1.2.4 Dépression

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Le retour de congés d'automne est morose. Je reste sous le choc de ce que je viens d'apprendre. Je relâche un peu mon besoin d'excellence en cours. Je passe ma vie à la bibliothèque. J'ai besoin de prendre un maximum de renseignements sur Voldemort, sa vie, sa généalogie, ses actes de magie noire, les horcruxes. Je veux savoir comment il a été vaincu une première fois et comment il est revenu. Je veux saisir par quels mécanismes Harry Potter a donné l'illusion de l'avoir vaincu définitivement et s'est fait passer pour un héros. Étrangement, lorsqu'Alice vit que je me renseignais sur son ancêtre, elle me parla de tout ce qu'elle savait. Enfin, une fois que je lui dis que c'était pour mieux comprendre les méfaits de la magie noire.

Rodrigue me prête même un livre familial. Une sorte de journal intime/mémoire écrit par Hermione Granger. Elle avait noté tout ce qu'elle savait ou supposait, tout ce que Harry lui avait dit et ce que d'autres lui avaient reporté. Comment, pourquoi, qui.... Bien sûr, ma famille et surtout Bellatrix n'avaient pas le beau rôle dans ce récit. Rien de bien étonnant. Toutefois, l'esprit d'analyse d'Hermione m'impressionne. Pour une sang de bourbe, cette fille était drôlement intelligente et savante. Elle a vraiment décortiqué un maximum de choses et son boulot est colossal.

J'apprends ainsi que tout le monde croyait Bellatrix morte, vaincue par Madame Weasley, la mère de Ron et Ginevra, lors de la bataille de Poudlard. En réalité, c'était une sorte de double, de projection astrale. Bellatrix était déjà enceinte et n'avait pas participé physiquement à cette bataille. Cette information n'est connue que de ma famille, Les Lestrange, qui ont gardé le secret par dévotion au Seigneur des Ténèbres.

Je réalise l'amitié entre Hermione et Harry, jamais il n'aurait pu dissimuler un mensonge à cette brillante demoiselle. Il n'était pas assez intelligent et elle, si perspicace. Harry était vraiment persuadé d'avoir tué Voldemort. Il le pensait comme tous, dispersé en cendres dans le vent. Harry Potter n'avait pas cherché à se faire passer pour un héros, il avait subi son destin et après la guerre, il avait cherché à retourner dans l'anonymat. Voilà qui écorne ma vision des choses, et surtout la version de Bellatrix.

Je remercie les deux Gryffondors en leur offrant des places pour un match de Quiddich auquel je n'avais aucune envie de participer. Harry Potter est vraiment un blaireau. Comment a t'il pu croire que le Seigneur n'aurait pas prévu une porte de sortie en cas de défaite? Il n'a pas su utiliser la connexion mentale pour découvrir les projets macabres. C'est un nul, qui aujourd'hui nous met tous en péril.

Cours de défense contre les forces du mal. Mon cousin excelle, je suis fier de lui. Maléfice est perdue dans ses pensées, ce qui finit par énerver le professeur qui lui demande d'expliquer son manque d'attention. Sa réponse nous scotche tous et énerve passablement Oliver. Le ton monte. Mon cousin et elle sont en posture de combat. Ca chauffe grave. Les vitres de la salle volent en éclats. Le professeur et les élèves décollent du sol pour être projetés sur les murs avec fracas tandis que Maléfique sort en courant de la classe en pestant. Je suis estomaqué par sa puissance et son aplomb. Ses pouvoirs sont bien plus puissants que je ne le pensais. Ils sont effrayants. Ses pouvoirs font peur. La dernière personne qui avait de telles forces à onze ans, c'était Voldemort.

Mon cousin est en pétard. Je suis également en colère contre la fille. Je tente de discuter avec Oliver. Je le félicite d'avoir remis la donzelle à sa place. Mon cousin me répond d'un ton sec que moi aussi, je suis distrait en cours et que je devrais être plus attentif, au vu de notre histoire familiale. Fatigué par les derniers événements, je lui rétorque sur le même ton qu'il est très mal placé pour me faire la leçon, lui qui se fourvoie en côtoyant des sang mêlés. Nous nous disputons, comme d'habitude depuis mes six ans. Nous ne nous comprenons plus.

Nous avons perdu notre lien fraternel. Il me manque, encore plus depuis ce que j'ai appris. J'ai tellement envie de lui parler, d'obtenir son soutien. Je ne sais pas comment faire. Et d'ailleurs, si ce n'est pas moi qui fais revenir le seigneur des ténèbres, alors c'est lui d'après la prophétie. Et donc, moins il en sait, mieux ce sera. Il n'aura pas le temps de perfectionner sa magie et je pourrais le battre. L'idée qu'un jour, je doive affronter mon cousin adoré me serre le cœur.

Je ferais tout pour empêcher le retour du monstre. Il faudra que mon cousin meure vite et sans douleur. J'ai de nouveau envie de pleurer. Si seulement on n'avait pas tous les deux ce caractère épouvantable. Si seulement nous avions été éduqués pour savoir montrer nos sentiments. Si seulement, nous n'étions pas des sangs purs....

Je pleure tous les soirs en cachette. J'ai des doutes sur l'importance de mon existence. Je n'ai aucun ami sincère. Personne à qui je manquerais vraiment. Je ne parle pas de cette stupide prophétie de malheur. Je parle de quelqu'un pour qui ma présence et ma vie ont de l'importance. Je me persuade que si je venais à mourir, personne ne me regretterait sincèrement. J'aurais un bel enterrement, c'est sûr. Les larmes versées seront de la mascarade ou alors, ce sera des larmes de joie. Oui. Personne ne sera triste.

Il y en a même qui seront heureux. Tous ces sangs mêlés qui verront une famille de sangs purs perdre leur successeur. Ils feront un banquet pour fêter cela. Ils humilieront les valeurs que j'ai défendues pendant si longtemps, la moitié de ma vie voir plus, ces valeurs stupides et fausses. Le reflet dans le miroir me dégoûte chaque matin un peu plus. Ma ressemblance physique avec Bellatrix et Père me donne envie de m'arracher les cheveux et la peau, de me balafrer, de m'enlaidir.

Je saute des repas. Le peu de nourriture que j'avale me fait vomir. Ma vie n'a aucune véritable utilité. Je suis stupide et méchant. Je persécute les autres par plaisir, par devoir familial, pour une famille de pourriture. Je suis un être abject qui ne mérite pas de vivre. Mon humeur est encore plus détestable, je fais du mal pour qu'on me fiche la paix. Personne ne peut m'adresser la parole ou s'approcher de moi sans risquer de se prendre un mot dur ou un sort d'humiliation. Tout le monde m'évite avec soin.

Le feu me fascine. J'ai envie de me jeter dedans pour disparaître. Chaque nuit, je me rapproche du foyer de plus en plus. La chaleur me redonne un semblant de vie. Je vois des souvenirs heureux dans les flammes, des moments avec mon cousin avant mes six ans, des instants avec Louise après mes six ans, les fois où j'ai réussi un sort difficile et me suis senti fort. Les flammes m'apaisent temporairement et je les touche presque du bout des doigts tellement je suis proche. Je vais finir par me brûler à force, peu importe, je veux mourir.

Je suis même allé nager dans le lac noir dans l'espoir de me faire noyer par les strangulots sans succès. J'ai plongé et essayé d'atteindre le fond, l'air venait à me manquer et j'ai aperçu quelques créatures. Au lieu de m'attaquer, ils se sont enfuis à ma vue. Au moment de suffoquer, j'ai brusquement su respirer sous l'eau. Je me suis senti soulevé par une force inconnue et je me suis retrouvé sur le rivage, seul et haletant. Une des créatures m'a certainement secouru bien que je n'en comprenne pas la raison.

Décembre approche et j'ai perdu au moins cinq kilos. J'ai un projet. Je veux me suicider devant ma famille le matin de Noël. Je souhaite les choquer. De cette manière, et si j'en crois la prophétie, la fille aura la tâche plus facile et n'aura que mon cousin à tuer pour empêcher le retour du monstre. Je réfléchis à la meilleure solution. Je ne veux pas qu'il reste un seul morceau utilisable de mon corps. Il faudrait que je m'auto-lance un feu instoppable puis un sortilège de mort. La tâche est ardue, toutefois pas impossible. Il faut que je sois plus rapide que Bellatrix, c'est cela le plus difficile.

Louise a remarqué ma morosité. Elle s'inquiète pour moi. Je doute de sa sincérité, je l'envoie promener, elle persiste. Alors, voulant me trouver que tout n'est que duperie, je pratique de la légilimancie sur elle. Ce que je vois dans sa tête remet à mal tout en ce que je croyais. Non seulement, elle est sincèrement inquiète pour moi et m'affectionne amicalement, mais en plus, elle souffre de me voir ainsi. Je m'en veux d'avoir pratiqué ce sort sur elle. Une nuit, alors j'observe le foyer en flammes, n'arrivant toujours pas à dormir, elle est dans la salle commune pour prendre un verre d'eau. Je lui avoue mon sort, m'attendant à me faire trucider.

Elle me fait un sourire amical. Elle n'est pas fâchée. Louise comprend que quelque chose me tracasse et m'offre son amitié, son oreille attentive, sa présence pour que je ne me morfonde pas seul dans mon coin. Je ne peux pas lui dire la véritable raison de mon mal-être. Je lui donne une demi-vérité. Je souffre du manque de sentiments de Mère et de la froideur que doivent s'imposer les sangs purs. La perte de ma complicité avec mon cousin me pèse. À ma grande surprise, Louise met ses bras autour de mon cou et me fait un câlin amical qui me fait un bien fou. Je ne sais pas comment réagir. C'est la première fois que quelqu'un a un geste affectueux envers moi.

Louise embrasse mes joues. Elle attrape mes bras qui se balancent dans le vide pour les poser autour de sa taille. Sans réaliser ce qui se passe, des larmes commencent à couler sur mon visage. Louise me pousse vers le canapé pour que je m'assoie. Elle se pose sur mes genoux, me caresse les cheveux et le dos avec douceur. Dans un geste maternel, si affectueux, sans que je ne lui dise mes projets, Louise me murmure tout bas :

- Ne te tue pas Benoît. À moi, tu me manqueras. Je pleurerai de tristesse s'il t'arrive quelque chose. Tu es mon ami. Mon seul ami. Mon meilleur ami. Ne fais pas ça. Ils ne méritent pas tes larmes. Je te promets que je serais toujours là quand tu auras besoin de réconfort. Reprends toi. Je t'aime comme un frère.

Je m'endors bercé par ses mots doux et affectueux. Une personne me pleurera. Au moins une personne me pleurera avec amour. Je me réveille le lendemain matin dans le canapé avec un torticolis magistral. Louise est encore sur mes genoux. C'est le bruit du calamar géant à la fenêtre qui me sort du sommeil. Je caresse doucement le dos de mon amie pour qu'elle émerge de sa torpeur. Elle me fait un magnifique sourire, auquel je réponds. Je l'embrasse sur le front.

- Merci Louise. Merci pour tout.

Je ne parviendrais pas à lui en dire plus. Je ne sais pas exprimer mes sentiments. Elle le sait et ne m'en veut pas. Elle regagne son dortoir après m'avoir fait une dernière bise sur la joue.

Louise a raison. Ici, ma famille n'est pas là, sauf mon cousin. Mais lui, il s'en fiche si je m'amuse. Alors profitons des jours à Poudlard pour faire ce que j'aime, pour apprendre à vivre pour moi. Pour redécouvrir ce que j'ai oublié ce dernier mois, avoir une meilleure amie, quelqu'un qui vous soutient. Louise est un ange. C'est mon amie. Ma meilleure amie. Ma seule vraie amie.

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