Epilogue

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Layla

Le cliquetis de la serrure de la porte d'entrée m'arrache de mon sommeil léger.

J’entends le cabas tomber brusquement dans le hall, suivi du bruit familier de ses pas. Il déambule un court instant dans le salon, avant que son visage émerge dans l'embrasure de notre chambre.

  • Je suis rentré, déclare-t-il doucement.

Je cligne des paupières pour recouvrir une vue à peu près normale. Ma nuit a été courte et l'épuisement qui entoure mon corps m'empêche de me redresser pour l'accueillir convenablement.

  • Salut, me contenté-je de murmurer.

Il me décoche un sourire discret et s'approche du lit.

Je remarque alors les cernes noirs profilés sous son regard. Je me plains de ma nuit, mais je n'ose pas imaginer la sienne. Chahine a enchaîné une garde de vingt-quatre heures en unité de soins intensifs et je peux vous garantir que dans ces conditions, on n'a pas une seule minute à s'accorder.

  • Est-ce qu'il reste du café ? me demande-t-il.

Mon cœur fait un raté.

Je lui avais promis de lui préparer le petit déjeuner, mais avec la fatigue, j'ai complètement oublié. Une vague de panique me saisit alors et je me relève subitement, prête à bondir du lit.

  • Je suis désolée, indiqué-je.

Le tremblement de ma voix trahit mon anxiété.

  • Je vais m'en occuper. Laisse-moi juste le temps de...

Avant que je n'achève ma phrase, sa main se pose tendrement sur ma joue.

  • Hey, Layla... souffle-t-il. Tout va bien, ne t'en fais pas.

Je relève les yeux vers lui.

  • J'ai juste demandé s'il restait du café. Pas besoin de te mettre dans tous tes états.

Je hoche la tête, incapable de répliquer.

Je sais que ma réaction peut paraître démesurée, mais ce genre de remarque réveille régulièrement des réviviscences en moi. Je revois instinctivement des images de ma mère me reprochant mon absurdité, ainsi que ma détresse monter.

Chahine essaie d’éviter de formuler des demandes trop brutes pour prévenir ce type de situation. Mais c’est parfois difficile d’anticiper quand un rien peut m’alarmer. Lorsque ça arrive malgré tout, il fait alors toujours de son mieux pour tenter de me rassurer. Un de ses exercices préférés consiste à me demander de nommer des choses que je peux voir, entendre, toucher, sentir et enfin goûter. En me reconnectant à mes cinq sens, j'arrive de nouveau à m'ancrer dans la réalité.

  • Repose-toi encore un peu, ajoute-t-il. Je vais m'occuper du petit déjeuner.

Je m'apprête à le retenir, culpabilisant à l'idée de le laisser gérer alors qu'il n'a pas fermé l'œil de la nuit, mais il ne me laisse pas le temps d'objecter. Je le regarde alors s'éclipser dans la cuisine avec l'assurance d'un chef étoilé, avant de me recroqueviller sous la chaleur de la couverture.

Le sommeil est sur le point de m'amadouer, lorsque le son d'une notification me fait sursauter, m'empêchant de succomber.

C'est Jasmine.

Elle vient de m'envoyer une photo d'elle en train de distribuer des vivres à des enfants dans un camp. Elle m'avait déjà dit qu'elle avait toujours rêvé de faire de l'humanitaire, durant son internat de pédiatrie. Alors lorsqu'elle m'a annoncé qu'elle avait pu obtenir une disponibilité, je me suis sentie extrêmement heureuse pour elle.

Surtout compte tenu de ses derniers mois qui n'ont pas été terribles.

En effet, elle a finalement eu le courage de mettre fin à la relation confuse qu'elle entretenait depuis des lustres avec Madi. Ce dernier a beau être un ami hors pair, généreux et bienveillant, je pense qu'il n'était pas encore prêt à s'engager pleinement. Même si les deux éprouvaient des sentiments réciproques, il ne semblait pas suffisamment courageux pour se confronter à sa famille au sujet de la mixité.

Alors Jasmine a préféré tout arrêter, quitte à avoir le cœur brisé. Une décision que je lui ai félicité d'avoir prise. Parce que même si Madi est une personne géniale, Jasmine mérite un homme prêt à l'accepter entièrement pour ce qu'elle est. Un homme qui n'a pas peur de se battre pour défendre ce qu'il revendique, et qui se tiendra toujours à ses côtés, peu importe les difficultés.

Je réponds à son texto, et au même moment, Chahine revient dans la chambre, un plateau à la main. Il le dépose délicatement sur le lit avant de s'installer à mes côtés, et je lutte de toutes mes forces pour réprimer l'envie de le sermonner sur ses vêtements de ville qui effleurent nos draps.

À la place, je me concentre sur le contenu du plateau et une sensation de réconfort me saisit en constatant à quel point il est fourni. Entre les tasses de café, le pain grillé, le bol de fruits frais coupés et le petit pot de miel sur le côté, je me sens littéralement gâtée.

  • Merci beaucoup Chahine, m'exclamé-je en savourant une fraise.

Il me sourit en retour et avale à son tour deux morceaux de framboise.

Un silence doux s’installe entre nous, rythmé uniquement par nos bouchées et le cliquetis des cuillères contre les tasses.

Je prends alors une profonde inspiration et me décide finalement à le briser.

  • Comment s'est passée ta garde ?

Il passe sa main dans ses cheveux pour les ébouriffer et pousse un soupir.

  • Crevant. On n'a pas eu une seule seconde de répit.
  • Tu as pu voir des cas intéressants, au moins ?

Il hausse les épaules d'un air nonchalant.

  • Un arrêt cardiaque chez un jeune de trente ans et une dissection aortique.
  • Oh, m'exclamé-je, impressionnée. Tu as pu les sauver ?

Il hoche lentement la tête et un sourire se dessine au coin de ma lèvre.

  • Je suis tellement fière de toi, susurré-je. Tu fais un travail incroyable, tu sais ?
  • Bien évidemment, vu que je suis le meilleur.

Il ponctue sa remarque par un clin d’œil et je lève les yeux au ciel, mi-exaspérée, mi-amusée.

  • Enfin bref, assez parlé de ça, dit-il en déplaçant le plateau sur la table de chevet.

D'un geste désinvolte, il retire son haut et le laisse tomber négligemment sur le sol.

  • Chahine ! râlé-je. Je t'ai déjà dit d'arrêter de jeter tes affaires partout !
  • Promis, je ramasserai après, rétorque-t-il en s'écroulant sur le matelas, complètement exténué.

Je le regarde s'agripper fermement à l'oreiller, allongé sur le ventre.

Son dos se soulève et s'abaisse au gré de sa respiration, dévoilant la courbe puissante de ses muscles ainsi que les nombreux tatouages qui parcourent sa peau. Je prends alors le temps d'explorer silencieusement cette carte dont je suis la seule à connaître les secrets, un sourire au coin.

  • Arrête de me mater, souffle-t-il soudain, sans même ouvrir les yeux.

Mes joues s'embrasent spontanément.

  • Je... je ne te mate pas ! me défendé-je.
  • Ah oui ? questionne-t-il en ouvrant un œil. Parce qu'on aurait dit que tu allais me sauter dessus. Et franchement, dans d'autres circonstances, j'aurais pas dit non... mais là, j'ai pas la force de bouger.

Je lui lance mon oreiller à la figure.

  • Tu rêves, espèce d'idiot !

Il le réceptionne d’une main avant d’étouffer son rire dedans.

Je me tourne alors contre lui, les bras croisés, faisant mine d'être offusquée.

  • Ça va, je déconne... marmonne-t-il.

J'ignore ses propos et il attrape ma taille sans prévenir pour me ramener contre lui, nichant son visage dans le creux de mon cou. J'essaie de me défaire de son étreinte pour lutter, mais lorsqu'il dépose un lent baiser sur ma nuque, je sais qu'il a gagné.

Un simple contact de sa part, et voilà que tous mes membres se mettent à frissonner.

En y réfléchissant, c'est quand même fou. Je veux dire, ce n'est pas comme si on venait de se marier. On partage le même lit depuis des mois et j'imagine qu'au bout d'un moment, n'importe quel couple finirait par s'habituer à la présence de l'autre, voire la normaliser.

Pourtant, chacun de ses gestes continue de me faire l'effet d'une première fois.

Je me retourne doucement pour lui faire face. Nos visages ne sont séparés que de quelques centimètres et je peux sentir son souffle ardent caresser ma peau. Il plonge ses yeux dans les miens, me détaillant avec une intensité déconcertante.

  • Tu es tellement cernée, murmure-t-il. On dirait que c'est toi qui as fait une garde, pas moi...

Son ton se veut taquin, mais je décèle une pointe d'inquiétude en lui.

  • C'est un peu tout comme, vu la nuit horrible que je viens de passer... dis-je en affichant un sourire.

Il repousse distraitement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

  • Tu devrais vraiment songer à te reposer, Layla.
  • Tu sais bien que c'est compliqué, en ce moment...

Il contracte la mâchoire.

  • Toujours la même raison ?

J'opine du chef.

Je vois bien à son expression qu'il se sent impuissant.

  • Ne t'en fais pas, ajouté-je alors. Maintenant que tu es là, je me sens apaisée.

Il se rapproche alors, tout en arquant un sourcil d'un air curieux.

  • Ah oui ? me susurre-t-il. Je t'ai manqué à ce point-là ?

Il est évident que son sarcasme n'est qu'une tentative pour lui d'alléger l'atmosphère. Mais je ne sais pas pourquoi, cette fois, je n'ai pas envie d'entrer dans son jeu, ni de plaisanter.

Je me surprends alors à soutenir ses prunelles, lui offrant un regard grave, limpide.

Puis je me mets à hocher la tête, la lèvre mordillée.

  • Oui, tu m'as manqué. Terriblement manqué. Un problème avec ça ?

Chahine écarquille les yeux, visiblement surpris par ma sincérité.

Durant un moment, il reste immobile, comme si mes propos venaient d'animer quelque chose de primaire en lui. Et puis sa main se meut finalement, effleurant mon visage tout en murmurant :

  • Non. Aucun problème avec ça.

Mais je ne prends réellement conscience de l'effet de ma remarque que lorsque ses lèvres s'écrasent tout à coup contre les miennes. Je ne dois alors pas me faire prier deux fois pour répondre à son baiser. Mes mains enveloppent instinctivement sa tête, mes doigts se promenant, se perdant dans ses cheveux.

Le brun ne retient pas ses élans non plus, toute trace de fatigue ayant subitement quitté son corps à cet instant précis. L'adrénaline lui confère une détermination si forte qu'il m'embrasse encore et encore, ne rompant le contact que pour nous permettre de respirer.

Pour autant, ce n'est toujours pas assez.

Malgré l'ivresse dans laquelle je baigne, ma soif n'est pas étanchée.

J'ai besoin de le sentir au plus près de moi, de m'abandonner à la chaleur de son étreinte, surtout après avoir été séparée de lui aussi longtemps. La main qu'il glisse sur ma hanche me fait comprendre que mon désir est partagé, et bientôt, c'est tout son torse qui me surplombe.

Il s'arrête néanmoins durant un instant pour me contempler. Dans ses yeux, je peux lire tout l'amour qu'il me porte, ainsi que le manque insoutenable que notre éloignement lui a procuré. Je ferme alors délicatement les paupières, et je le sens me parsemer de nouveau de baisers. Sur le front, le nez et les joues.

Ses doigts viennent ensuite effleurer l'ourlet de mon haut, jouant malicieusement avec, comme s'il voulait prolonger l'attente. Je pourrais protester, mais il sait bien que je me languis tout autant que lui de ce genre d'interaction.

Alors qu'il commence enfin à remonter le tissu, dévoilant lentement mon ventre nu, un cri strident nous interrompt brutalement.

Je me redresse spontanément, un sentiment de panique me gagnant.

Chahine m'imite aussitôt, son corps se détachant du mien avec célérité.

Aucun de nous ne prononce un mot, mais le regard complice que nous échangeons en dit long.

En un éclair, mes doigts s'entremêlent aux siens et il m'entraîne vers le couloir. Nos pas résonnent faiblement sur le parquet, guidés par l'écho du cri plaintif qui devient de plus en plus pressant.

La lumière qui s'échappe de la pièce qu'il ouvre est tiède, et c'est seulement lorsque je la perçois que je m'autorise de nouveau à respirer.

La raison pour laquelle je n'ai pas dormi.

Je me penche au-dessus du berceau et soulève son petit corps qui s'agite avec précaution, craignant de le briser. Les poings serrés et les jambes repliées, elle continue cependant de pleurnicher.

  • Donne, je vais t'aider, chuchote Chahine en tendant les bras.

Je lui confie notre bébé et l'observe pendant qu'il la positionne contre son torse.

  • Chhh... ça va aller, mon ange. Papa est là.

Il se met à la bercer tout en lui murmurant d'autres mots d'amour tout bas.

Elle se blottit alors naturellement contre lui, ses cris cessant progressivement.

  • On dirait qu'elle a déjà ses préférences, lancé-je.
  • En même temps, tu m'as vu ?

Il me décoche un clin d’œil triomphant et je ne peux m'empêcher de rire.

  • En plus, c'est mon portrait craché, ajoute-t-il en tirant la langue.
  • Hé ! m'indigné-je. Ça, c’est faux par contre !

Je lui enfonce un doigt dans les côtes et il s'esclaffe à son tour.

En réalité, Lyna est un parfait mélange entre Chahine et moi.

Elle a la blancheur de mon teint, mon nez retroussé et mes taches de rousseur. Mais elle a aussi la chevelure brune de son père, la forme parfaitement dessinée de ses sourcils, ses lèvres pulpeuses, ainsi que son fameux grain de beauté au menton.

Son regard est une autre preuve de notre union. Ils ont une forme en amande, caractéristique des prunelles de Chahine, mais sont teintés de ma couleur noisette. Elle est vraiment magnifique, et je vous assure que je ne dis pas ça simplement parce qu'il s'agit de ma fille.

  • Je crois qu'elle a encore mal au ventre, souffle-t-il en sentant ses muscles se contracter.
  • Oui, ces fichues coliques ne veulent pas la laisser tranquille...
  • Pauvre princesse...

Il dépose un baiser sur sa tempe minuscule et ce geste, aussi simple soit-il, suffit à faire monter l'émotion en moi. Le voir prendre soin de notre petit miracle me touche bien plus que je ne l'aurais cru.

  • Layla ? s'alarme-t-il. Pourquoi est-ce que tu pleures ?
  • Rien, rien... rétorqué-je en les essuyant.
  • Arrête de mentir, insiste-t-il cependant.

La vérité, c'est qu'une vague de nostalgie me submerge en repensant à toutes les épreuves qu'on a dû surmonter pour en arriver là.

Parce qu'à l'origine, Lyna n'a jamais été attendue.

Lorsque le médecin m'a annoncé que mes douleurs abdominales et mes nausées n'étaient pas liées à une gastro-entérite, mais à une grossesse, j'étais loin d'être emballée.

Pour être tout à fait franche, j'ai même carrément paniqué.

La perspective d'accueillir un enfant était loin d'être enchantante, à ce moment-là. Chahine était sur le point d'entamer son internat de cardiologie, tandis que j'achevais ma troisième année de médecine – la dernière avant l'externat. Autant vous dire qu'avoir un bébé n'était absolument pas dans nos projets et qu'on mettait tout en place pour nous en protéger.

Alors le jour de l'annonce, je me suis pétrifiée.

Et je crois sincèrement que si Chahine n'avait pas été à mes côtés, je me serais écroulée.

Je me souviens encore de la douceur de son bras entourant mes épaules, ainsi que de son expression dans le regard qu'il m'avait adressé, plus ferme que jamais.

  • Si Allah nous envoie ce bébé, c'est qu'on peut y arriver, Layla.

Au début, malgré la confiance qu'il dégageait, je n'étais pas vraiment convaincue.

Je ne comprenais pas pourquoi Dieu nous avait chargés d'une telle responsabilité. Et avec tous les nouveaux changements qui se profilaient à l'horizon, je ne voyais pas comment on allait pouvoir s'adapter.

Puis il y a eu la seconde échographie.

Celle où on a découvert le sexe de notre bébé.

À l'instant où le médecin nous a annoncé qu'il s'agissait d'une fille, quelque chose en moi a changé. Une nouvelle vision de la vie s'est automatiquement déployée dans mon esprit, et j'ai instinctivement compris.

J'ai compris qu'il ne s'agissait pas d'une calamité, mais au contraire d'une véritable opportunité. Une chance de lui offrir tout ce que je n'avais jamais eu : de l'amour, de la tendresse, du respect. Une vie libre des attentes et de la pression, une vie affranchie des doubles standards qui m'ont été imposés.

Alors je me suis jurée de faire de mon mieux pour l'éduquer, et surtout de tout mettre en œuvre pour la protéger.

Bien évidemment, tout ne s’est pas déroulé comme par magie. Il a fallu mettre en place des stratégies. Alors après avoir longuement réfléchi, Chahine et moi avions convenu que la meilleure solution était que je prenne une année de césure. Pour pouvoir gérer les aléas de la grossesse, ainsi que les premiers mois de notre bébé sans que ça n'entache mon externat. Une décision difficile, pour réussir à jongler entre vie professionnelle et privée, mais qui semble avoir porté ses fruits, quand je vois mon mari la tenir entre ses bras.

  • Layla...

La voix rauque de ce dernier m'arrache soudain de mes pensées.

  • Tu fais un travail incroyable, tu sais ?

Je souris, amusée par la familiarité de sa remarque.

  • Bien sûr, vu que je suis la meilleure, déclaré-je avec un clin d’œil.

Il laisse échapper un rire franc avant de rétorquer.

  • T'as une vraie manie pour copier mes répliques...
  • Quoi ?
  • Je sais que tu m'admires, mais essaie au moins de le faire discrètement...
  • Le culot !

Je lui assène un coup sur l'épaule, petit mais suffisamment fort pour qu'il tressaille de surprise. Je m'apprête ensuite à retirer ma main, mais je n'ai pas le temps de bouger qu'il l'attrape pour m'en empêcher. Je m'attends alors à ce qu'il la pince pour se venger, mais lorsqu'il la porte à ses lèvres et embrasse calmement mes phalanges, ma respiration manque de se couper.

  • Tu es incorrigible... marmonné-je en faisant mine de m'indigner.
  • Je suis seulement en train de m'incliner devant l'immensité de ton génie...

Il ponctue sa phrase par un sourire mutin et je ne peux m'empêcher d'abdiquer.

  • Hé, je crois qu'elle s'est endormie... poursuit-il, le regard rivé sur Lyna.
  • Enfin... susurré-je, soulagée de voir ses paupières se fermer.

Chahine la repose alors dans son berceau, avant de se redresser et de me fixer.

  • C'est quoi le programme, aujourd'hui ?
  • Normalement, ma mère va venir la récupérer cet après-midi.
  • Parfait, tu vas pouvoir te reposer un peu.

Je hoche la tête et il me tend sa main.

Je la prends instinctivement et il me dirige de nouveau vers notre chambre, en silence.

On se laisse alors tomber mutuellement sur le lit, exténués. Je me blottis contre son torse, me délectant du confort que sa chaleur me procure, tout en m'abandonnant encore une fois à mes pensées.

Je sais que ça peut paraître étrange, mais depuis la naissance de notre fille, ma mère et moi nous sommes beaucoup rapprochées.

Ce n'est un secret pour personne, mais le post-partum est réputé pour être particulièrement difficile en France. Une fois l'accouchement terminé, la mère est souvent livrée à elle-même, se retrouvant subitement seule après avoir été accompagnée durant des mois avant. Et même si Chahine a fait preuve d'un soutien incroyable, la présence d'une femme ayant déjà expérimenté tout le processus a été un véritable soulagement. Elle a été capable de comprendre mes changements hormonaux et a su me donner tout ce dont j'avais besoin, sans même que j'aie à le demander.

Son aide ne s'est d'ailleurs pas limitée à moi. Elle s'est également occupée de Lyna avec une patience et une attention je n'avais jamais vues. Comme si son rôle de grand-mère lui avait donné une nouvelle perspective, une sorte de rédemption. Ce qu'elle n'a pas su faire pour moi, elle l'a fait naturellement pour Lyna.

Et même si une partie de moi lui en veut toujours pour ce qu'elle m'a fait subir par le passé, la maternité m'a appris à essayer de regarder plus loin que le bout de mon nez. Ma famille compte plus que tout pour moi et je refuse d'offrir à ma fille un modèle emprisonné par les regrets. Alors pour elle, je suis enfin prête à décharger mon bateau. L'alléger pour qu'il puisse naviguer sereinement, sans crainte d'être submergé par le poids d'une vague trop lourde. Et qui sait, peut-être qu'il découvrira les mystères d'un nouvel océan en cours de route.

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