Le raid
— BORDEL ! Préviens les autres !
Les cris des soldats s'éloignèrent rapidement derrière Fox tandis qu'elle enfonçait l'accélérateur à fond. La jeep bondit sur la route poussiéreuse, cahotant à chaque irrégularité du terrain. Elle avait réussi. Le cœur battant, elle jeta un coup d'œil dans le rétroviseur. Un des soldats essayait de lever son fusil, mais elle zigzaguait violemment, soulevant un rideau de poussière qui gêna sa ligne de tir.
Ils n'avaient pas de véhicule de rechange. Elle était sauvée !
Le paysage défila devant elle. Des maisons en ruines, des arbres morts, ce qui autrefois dut être une campagne environnante aux abords d’une cité prospère n’était plus qu’une morne terre, sans âme qui vive. Les minutes devinrent des heures et le soleil dans son dos, commença à décliner. Ils avaient donc roulé longtemps, plus qu’elle n’aurait cru.
Enfin, au loin, les contreforts de la ville apparurent.
Bientôt, elle serait en zone connue. Elle devait juste tenir bon… et freiner à temps pour ne pas se crasher. Guider un véhicule avec une telle puissance et les mains menottées, c’est comme jouer à la roulette russe et la moindre erreur lui vaudrait une envolée dans le décor. En pénétrant au milieu des premiers squelettes de bâtiments, elle ralentit légèrement. Elle fut un instant désorientée, cherchant dans le stress à reconnaître les rues et trouver le chemin le plus court vers l'abri.
Elle trouva un point de repère, cette grande avenue, le bus abandonné, la pharmacie… le supermarché, là. Elle braqua vers la droite et reconnut au loin l’immeuble avec la porte métallique. Parfait. Elle s’engouffra dans le quartier voisin et se gara en trombe sur un trottoir, cognant des poubelles qui tombèrent en fracas.
Elle donna un coup d’épaule pour sortir du véhicule. Elle s'élança en courant vers la rue adjacente. Un instant, elle se sentit perdue, paniquant à l'idée de se perdre bêtement. non, c’était là, elle venait juste de passer devant.
Garde la tête froide, Fox, c’est pas le moment de déconner.
Des bourrasques violentes se levaient autour d'elle, comme si l’air lui-même cherchait à la ralentir. Elle regarda à droite, à gauche et distingua le bus. Elle reprit sa course. Chaque pas la rapprochait de l’abri.
Mais c’était sans compter le bestiaire hostile de la ville. Elle entendit un bruit derrière elle. Comme des branches qui se brisaient sous un poids indigeste. Elle pivota et surveilla en arrière, la respiration courte. Rien.
Un cri déchira la nuit. Ce n'était pas humain. La peur s'insinua dans ses veines.
Elle n'eut pas le temps de réfléchir, la créature était déjà là. Une silhouette déformée se dessina à l'angle d'un immeuble, les yeux brillants d'une lueur démente. Un monstre, tout en griffes et en muscles, se rua vers elle dans une accélération foudroyante.
Elle fit volte-face et courut, les mains plaquées sur la poitrine, les doigts fermés en poings. Elle dérapa sur un couvercle abandonné, se rétablit et reprit sa cavalcade. Elle aperçut enfin la porte métallique au loin. Encore vingt mètres. Tout en détalant, son esprit s’efforça de se souvenir du code… Elle revit la main de Vesper cogner : un coup, deux coups ?
Dix mètres.
Putain, c’était quoi déjà ? Le stress lui vrillait les neurones, impossible de se rappeler.
Trois mètres. Qu’elle avala comme une furie sous ses bottes usées.
Elle fonça sans ralentir sur la porte et tambourina dessus en hurlant :
— MADDOX ! Putain, MADDOX OUVRE MOI !!
Elle rua, pieds et poings sur le battant, alertant certainement toute la faune mutante sur trois pâtés de maisons. Elle jeta un coup d'œil derrière elle, la créature s’approchait comme un boulet de canon.
— MADDOX !
La porte métallique s'ouvrit dans un souffle mécanique et Maddox l'attrapa par les bras pour la tirer à l'intérieur sans ménagement. Dès qu'elle passa le seuil, il referma le lourd panneau d'acier derrière elle, verrouillant le système. Un choc contre la paroi extérieure fit sursauter tout ceux qui s’étaient approchés, attirés par les cris.
Le colosse aux cheveux gris se tourna vers elle, l’air dur. Il la poussa en arrière.
— Putain, Fox, t'as du culot de revenir ici ! cracha-t-il, ses yeux brûlant de rancune.
Sa posture était clairement agressive envers elle, ses poings serrés sous l’effet de la colère. En plus de se repointer, elle rameutait les monstres du coin et mettait en danger l’abri. Il la chopa par l’épaule et la secoua. Son emprise se raffermit quelques secondes, avant qu'il ne réalise ce qu'il voyait : son visage couvert de bleus, son poignet gonflé, sa respiration erratique. Son froncement de sourcils se mua en quelque chose d'autre. Du doute. De l'incompréhension.
Il baissa enfin les yeux sur les menottes, puis sur son expression exténuée.
— C'est quoi, ce bordel ?
Son expression était fermée, teintée de méfiance.
Tous les survivants de l’abri avaient formé un cercle derrière Maddox et ils attendaient une explication.
Fox leva lentement les mains, révélant ses poignets toujours entravés par les menottes. Lentement, elle reprenait le contrôle de sa respiration. Elle ne chercha pas à se justifier face à l’hostilité de Maddox, ni à désamorcer sa fureur. Au lieu de cela, elle planta son regard dans le sien, avec détermination.
— Je comprends Maddox. T'as tous les droits d'être en colère contre moi.
Elle marqua une pause, cherchant ses mots.
— Je ne suis pas là pour te supplier de me reprendre. J'ai compris que mon choix n'aurait pas de retour en arrière.
Elle prit une inspiration tremblante avant de le considérer d’un air grave.
— Je ne suis pas ici pour moi…
Elle ajouta avec une expression profondément inquiète :
— C’est Vesper. Il est en danger.
Maddox ne répondit pas. Il oscillait entre ses menottes et son visage tuméfié, cherchant à jauger la véracité de ses paroles.
— Vesper ?
Son ton était plein de scepticisme. Il ajouta :
— La dernière fois que je t’ai vu, tu m’agitais un flingue sous le nez en crachant à la face de celui qui t’avait sauvé les miches en te ramenant ici…. et là, là ! Tu viens de me chercher pour aller le sauver ? J’ai raté un épisode, là !
Maddox la fixa un moment, lui laissant prendre conscience de l'aberration de son comportement.
— T'as une putain de chance que je sois pas du genre rancunier.
Il fit une moue et rectifia : “En fait, si j’suis rancunier, mais si Vesper a besoin de moi, je peux passer par-dessus tes conneries.”
De nouveau son regard passa de ses menottes à son visage marqué par la fatigue et les hématomes. Puis, il lâcha un soupir agacé et d'un geste sec, il attrapa ses poignets, inspectant les menottes.
— A en juger par ta tronche, tu t’es encore fait des potes visiblement… t'as intérêt à m'expliquer et fais moi la version courte.
— Ok, ok, on a pas beaucoup de temps. Maddox, y avait des saloperies de militaires ! Avec tout l’attirail, fusils, jeeps, traceurs GPS… ils le cherchaient. Ils cherchaient Vesper. Ils sont venus avec une énorme caisse en métal, un truc genre laboratoire…
Elle lui adressa un air accablé.
Maddox plissa les yeux, son expression hésitant entre incrédulité et irritation.
— Des militaires ? T'es sérieuse ?
Elle acquiesça.
— Ils nous ont embarqué dans des jeeps, à travers le désert…
Il jeta un œil par-dessus son épaule, comme s'il s'attendait à voir débarquer une menace imminente. Ses mâchoires se crispèrent.
— Ils t’ont suivie ? demanda-t-il, son ton redevenu méfiant.
— J'ai pas mis l'abri en danger, rassure toi... Enfin, à part le monstre là… mais j’espère que t’as une bonne réserve d’armes et des gars entraînés…
Sans lâcher les menottes, il baissa sa main, jaugeant la véracité de ses propos.
— Et t'es revenue jusqu'ici en étant encore attachée comme ça ? Il désigne ses poignets d'un geste du menton. T'as volé un tank aussi, tant qu'on y est ?
Il roula des yeux et fit signe à quelqu'un derrière lui. Un type massif aux cheveux ras, s'approcha avec une pince monseigneur.
— Je vais pas te promettre un putain de commando, Fox. Mais t'as intérêt à pas m’embarquer dans un plan foireux.
Il tira sur les menottes et permit à l'homme de s'attaquer aux menottes. Fox ne put réprimer une grimace de douleur quand il força sur son poignet. Les liens d’acier grincèrent sous l’acharnement de la pince. Le son métallique des menottes cédant sous la pression de la pince résonna dans le silence tendu. Fox sentit enfin le poids de l'acier tomber de ses poignets, libérant sa peau gonflée et bleue.
Le colosse saisit, cette fois avec délicatesse, la main de la jeune femme.
— Nom de dieu, Fox… c’est fracturé. SANDRA ! beugla t-il.
Il lui lança un regard de reproche paternel.
— Fox, sérieux… dans quel état tu es…
Il y avait maintenant de l’inquiétude sincère dans son timbre. Fox échappa un léger rire et haussa une épaule.
— Hey, promis, j’ai pas volé de tank… juste une jeep... T'aurais vu leurs têtes à ces deux andouilles quand je les ai laissés en rade au milieu du no man's Land…
Petit instant de fierté, elle le savoura tant cette victoire avait été inespérée.
— Est ce que tu sais où ils l’ont embarqué exactement ? demanda l’homme.
Elle redevint sérieuse.
— Ils l'ont mis dans une putain de cage… après lui avoir tiré dessus, tazzé… (elle revoyait scène en flashs horribles en même temps qu’elle racontait la scène de la rue). J’ai rien pu faire. Mais… je sais dans quelle direction ils allaient.... on peut suivre leur piste.
Sa respiration s'était accélérée. Les souvenirs la replongeaient dans la violence de l’instant.
— Je ferai tout pour le sortir de là, Maddox.
Il la fixa un instant, son expression s’adoucissant à mesure qu'elle parlait.
— Y a un truc qui s’est passé… commença t-il, sans aller au bout de sa pensée. T’as changé, gamine.
Elle le toisa, le suppliant des yeux.
— Maddox, je t’en prie.
— Ouais, ok, ça va. Y autre chose à savoir, avant qu’on fonce droit dans un nid de frelons ?
— Hmm… il y avait ce symbole, un logo que j’ai cru reconnaître. Un A et un E entrelacé.
Elle secoua la tête.
— J’en sais trop rien… J’ai vaguement reconnu ce logo sur les brassards des soldats et sur le caisson. Je suis sûre de rien. Je crois que c’était un truc de l’ancien monde.
Il croisa les bras, penchant légèrement la tête.
— Tu te rends compte de ce que tu demandes, au moins ? Faut que j’aille risquer la vie de mes gars, pour traverser une zone où plus personne ne s’aventure, pour rejoindre un endroit que t’es même pas sûre d’avoir identifié, à la poursuite d’une escouade de militaires équipés et entrainés… c’est bien ça ? Pour… quoi ? Aller dans un laboratoire qui fait j'sais pas quoi et qui a réussi à mettre hors d’état de nuire Vesper ? AH !
Il n'y avait pas de colère dans sa voix, juste une froideur, une réalité qu'il lui jetait en pleine face.
Maddox lâcha un soupir, les traits tendus. Il se passa une main sur le visage, visiblement en train de peser le pour et le contre.
— Putain... marmonna-t-il entre ses dents.
Il baissa les yeux vers elle et cette fois, plus sombre.
— Ces enfoirés savent ce qu'il est, hein ?
Il fit quelques pas, les mains sur les hanches, réfléchissant à toute vitesse.
— Vesper nous a sauvés plus de fois que je peux les compter. Mais s'ils l'ont embarqué… C'est pas juste pour le tuer. Ils veulent l'étudier. L'exploiter. Et ça, c'est encore pire. Et si lui a pas été foutu de se défendre contre eux, j’sais pas ce qu’on espère…
Il pivota vers elle, plus direct :
— Mais putain, j’peux pas l’abandonner.
Fox tiqua.
— Alors... tu savais ?... l’interrogea-t-elle.
Il croisa son regard qu’il soutint une seconde. Maddox pinça les lèvres et hocha lentement la tête.
— Ouais, je le savais. Pas tout, mais assez. C’était ok pour moi.
Il ne développa pas et ce n'était pas le moment pour elle d'insister.
— … Bref on s'en fout. Il nous faut un plan, coupa-t-elle.
Maddox attrapa un vieux chiffon et essuya ses mains pleines de cambouis, toujours fixé sur elle.
— Un labo, hein ? Il marque une pause, réfléchissant. Si ces types l'emmènent quelque part, c'est que l'endroit est encore en état de fonctionner. Ce qui veut dire ressources, énergie… et sécurité renforcée.
Il se retourna et balança un ordre par-dessus son épaule :
— J'ai besoin de Cartwright et Jonas, tout de suite. Lorna aussi, Devlin ! Magnez vous le fion !
Un survivant s'éclipsa en hâte pour aller chercher les concernés. Maddox se remit face à Fox, les bras croisés.
— Toi, t'es prête à aller jusqu'où pour le sortir de là ? Parce qu'une fois qu'on met un pied dans cette merde, on n'en ressortira pas indemnes.
Elle ne cilla pas.
— Jusqu'où il faudra.
Il la toisa longuement, d’un air de dire : “Toi va falloir que tu me racontes ce que j’ai raté.”
À peine Fox eut-elle prononcé ces mots qu'un bruit de pas précipités résonna derrière eux.
— Je viens avec vous.
Élias se tenait là, le souffle court, comme s'il avait traversé l'abri en courant. Il posa une main sur la rampe métallique de l’escalier qu’il venait de dévaler pour reprendre son souffle, puis planta son regard dans celui de Fox.
— Je te dois bien ça.
La jeune femme acquiesça et sourit gravement au jeune homme.
— T’es certain que je vais pas avoir à te porter cette fois ? le provoqua t-elle, avec un fond de vérité.
— A moins que ça ne te démange, rétorqua Élias en redressant les épaules. Mais si vous allez dans un endroit avec de la technologie, je vous serais utile. J’étais développeur avant. Si y a des ordis ou des systèmes électroniques, vous aurez besoin de moi.
Il marqua un temps et ajouta avec inflexibilité :
— Et surtout, si Vesper est là-dedans, il a besoin de toute l'aide possible. Je vous dois la vie à tous les deux. Hors de question que je reste ici.
Il fit un pas vers eux, son expression se durcissant.
— Laissez-moi prouver que je ne suis pas juste un poids mort.
Maddox soupira, jetant un coup d’oeil rapide à Fox.
— T'en penses quoi ? On l'embarque ou on le laisse ici ?
Fox valida d’un geste subtil pour le colosse. Se reportant sur Elias, instantanément elle sourit.
— Tu m'étonnes que tu nous le dois… Je suis contente de te voir sur pieds.
Elle se tourna vers Maddox.
— Faut réfléchir à un plan, même sommaire. Et on traine pas. Les deux militaires pourraient déjà avoir récupéré leur bagnole.... et il nous la faut pour traverser le no Mans Land.
Maddox pinça les lèvres, visiblement en plein calcul mental. Il jaugea Élias, puis les autres survivants présents. L'abri n'avait pas une armée, mais il y avait quelques combattants capables. Il soupira.
— Ok. On n'a pas de temps à perdre. Allons à l’armurerie.
Il se dirigea d’un pas rapide vers un espace retranché dans lequel Fox l’avait déjà accompagné. Ils passèrent devant un garde de l’entrepôt de munitions. Elias était sur leurs talons. Maddox roula des épaules, comme pour évacuer la tension accumulée.
— Bon, on aura besoin d'armes, de vivres… des explosifs aussi. Mais on peut pas juste foncer et espérer que ça passe. Ils sont entraînés, nous non.
Il se tourna vers la jeune femme.
— Fox, t'es bien sûre de la direction qu'ils ont prise ?
Il ne doutait pas d'elle, mais mieux valait s'assurer qu'ils n'allaient pas foncer tête baissée vers un piège ou se paumer dans le no man’s land, un enfer qui, en comparaison, faisait passer la ville pour un jardin d’enfant.
Élias s'approcha.
— Si vous avez besoin de quelqu'un pour conduire ou pour faire diversion, je suis là.
— Je sais ce que c’est le no man’s land, j’y suis jamais allée, mais je sais. Les cinquante premiers kilomètres, ceux que j’ai franchi avec la jeep, j’ai rien vu, pas un mouvement, que dalle. Je garantis rien pour après… et je sais pas quelle distance il restait avant d’atteindre…
Elle ne finit pas sa phrase. Un labo ? Un bunker ? Un campement ? Elle n’en avait pas la moindre idée.
— Faut des combattants, mais pas d'approche frontale là-bas. Faut des gens malins, capables de s'adapter. Capable d’obéir aux ordres aussi, pour pas tout faire foirer.
En disant cela Maddox, jeta un air sévère et plein de sous-entendus à la rouquine.
— C’est clair ? insista t-il.
Elle soupira.
— Faut y aller.... Maintenant. Moi je suis prête.
Maddox acquiesça, son visage se durcissant un peu plus.
— Ok. On rassemble ce qu'on peut en matériel et en munitions. Pas de détails inutiles. On bouge dans cinq minutes.
Le groupe se rassembla dans le hall principal, devant la porte blindée. Maddox se tourna vers Élias, puis vers les autres survivants mobilisés. Il réalisa la distribution des armes et des provisions. La tension était palpable. Fox, malgré son état, avait l'air prête à tout et Maddox avait compris qu’elle ne reculerait devant rien. Ce petit bout de femme le laissait sur le cul à chaque fois.
Élias s'approcha de Fox et lui tendit un sac de provisions, un peu plus léger que ce qu'il aurait aimé, mais suffisant pour le moment.
— J'espère qu'ils n'ont pas trop de surprises en réserve. Si ça tourne mal, je serai là, lui souffla t-il avec connivence.
Il jeta un coup d'œil en arrière, vers le reste de l’abri.
— T’es pas obligé, Elias, lui dit Fox. Sans déconner. Tu me dois rien. Si tu veux rester, reste, je comprendrai. Vesper aussi.
Elle le jaugea avec sérieux. Le regard du jeune homme s’égara un instant dans le lointain de l’immense bâtiment, puis il fronça les sourcils. Il croisa celui de la jeune femme.
— Tu rigoles ? Je raterais pas une occasion d’aller me balader dehors avec vous.
Maddox, toujours concentré, donna quelques consignes supplémentaires à l'équipe. Il avait déjà une main sur le système de déverrouillage.
— Bon ! Que ce soit clair, c’est MOI qui donne les directives ! Si j’vous dis de vous coucher, vous vous couchez et j’veux pas un pas de travers. Dès qu’on est dehors, on reste groupés. Si y en a qui respire alors que je lui ai pas dit de l’faire, je lui colle un pruneau moi-même, y aura pas de négo’ !
La voix burinée de l’homme imposa une autorité implacable. Mais derrière ce franc-parler, il y avait une réelle inquiétude pour toutes les vies qu’il emmenait avec lui, une peur que certains n’en reviennent pas.
Il ajouta une dernière injonction en pointant son index vers ses pieds :
— Et Fox, à partir de maintenant, tu restes à mes côtés.
Il la fixa un instant, dur et incisif.
— Si t'es prête à tout pour lui, je le suis aussi. Mais je te préviens, on va avoir chaud aux fesses.
Fox observa les rescapés qui se tenaient prêts à l’ouverture de la porte, fébriles. Faisaient-ils ça pour obéir au colosse ou était-ce par loyauté envers Vesper ? La question lui brûlait les lèvres, mais elle se garda bien de la poser. Une autre lui revenait sans cesse : savaient-ils seulement qui était réellement Vesper ?
Elle gardait une expression fermée tandis que s’égrenaient les minutes, suspendues entre la sécurité d’un refuge et le cauchemar de l’incertitude. D’un geste mesuré, elle ouvrit le paquetage qu’Elias lui avait confié et découvrit deux surprises : une nouvelle arme à feu et un couteau de chasse. Un fin sourire éclaira fugacement son visage alors qu’elle relevait les yeux vers le rescapé.
— Bien vu, j'ai été un peu distraite dehors et j'avais justement besoin de nouveau matériel…
Jolie façon d’évoquer sa rencontre avec les pillards, mais c'était aussi l'occasion d'en faire mention à une de leurs victimes. Elle vint poser sa main sur l'épaule d’Elias et lui murmura :
— En tout cas, dis toi que justice à été faite pour ce que tu as subi.
Élias lui adressa un air incertain puis eut l’air de comprendre. Son empathie naturelle lui permit de saisir qu’il n’était pas de bon ton de demander des détails. L’affaire était close. Il se contenta d’un hochement de tête reconnaissant.
Maddox ajusta la lanière de son fusil d'assaut. Il releva les yeux et balaya la pièce, observant les survivants rassemblés. Ils étaient huit, armés de ce qu'ils avaient pu récupérer : fusils, pistolets, quelques explosifs artisanaux. Une escouade hétéroclite, mais déterminée.
— On y va, confirma-t-il d'une voix grave. Il appuya du plat de la main sur le système d’ouverture et glissa en dehors de l’abri. Tout le monde le suivit sans hésiter.
La jeep que Fox avait volée était toujours là, miraculeusement intacte.
Maddox désigna le véhicule d'un signe de tête.
— Élias, tu conduis, Fox et moi, on se met à l’avant. Les autres, à l’arrière.
Il ouvrit la portière et se hissa derrière le volant, attendant que Fox et Élias montent à bord. Il y avait une pesanteur dans l’air, invisible mais omniprésente, semblable à cette lourdeur qui précède un orage. Ils s'apprêtaient à s'aventurer sur un terrain hostile, sans savoir exactement ce qui les attendait.
Maddox jeta un dernier oeil dans le rétroviseur, puis enclencha la première.
— Accrochez-vous.
Le convoi s'ébranla dans un nuage de poussière, filant à toute vitesse vers l'inconnu.

Annotations
Versions