Journal de Mohana : dernier extrait

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Journal de Mohana : dernier extrait

An 51, saison des herbes, troisième jour

C’est finit.

La seule chose qui importait vraiment à Ganesh, c’est ce fichu commerce de soie, sans que je ne puisse comprendre pourquoi. De toute façon, je me fiche du pourquoi, tant qu’il a perdu ce qui lui était le plus cher.

Ça n’a pas été facile. Il a fallu détourner la route des marchandises, intoxiquer la nourriture des vers à soie pour les tuer, pousser les couturiers et les tisserands à travailler pour quelqu’un d’autre.

Il a fallu se lever chaque matin, même si mon coeur tombait en lambeaux, s’armer de patience et écarter les obstacles de mon chemin, ignorer la douleur qui me brûlait la poitrine.

Il a fallu vendre presque tous les meubles, emprunter de l’argent aux amis de Ganesh, et au final, il s’en est allé, loin, me laissant seule avec nos dettes. Son espoir de retrouver sa grandeur passée, d’être à nouveau au sommet du commerce, s’est effritté, et il m’a abandonnée dans notre substitut de maison, préférant se terrer quelque part près de Mueang Payok – c’est là-bas que je l’ai aperçu pour la dernière fois, lorsqu’il m’a annoncé qu’il me quittait.

Je n’ai ni pleuré, ni supplié, ni regretté quoi que ce soit.

À la place, j’ai rempli la bagnoire d’huile, plié un à un mes vêtements. Plongé sous le liquide jaunâtre et gratté une allumette.

Maintenant, au moins, la souffrance brûlante qui me dévorait de l’intérieur peut enfin terminer son œuvre et s’attaquant à mon enveloppe.

Je sens que je pars. Mes particularités s’envolent hors de moi et se dispersent un peu partout dans le monde, chez des filles au hasard, serpents, ombres, fantômes. J’enfouis la dernière au plus profond des élues, sachant que les morts méritent de trouver la paix et que certains doivent être oubliés. Je leur murmure des mots rassurants qu’elles n’entendent pas, je leur donne l’adresse de la Crypte pour qu’elles puissent nous retrouver, même si je sais qu’elles ne peuvent pas m’écouter. Je leur apprends à craindre les reptiles, à vouloir rester loin d’eux pour qu’elles n’aient pas à ressasser continuellement son abominable chant.

Le Roi Serpent s’est enfin tu. Je ne perçois plus son horrible litanie, sa prophétie incessante.

La flamme grandit mais moi, je m’éteins.

Le feu m’engloutit toute entière, engloutit le papier, engloutit les pages de ce cahier que mes parents m’ont acheté et change les récits de ma vie en confettis de cendre. Il mord ma main, mais je m’efforce ne pas lâcher mon calame.

Je ne peux plus écr

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