« Il dort. »

Les prêtres l’avaient allongé dans le temple, sur un lit façonné dans le tronc vivant d’un arbre enchanté. Sur son front reposait une couronne de fleurs.

Les yeux clos, le visage paisible, le jeune homme défiait la mort par sa seule existence : une vie suspendue à la frontière des deux Royaumes.

Les années s’écoulèrent. On oublia le Sorcier, la Malédiction et les Prophéties. Un à un, les prêtres vieillirent et quittèrent ce monde, sans jamais être remplacés.

Le temple déserté tomba en ruine, envahi par les lianes et les fleurs sauvages. La région s’appauvrit, puis se vida des hommes.

L’Histoire se fit Légende, et la Légende sombra dans l’oubli, reléguée aux livres pour enfants et aux récits murmurés par les vieilles femmes qu’on ne croyait plus. Mais elles, elles savaient.

Erlina n’avait pas oublié. Encore nourrisson lorsque le dernier prêtre — son protecteur — quitta la vie pour rejoindre l’Au-delà, elle conserva précieusement les mots de la Prophétie et les confia un jour à son petit-fils :

Il dort sous l’arbre vivant,
Couronné de fleurs éternelles.
Quand viendra celui au cœur sincère
Et au sang lié aux deux mondes,
Son baiser brisera la malédiction.
Alors renaîtra l’espoir… ou la guerre.

Lyrian écouta ces mots, les yeux pleins d’étoiles et le cœur battant. Il se jura alors de devenir assez fort et assez sage pour retrouver le Temple Oublié.

Les années passèrent. Devenu adulte, silencieux et réfléchi, formé à l’Académie des Guerriers, il partit sur les routes, obsédé par la quête de Celui qui dort.

Il traversa déserts et océans, écuma les bibliothèques, étudia chaque manuscrit évoquant la Légende. Des mois, des années de recherches s’écoulèrent… jusqu’au jour où il découvrit les marches dorées du Temple, dissimulé sous la végétation.

Le cœur battant, Lyrian écarta les lianes et pénétra dans la salle principale. Là, sur un lit de fleurs, intact et immobile, reposait le garçon endormi. Ses longs sourcils noirs ombraient ses joues dorées ; un sourire léger fleurissait sur son visage divin.

Son corps était drapé d’une simple tunique blanche, brodée de fils d’or.

Les larmes aux yeux, Lyrian déposa un baiser hésitant sur son front, craignant de le briser…

Alors, les paupières du garçon frémirent.

Ses yeux noirs, profonds et d’une douceur incommensurable, s’ouvrirent et croisèrent les prunelles émeraude de son Réveilleur.