argent ? Pour quoi faire ?
- J'ai trouvé un logement et il faut verser une caution : trois mois de loyers.
- Qu'est-ce que tu crois, que je peux te prêter de l'argent ? D'ailleurs je n'en ai pas ! Economise pendant quelques mois et tu pourras payer ta caution.
- Mais toi, tu en as de l'argent, depuis le temps que tu économises. Tu pourrais m'en prêter !
Je sortis en claquant la porte et je boudais pendant plusieurs semaines.
Deux ans plus tard, je m'apprêtais à quitter le logement familial. J'avais appris à faire des économies, pour payer ma caution et m'acheter quelques meubles.
Le jour de mon départ, ma mère me remit un livret de caisse d'épargne à mon nom.
Je découvris qu'elle avait ouvert ce livret depuis ma naissance. Chaque mois, elle y déposait une petite somme. Quant aux pensions que j'avais versées, elle les avait toutes mises sur le livret et je me retrouvais à la tête d'un petit pécule.
Ce jour là, j'eus honte d'avoir mal jugé ma mère. Pendant toutes ces années elle avait économisé, pour chacun de ses quatre enfants afin de leur assurer un bon départ dans la vie.
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