Liberté

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"Est-ce que vous sous-entendez qu'Alice m'aime encore ?

-Bah pas l'abruti que vous êtes devenu, l'écrivain un peu paumé que vous étiez par contre oui, elle l'aimera toute sa vie. Mais elle en a fait le deuil, comme beaucoup de vos amis !

-Qu'est-ce que ça veut dire ?

-Que vous êtes un abruti.

-Ce n'est pas drôle

-Mais je suis tout à fait sérieux, je suis la mort, j'ai jamais été très fun comme truc ! Pourtant j'essaie, je sais pas pourquoi, chez vous les européens, ça ne passe pas. Les Vaudous m'adorent pourtant...

-Vous feriez quoi à ma place ?

-Je suis la mort et vous me demandez ce que je ferai si j'étais mortelle ? Bah mon gars, on aura jamais assez de temps de massage cardiaque pour cette thèse philosophique !

-Pas en tant que mortel, en tant que moi, Stephane Lefevre, avec ma vie, mon futur.

-Oui bah ça revient au même, je suis immortelle, je suis pas la chose la plus adaptée pour vous expliquer comment vous n'auriez pas dû ou ne devriez pas gâcher les années comptées d'une vie de mortel

-Bah si pas vous, qui ?

-Bah d'autres mortels, vous êtes cons ou vous ne m'écoutez pas ?

-Je ne crois pas qu'il y ait un seul humain sur cette terre capable de m'apprendre comment aimer et optimiser sa vie de mortel

-Un seul, probablement pas, un petit milliard certainement plus

-Ah oui ! Rien que ça ! Vous exagérer un peu tout de même ! Je le trouve où ce milliard ?!

-Si vous le cherchez à l'échelle d'une société, pas dans la votre, pour commencer. Je ne sais pas moi, cherchez des peuples, des tribus, des clans qui soient des Hommes libres, les animaux ne se torturent pas avec autant de questions que vous, vous savez

-Libres ? Vaste programme...

-Et puis, à défaut, même dans votre société, quelques humains sont libres vous savez ?

-Et c'est ça le bonheur ? La liberté ?

-Pas forcément. Mais sous le joug d'une soumission, aucun être vivant ne peut savoir ce qui le rend heureux."

Silence.

"Oh bah merde ! Je suis méga philosophe en fait ! s'esclafa la mort. Bon c'est pas tout mais qu'est-ce qu'on fait ?"

Il n'en sait rien de ce qu'il fait Stephane, il pense. Il croyait qu'il était un homme libre, mais le passage de sa vie de père et ce discours sur la liberté lui font prendre conscience qu'il a suivit un mouvement sans ne s'être jamais demandé s'il était en accord avec. Rien d'extraordinaire sous le soleil. Il se dirait bien que tout est gâché maintenant et après tout, ses enfants seront apparemment très heureux sans lui. Dans le monde réel, le bruit de l'ambulance résonnait au fond de la rue, si son corps ne survit pas au transfert, il ne lui reste plus beaucoup de temps. Il est temps pour Stephane de se décider. Vite.

"Vous pouvez me montrer ?

-Votre futur ? Nan je peux pas y'en a 2 millions 478 milles 986, impossible.

-Non des peuples libres

-Ah ça oui, je peux."

En une fraction de seconde, la mort lui fit défiler les images en temps réels de peuples à travers le monde, Stephane y ressentit toutes les émotions qui avaient déjà traversées sa vie, mais il y avait une sensation unique, qu'il ne connaissait pas et qu'il était incapable de décrire. Quelque chose qui ne s'apprend pas. Quelque chose l'attirait inexorablement, comme si toute son âme vibrait aux chants de ces images, il comprit.

"Je veux aller là-bas

-Bah c'est-à-dire que là je vous ai montré la terre entière puis en plus vous êtes pas Doctor Who, là vous êtes entre la vie et la mort sur de l'asphalte, pas dans un tardis.

-Si je meurs, je peux voyager là-bas ?

-Pas en paix non, en paix vous vous diluerez dans le tout, l'univers, vous pourrez aller les voir mais vous ne ressentirez jamais tout ça avec votre âme de mortel. C'est la combinaison de l'instantané du temps et de la connaissance de son caractère unique qui fait qu'une âme peut vibrer aussi fort.

-Donc il faut que je sois humain.

-Wala, humain ET Humain, bon là, à l'oral, vous saisisez pas la subtilité, mais il faut que vous soyez Humain là-dedans, dit la mort en montrant son corps, et là dedans, dit-elle en le montrant lui, son âme.

-Ok j'y retourne.

-Vous savez que ça fait 7 minutes que vous êtes en massage cardiaque ?

-Et ?

-Aucun corps n'aime tenir 7 minutes en massage cardiaque, pas sûr que vous vous en sortiez là. Allez on se fait un deal ! Du coup, je te tutoie. Je te donne un petit coup de pouce mais d'ici 1an ou deux tu me fais un petit topo sur ta vie ? Genre un bouquin sympa que je pourrais lire de là-haut ?

-Vous êtes la mort, vous êtes pas omniscient ?

-Alors déjà je suis pas un dieu, j'en n'ai même jamais rencontré aucun et ce sont les anges qui s'occupent des vivants, j'ai déjà bien assez de taf à moi toute seule, merci.

-Ok, ça me va bien comme deal

-Chouette, j'aime bien les sales cons comme toi. Je te préviens, ça va être douloureux. Bonne route Stephane."

Petit à petit, l'âme de Stephane sentit des opressions la cloisonner, la peser, l'enfermer, il avait déjà oublié, puis la douleur, vive et violente, la cage thoracique écrasée, il devait avoir plusieurs côtes cassée, les hanches lui faisaient aussi extrêmement mal, les jambres lui semblaient mixées dans un broyeur, il avait la sensation d'être passé sous un rouleau compresseur, et ce massage cardiaque était tellement douloureux...

"J'ai un poul !"

Le médecin qui avait pris le relais depuis moins d'une minute hurla à l'ambulance alors que le respirateur venait tout juste d'arriver à côté du corps, Jean était à côté du chauffeur de taxi et à cette annonce, ils reprisent leur souffle, coupé depuis 7 minutes et s'effondrèrent en larme, en se serrant dans leur bras.

Les policiers étaient arrivés aussi et avaient cadré la zone.

"On dégage à l'hopital !" annonça le médecin.

Un policier d'approcha des deux hommes sous le choc

"On va se mettre sur le côté et libérer la route s'il vous plait, restez là, je vais prendre votre déposition. Y a-t-il de la famille à prévenir pour qu'ils aillent le rejoindre à l'hopital ? On le transfert au CHU"

Alors là, bonne question, Jean ne savait absolument pas s'il devait prévenir Alice. Peut-être pas tout de suite, Marie serait plus adaptée que lui à cetté décision.

"Peut-être pas tout de suite Monsieur l'agent

-Vous connaissez la victime ?

-Oui c'est mon meilleur ami, il venait de sortir de la maison.

-Très bien, c'est vous qui le sentez. Je vous emmène au poste tous les deux. La dépanneuse vient récupérer votre taxi monsieur."

Pendant ce temps, Stephane avait été placé sur un brancard et monté dans l'ambulance, le médecin monta à l'arrière accompagné d'un infirmier, l'ambulancier remonta à la place conducteur, démara, et partit dans ce qui semblait être une autre réalité pour Jean.

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