— Billet 9
J’ai des secrets que je ne lui dis. Des secrets terribles, honteux, comme nous en avons, tous et toutes. De ces idées que l’on voudrait s’arracher, s’extirper, mais qui sont là, existent, nous appartiennent, comme os, peaux, sourire, amour. Le sombre, le poisseux. Sous la lumière de nos êtres, des recoins, cavités, chacun, chacune. Nos humanités.
Le pire de tous mes maux, ce sont ses songes où elle disparaît.
Elle disparaît avant moi, et je dois vivre son absence.
Si cela arrivait, et je le vois arriver, encore et encore, j’embrasserai ses lèvres froides et bleues. Je nicherais tous ces billets cueillis sous ses cheveux, sa nuque, ses épaules— et même au-dessus. Je l’ensevelirais de mon amour, et lui rendrais tout, pareil.
Je ne voudrais plus qu’elle m’habite.
Cette idée, ce songe, me dégoûte. Une fièvre. Et tous ces détails qui durent, tout ce rituel imaginé et pareil.
Le plus terrible n’est pas le songe.
C‘est ce qu’il pourrait dire de moi.
Un trait qu’il dessinerait, que je ne veux surtout pas voir.
Parfois, j’aimerai que quelqu’un me dise comme de rien, qu’il entend cela, que c’est oublié, pardonné et chose qui existe en-dehors de moi. J’aimerais, oui, quelques mensonges comme cajolerie.
Dans le grand silence qui suit, je me répare comme je peux.
Mécanique des gestes, odeurs des grains de cafés qui s’écrasent, le ciel et les oiseaux par les petits carreaux de la fenêtre.
Je me dis alors, elle aussi en porte, et je dépose parfois un baiser papillon léger sur sa joue, chaude.

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