Le conte du sang
Après l'invitation du conteur, la salle fut parcourue de murmures. Comment passer après un tel succès ? Beaucoup espérait une autre histoire, mais personne n'osait. Jusqu'au moment où l'elfe noir ouvrit la bouche.
- J'en ai une, lâcha-t-il d'une voix grave.
Les regards se tournèrent vers lui. Avec sa peau matte et ses cheveux blanc, son origine ne laissaient aucun doute : les elfes noirs vivent sur Noctassa, un monde directement relié à Lurim. Il avait des traits fins mais le regard dur de ceux qui savent vivre dans les sombres et hostiles forêts de ce s territoires. Le jeune barde pria l'elfe noir de se présenter.
- Je suis Ynil et, comme vous l'avez sûrement remarqué, je viens de Noctassa, plus précisement de l'Alliance de Teraborsilk. Je ne m'attends pas à faire aussi bien que notre ami précédent et je n'ai pas de sable ensorcelé, mais j'espère que vous apprecierez mon histoire. Généralement vous connaissez mal mon monde et, pour cette raison, il est probable que vous ne connaissiez pas le conte de la dame de sang.
Ceux qui voulait écouter s'assirent et le conteur précédant laissa sa place. L'elfe noir s'asseya sur une table.
- Dans mon monde, il y a des elfes noirs, comme moi, ainsi que des vampires. Nous échangeons souvent à propos d'art ou de science et nos peuples sont très liés. Si bien qu'il n'est pas rare de voir des unions entre habitants des forêts et seigneurs des châteaux. Je vous vois, monsieur, qui faites la grimace. Oui vous ! Je sais que ce n'est pas courant chez vous, pourtant j'ose espérer qu'un jour il en sera de même ici et que vous pourrez épouser une lutine !
L'homme s'empourpa sous les rires des auditeurs et se tue. Le Noctassien continua.
- Or, notre histoire concerne une jeune hybride, née d'un père elfe noir et d'une mère vampire et répondant au nom de Särra. Comme je le disais, chez nous c'est assez courant. Dans ces cas, il arrive, même si ce n'est pas la majorité cependant, que les hybrides contrôlent une magie propre aux vampires : la magie du sang. J'ignore si vous savez ce dont il s'agit...
La foule ne semblait guère très renseignée, juste une jeune femme rousse, en âge d'être étudiante, leva la main et répondit :
- C'est une forme de magie qui permet de maîtriser le sang. Cependant les vampires, en utilisant cette magie, perdent leur propre sang. Ils ont donc besoin de le régénérer en en buvant.
- Exactement, acquiesça Ynil. Cela fait plaisir de voir une connaisseuse. Comprenez donc que les vampires ne boivent du sang que par nécessité. Ils tuent rarement, ils préfèrent prélever. La mère de Särra possédait cette magie. Très vite, l'enfant hybride fut fascinée par cette magie, par laquelle sa mère dessinait quelquefois des formes rouges dans l'air. Lorsqu'elle grandie, elle devint belle et intelligente. Elevée dans une famille aimante, elle ne manqua de rien. Enfin, de presque rien. La magie du sang ne se révela jamais chez elle. Cela l'obséda. Les pouvoirs de sa mère étaient le trésor qu'elle ne pouvait avoir. Elle résolue de découvrir comment acquérir ces pouvoirs. Par tous les moyens nécessaire.
Il avait réussi à intéresser son public, la jeune étudiante prenait même des notes.
- Elle pensa qu'il lui manquait tout simplement du sang. Elle s'en procura donc en chassant. Ses dents étaient pointus, mais moins que celle d'un véritable vampire, elle devait donc tuer sa proie et ne pouvait pas simplement prélever le liquide désiré. Tout vampire a un code stricte pour la mise à la mort d'un animal. Il doit le regarder dans les yeux, le tuer d'un seul coup, sans faire souffrir, réciter une rapide prière. Särra se soumit à ce code. Elle but le sang. Mais cela ne servit à rien. Elle se dit qu'il lui en fallait plus. Elle chassait davantage. Elle tua, de plus en plus. Et de moins en moins elle respectait le code des vampires. Ses parents la mise en garde sur les dangers d'une telle conduite. Son père lui rappela qu'elle trahissait sa nature d'elfe noire, car elle se tournait uniquement vers son aspect vampire et abandonnait tout respect de la nature. Sa mère, de même lui dit que le code n'était pas là pour faire beau et qu'il faut respecter la nature si on veut qu'elle nous respecte. Mais Särra était hantée par l'idée d'obtenir cette magie. Elle s'obstina. L'histoire a des variantes, mais on raconte qu'elle s'attaqua même à des vampires en se disant qu'avec un sang vampirique, elle aurait plus de chance de succès. Au grand damn de ses parents, elle se fit banir. Elle vécue en forêt, seule. Sans cesser les meurtres. Au contraire, elle redoubla d'effort et de violence pour récupérer cette magie qui lui faisait défaut et prouver qu'elle avait eu raison.
Ynil laissa le silence donner du poids à ses mots, puis reprit.
- Cependant ces morts étaient inutiles. Alors, un jour qu'elle se baignait dans un lac, la malédiction frappa. Ses cheveux devinrent rouges et liquides, comme pour faire resurgir tout le sang qu'elle avait versé. Elle fut du même coup enchaînée au lac et resta isolée loin du monde. Cette malédiction, c'était celle de Käakarga, la protectrice de l'Ordre de la nature, qui l'avait tenu à l'oeil.
L'elfe fit une pause, pour laisser redescendre la tension, puis conclua :
- Aujoud'hui encore, on dit qu'on peut la voir errer dans un des lacs du nord de Noctassa. Personne n'oublie cet exemple qui rappelle que nous sommes liés à la nature comme elle est liée à nous. Si on la trahie, elle nous abandonnera. Si nous ne respectons pas la vie, alors cette dernière nous quittera. Voilà la leçon de la Dame de sang.
Annotations
Versions