La Mue
Ça commence par te démanger.
Ton corps tout entier t’insupporte. Aussi, tu penses pouvoir résister. Mais, le lendemain, tu craques. Ton corps comme ton esprit.
Frénétique, tu déchires, parcelle après parcelle, la mince pellicule qui te recouvrait. Sous la pression de tes doigts, ton épiderme s’étire, se déchire. Tes ongles charrient tout sous leur passage. Poils, tâches de son, rougeurs, boutons, lésions, moirages et autres petits défauts qui te définissaient comme tel.
Enfin, débarrassé de toi, tu constates, hébété, qu’un cuir nouveau a pris ta place. Tu découvres une pigmentation en tout point étrangère à tes propres gènes. Désormais, la tienne.
La Mue vient de t'atteindre. Elle en touchera d'autres demain. Cette pandémie ne tue pas. Elle change juste les apparences. Hommes de couleur en peuples diaphanes, occidentaux à la peau d’ébène… Et ça change tout.
Aujourd’hui, tu es un “ dégénéré”. C'est comme ça que tu les appelais, n'est-ce pas ? Avant la Mue. L'attribution d'un autre toi.
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