1er octobre 2025

Les hommes portent la moustache comme on porterait ses titres de noblesse. Elle est un apparat, une gloire, un privilège.

La moustache a son histoire. De la Gaule à l'empire du Levant, elle est effilée ou en brosse, mince comme un pinceau, ou parfois même frisée.

La moustache est un ornement; elle s'entretient. Elle relève de l'art; on la peaufine jour après jour.

Elle ne convient pas à tout le monde, mais elle est portée par des cerveaux dégarnis comme par des adolescents maladroits.

Elle pose son homme.

Mais quel homme ?

La moustache est partout. A droite, à gauche, de droite, de gauche. Elle participe à la confusion des goûts et des couleurs. Elle conserve son côté historique et pourrait porter le nom de quelque grand homme selon la forme et le style qu'on lui donne, mais elle se prête à des revendications très diverses.

La mode est au saut dans le futur comme au coup d'oeil en arrière. Les héritiers lointains et confus de Mai 68 l'arborent tout comme les amoureux du terroir.

La moustache relève de la confusion. Un mélange de virilité, de dandysme (quand bien même il semblerait ouvrier), de curiosité, d'art et d'essai. Elle a quelque chose d'éphémère, un brin de solitaire et un charme de bon ton.

Les hommes sont souvent disputés pour leur cravate ou leur absence de cravate. Mais la moustache est à la fois plus discrète, personne ne s'en inquiète quand elle n'est pas là, et plus majestueuse.

Le milieu estudiantin s'y retrouve bien. Habillée en frippes, mais grande dame, la moustache semble tirer la misère au soleil et donner une touche d'esprit aux esprits laborieux.

Au milieu de toutes les modes, la moustache en est une sans en être. Qui pourrait dire ce qui l'amène ? Une rupture amoureuse ? Un décès ? Une passion subite pour un sujet obscur ?

Elle a l'embarras du choix, et du prétexte. Elle semble être aux hommes ce que la chevelure est aux femmes. C'est une parure, et la première victime des états d'âmes tourmentées.