L'Enfer.

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Elle est là, assise. Ses jambes se balancent dans le vide. Son visage, d'un blanc immaculé jure avec ses iris bleu océan. Ses cheveux sont platines, presque irréels. Ils viennent lui chatouiller le bas des reins. Aujourd'hui elle s'est faite belle. Elle porte une jolie robe blanche, si vaporeuse qu'elle s'envole avec le vent. La gamine doit avoir dans les 900 ans, un déjeuner de soleil au royaume des anges. Là-haut, pour éduquer la marmaille on montre ce qui est bien et ce qui ne l'est pas. La théorie du Bien et du Mal. Du blanc et du noir. Où le gris n'a pas sa place. Alors, comme convenu depuis Adam et Eve, l'Enfer est considéré comme le Mal. C'est le lieu idéal pour l'apprentissage. Tout passe par l'observation et à vrai dire, cela suffit. Non pas que ces têtes blondes aient les méninges plus huilées que les nôtres, humbles êtres humains. Juste que la vision des horreurs de ce bas monde suffit amplement à convaincre les angelots qu'il faut répandre le Bien. Alors, plusieurs fois par millènaire s'organise des classes blanches dans les écoles, pour les élèves qui ont plus de 900 ans. Où un petit détour au pays des Hommes se fait parfois. Concernant ce dernier, les anges les plus ouverts parlent d'un entre-deux. D'un gris dérivant tantôt vers le noir, tantôt vers le blanc. C'est avant tout le lieu où les âmes corrompues sont à vif. Ce sont des éponges à émotions recouvertes d'une couche protectrice dont l’esthétique varie selon le temps qui passe. Leurs vies sont si éphémères qu'un battement de cils plus tard, ils ne jouent plus au papa et à la maman. Ils le sont.


Mais reprenons l'ascenseur de ce vaste univers car, au premier étage se prépare un voyage. Et l'enfant décrite précédemment attend toujours. Elle a une moue impatiente quand enfin l'organisatrice bat des ailes, se projetant au dessus de tous. Là, la gamine ouvre de grands yeux gourmands de chaque plume qu'à cet ange. Elle aussi elle voudrait avoir de si belles ailes. Mais pour cela il faut avoir un cœur pur. Ce qui n'arrive pas avant 3000 ans pour les plus sages d'entre eux. Elle passe sa main dans son dos et touche du bout des doigts les racines de ce qui la fera planer. Encore petites et juvéniles elles ne peuvent mêmes pas se rétracter. L'angelot utilise sa crinière pour masquer ce que les grands ironisent et appellent « les cornes du Diable ». Son cœur cogne fort dans sa poitrine dès qu'elle pense à ce nom. Comme quoi, cette éducation donne de bons résultats.


Soudain un mouvement de foule l'entraîne vers l'avant. La petite n'a rien écouté à tout ce que l'organisatrice a dit, mais tant pis, ça lui donnera l'occasion de découvrir tout cela par elle même. Elle est émerveillée par son nouvel environnement, et d'ailleurs, elle trouve qu'il n'y fait finalement pas si chaud que ça, tout en bas. Tout est magnifique autour d'elle, comme l'herbe bien verte et remplie d'une multitude de petites âmes. Les arbres qui s'élancent haut dans le ciel et es oiseaux qui chantent une mélodie, perchés sur les branches du plus splendide d'entre eux. La gamine fronce les sourcils, et se demande tout en lisant la brochure du voyage si les Enfers sont bien censés avoir cette apparence si luxuriante. Mais à peine se lance-t-elle dans la lecture, qu'une scène en face d'elle la convainc du lieu. Un être minuscule doté de quatre pattes se couche, il semble attendre quelqu'un ou quelque chose. Il a un lien autour du cou qui le maintien attaché à une barre en fer. Il est d'une maigreur incomparable. La petite fille retient une larme. Elle est tombée de si haut que même si elle avait eu des ailes, son esprit se serait tout de même brisé dans la chute. L'ange qui supervise garde le même faciès impassible. Ses yeux ont du voir toute l'horreur possible pour ne pas s'humidifier grandement en voyant cet être si fragile. Le petit groupe continue sa route, en quelques instants les voilà dans un bâtiment immense. Il y a des dessins sur les murs et une odeur forte d’ammoniaque. Tout ça finit par faire changer d'état le nuage sur lequel elle était auparavant. Elle suit le groupe, montant les marches de pierre en se bouchant le nez. Arrivée sur le palier, l'organisatrice ouvre la porte. Tout le monde entre. L'angelot sursaute de surprise. La pièce comporte peu de meubles. Et les personnes qui y sont semblent tristes. La femme pleure en cuisinant pendant que les enfants jouent ensembles, sans bruit ni sourire. Comme le petit être tout à l'heure, leurs os sont saillants, transparaissant leurs vêtements fins. La dame appelle sa descendance à manger, leur servant une minuscule portion à chacun et rien pour elle. Elle ouvre un frigo vide et y met une bouteille d'eau, tout en chuchotant amèrement :


- Il faut bien qu'il serve à quelque chose.

L'angelot sur le même ton sort un « L'Enfer est pavé de bonnes intentions » à peine audible. Tout prend sens en elle. Du moins, elle le croit.


L'ange les presse vers la sortie et ferme la porte, ils descendent et arrivent dans la rue. Ils marchent assez longtemps cette fois-ci. Ils arrivent vers de belles maisons. La superviseure ouvre un portillon qui grince quand elle le pousse. Derrière celui-ci se cache une bâtisse plus que respectable. La petite fille ne pensait pas qu'il existait différentes conditions sociales en Enfers, mais cela ne l'étonne pas. Son jeune âge lui faisant accepter de telles choses sans questionnement particulier. Car peut-être sont-elles trop immenses pour elle.


La porte d'entrée, une fois ouverte, donne sur un salon richement décoré. L'odeur des bouquets de roses viennent chatouiller les narines du petit être céleste et l'apaise grandement. Ils montent l'escalier qui mène à l'étage. Le parquet craque sous les pieds des élèves, ayant le pas pourtant léger. Ils arrivent tous dans une chambre où une femme pleure. Encore. Les émotions de notre ange en devenir sont de nouveau perturbées. La dame découvre ses épaules qui portent des tuméfactions multiples. Au même moment, en bas, le bruit sourd d'une porte qui se ferme se fait entendre. Rapidement des pas suivent, signifiant que la personne est en train de monter. Et enfin le sol qui émet des bruits stridents comparable à ceux d'os brisés. La créature s'approche. Et maintenant elle est là. La petite fille s'aperçoit que c'est un homme quand il passe à travers le corps d'un élève. Sans le voir. Il s'approche brusquement de la femme avec des yeux sombres. Il lui attrape le poignet et de son autre main il s'accroche à ses cheveux. Il plaque son visage au sol. Elle éclate en sanglot le suppliant de la lâcher. Les coups pleuvent sous le sourire de l'homme aliéné. En cœur, les angelots crient puis hurlent en détournant leurs visages. L'organisatrice met son index sur sa bouche et tout disparaît, ils sont de nouveau dans les airs. Elle dit calmement :


- Vous voyez pourquoi il faut faire le Bien désormais ? Le Mal est partout malheureusement, mais il ne doit enivrer le Paradis. Lucifer a déjà été une trop grande perte.

La petite fille, encore choquée, prend son courage à deux mains et parle tout haut:


- Pourquoi l'Enfer a été créé ? C'était horrible tout ça.

- Mais mademoiselle, nous étions sur Terre à l'instant. répond l'ange avec un sourire doux.

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