1.1.7 Petite Fée

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Alice et Rodrigue ont le don de me taper sur les nerfs. En fait, la plupart de mes camarades de classe m'énervent. Je ne supporte qu'Horace et Jamie. Je tolère Sarah. Les autres, m'irritent au plus haut point, Serpentards compris, mais surtout Gryffondors. En trois mois, je me suis déjà pris le bec avec chaque élève de mon année et la moitié des autres années de Serpentards.

Mon cousin Benoît se fait régulièrement remettre à sa place. Je l'aimais tant avant. On était si proches. Mais il est devenu con depuis quelques années. Mis à part Horace, Jamie, Sarah, Alice et Rodrigue, ils ont tous peur de moi. Aujourd'hui, on a cours avec ces andouilles de Gryffondors. Étude des non-mages. Ce cours est au programme dès la première année afin que les sorciers apprennent à comprendre et respecter les moldus, ou plutôt les non mages si on utilise le terme politiquement correct.

Le professeur nous vante l'ingéniosité des non-mages. Il est ridicule, j'apprécie l'ingéniosité des moldus, cependant sa fascination de groupie hystérique est navrante. Il ne les aide pas, bien au contraire, son attitude donne encore plus envie aux jeunes sorciers de se moquer des non-mages.

Tout à son bonheur, le professeur interroge mon petit canard qui boude dans le fond de la classe. C'est la seule née moldue de l'année. Il veut avoir son ressenti en découvrant le monde magique. Vu la tête de mon petit canard, je sens que le moment va être épique.

- Bof. Les Serpentards me méprisent parce que je suis une sang-de-bourbe. Les autres parce que je suis une Serpentard à cause d'un fichu choixpeau. On m'a jugé sans daigner apprendre à me connaître. Il est vachement magique votre monde. Quand je vois votre cours, je me dis que si on privait de magie mes camarades, ils ne tiendraient pas deux jours dans le monde réel sans appeler leur maman.

Le professeur reste sans voix. Elle a parlé d'une voix douce et calme, sans méchanceté. Juste un profond mépris pour ses camarades de classe, la vérité sans fioriture qui fait mal. Un malaise général règne dans la salle de cours, que le professeur tente de dissiper en nous expliquant le fonctionnement d'une torche électrique. À force de l'éteindre et de l'allumer, l'objet ne répond plus et reste inactif.

Je vois Maeve se mordre les lèvres. Elle doit penser à une chose amusante. Maeve fait apparaître dans sa main deux gros cylindres noirs et elle se lève. Maeve prend la torche des mains du professeur sans un mot et ouvre l'objet en deux en dévissant le sommet. Elle sort de la torche des entrailles deux cylindres identiques aux siens, les jettent dans une poubelle et remplace les manquants par ceux qu'elle vient d'amener. Elle revisse la torche et appuie sur le bouton. La torche s'allume de nouveau.

- MAGIEEEEE! Dis t'elle d'un air amusé. Même pas deux jours, je leur donne à vos petits sorciers en herbe.

La cloche sonne. Elle sort en silence. Nous sommes tous encore étourdis de ses propos si vrais et si blessants. Alice se met à courir vers elle. Rodrigue la suit. Je les vois parler avec Maeve. Un attroupement de Gryffondors se fait autour d'elle. Mon petit canard crache sur leurs pieds et reprend son chemin.

Alice se met à pleurer. J'ignore ce qu'elle leur a dit, mais vu leurs têtes pâles, cela a dû être cinglant. Je me rapproche. Je tends un mouchoir à Alice. Même si je ne l'apprécie pas beaucoup, je n'aime pas voir une fille pleurer.

- Ça va ?

- Non. Elle vient de nous demander ce que les héros de la guerre contre Voldemort auraient pensé de leurs descendants. Elle a craché à nos pieds en disant qu'Hermione Granger aurait eu honte de nous. Elle nous a dit que celui qui traite la sang-de-bourbe avec le plus de respect est un Malefoy. Rodrigue murmure et semble sous le choc.

En évoquant leurs arrière-grands-parents, mon petit canard vient de remettre à sa place Rodrigue et Alice devant plusieurs Gryffondors également sous le choc. Je ne sais pas pourquoi Rodrigue m'a confié cela. Peut-être parce qu'elle a cité mon nom de famille. Le pire, c'est que je donne raison à Maeve.

C'est la pause matinale, une quinzaine de minutes avant les deux prochains cours de la matinée. Je cherche la petite moldue. Je m'inquiète pour elle. Maeve s'est cachée derrière une statue. Assise en tailleur, elle est en train de ronchonner en écoutant de la musique. Je lui fais un signe pour savoir si je peux m'asseoir à côté d'elle.

Elle acquiesce en silence sans enlever ses écouteurs. Ses yeux sont verts, une couleur rarissime. Elle me paraît sacrément en pétard et dans le même temps, prête à pleurer. Je vois qu'elle retient ses larmes. Je cueille des pâquerettes et en fait une couronne.

Elle m'observe. Ses yeux redeviennent noisette tandis qu'elle sourit à mon manège. Elle enlève ses écouteurs et ouvre la bouche. Je sens qu'elle va se moquer de moi, cependant, je m'en fous.

- Ça ne fait pas très Serpentard la couronne de fleurs, Majesté.

Je lui pose la couronne sur la tête, je lui fais un grand sourire et un baisemain.

- Je traite mes sujets avec un profond respect et toutes les filles sont des princesses à mes yeux. Même la reine des emmerdeuses qui porte un pyjama licorne et dort avec une peluche.

Ses yeux passent au violet espiègle.

- Merci Oliver.

Elle me fait une bise sur la joue et nous devons arrêter notre échange, la cloche sonnant la fin de la pause et la reprise des cours. Elle garde sa couronne toute la journée, malgré les moqueries. Au repas du soir, Alice et Rodrigue viennent lui apporter leurs desserts, en guise d'offrande de paix.

Alice et Rodrigue lui présentent de nouveau leurs excuses comme tous les Gryffondors de l'année. Les Poufsouffles et les Serdaigles, mis au courant des propos de Maeve et rendus coupables par les Gryffondors et quelques remarques de Serpentards aussi, se joignent aux Rouge et or pour les excuses.

Maeve se moque d'eux. Elle prétexte ne pas vouloir s'abaisser à leur niveau et avoir la noblesse de leur accorder une seconde chance. Le ton est un peu méprisant et très sarcastique. Très Serpentard en fait, c'est de bonne guerre. Je n'aurais pas fait mieux à sa place. Quelque part, je suis fier d'elle et de sa façon de répondre. Elle a été vers eux le premier jour et ils l'ont snobé juste parce qu'elle était Serpentard.

- Vous êtes désolés ? .... Va pour une seconde chance parce que j'ai un cœur noble et que je ne veux pas m'abaisser à des actions aussi viles et basses. Toutefois, pour l'instant, je ne pardonne pas. Peut-être avec du temps, si vous ne bafouez pas encore une fois les valeurs de votre maison.

Ils se sentent tous minables, quelques Serpentards aussi baissent les yeux. Je partage ce sentiment de colère que ressent mon petit canard, tout comme j'ai honte de ma maison et compatis aux remords des autres maisons.

Nous venons tous de prendre une sacrée leçon de vie de la part de Maeve. Une leçon de tolérance et d'humilité. J'ai envie d'aller la câliner sans pour autant oser m'avancer vers elle. De toute manière, elle parade avec sa couronne sans chercher à discuter avec qui que ce soit.

Après le repas, Alice et Rodrigue l'invitent à venir papoter avec eux dans la cour extérieure. Elle les suit docilement. Les Rouges et Or tentent de l'amadouer et de se faire pardonner. Maeve reste calme et parle peu, le minimum pour être polie. Très vite, elle trouve un prétexte et s'éclipse pour s'isoler de cette foule inhabituelle à ses côtés.

Je ne la revois que le lendemain matin. C'est samedi. Elle a toujours ma couronne sur la tête. Maeve lui a jeté un sort pour qu'elle reste fraîche et belle et que des papillons lui volent autour de la tête. Aucun gars de Serpentard n'arrive à rester sérieux devant son look pyjama licorne, chat en peluche et couronne de fleurs avec papillons. On rit sans aucune méchanceté d'un tel décalage. Les gars pleurent de rire. Une fée. Les Serpentards hébergent une fée du printemps.

Les filles n'arrivent pas à stopper notre hilarité. Dès qu'on pose les yeux sur elle ou sur les yeux courroucés des filles, on se remet à rire. Il n'y a vraiment aucune méchanceté chez les garçons. Maeve est si adorable et mignonne qu'on craque tous. Elle nous donne envie de lui faire un câlin, comme à un bébé. Son sourire lumineux si inhabituel chez les Serpentards, attendrit les gars.

Un de nous s'amuse à faire apparaître des petits lapins qui lui tournent autour pour le plus grand plaisir de ma donzelle. Elle le remercie en blaguant. Elle tourbillonne pour nous faire sourire davantage. Je fais pousser des fleurs sur son pyjama et dans ses cheveux. Horace rend ses cheveux arcs en ciel. Elle se prête de bonne grâce à notre relooking matinal.

Elle se met à danser légèrement quand Jamie lui envoie un oiseau chanter sur sa main. Un autre gars transforme son pyjama en robe de princesse de conte de fées multicolores. Les références culturelles Disney pleuvent, allant de Mulan à Aurore.

L'un de nous la transforme en Blanche Neige et lui demande de se choisir sept petits nains. Je me propose d'emblée pour Grincheux, faisant mourir de rire les gars. Jamie accepte le rôle de Joyeux. Horace endosse le surnom de Timide. Un mec toujours enrhumé devient Atchoum. Le préfet qui passait par là devient Prof et un pote, toujours ensommeillé se fait attribué le petit nom de Dormeur. Tous refuse de devenir Simplet. C'est un fou rire masculin général.

Maeve a parfaitement conscience de son look décalé, mais l'assume pleinement. Une confiance en elle digne des Serpentards. Une troupe de mecs hilares est autour d'elle. Chacun met sa petite touche printanière. Elle nous remercie l'un après l'autre avec un grand sourire espiègle et charmeur. Il n'y que mon cousin qui fait la gueule chez les mecs. Les filles sont furieuses, sauf Sarah. Mon amie est lovée sur les genoux de son frère et observe Maeve d'un air curieux.

- Vous piquez les yeux miss rebelle.

Le professeur Bordial vient d'entrer. Son visage et son ton semble neutre. Je vois néanmoins un léger sourire en coin.

- Désolé de vous déranger en si bonne compagnie, mais je dois vous parler de toute urgence. Pourriez-vous venir dans mon bureau dès que vous serez présentable ?

- Bien sûr professeur. J'arrive de suite.

Elle utilise un sort. Une lumière vive apparaît puis lorsqu'elle s'atténue, la miss est en uniforme, sans fioritures, les cheveux en chignons.

- Merci les garçons. J'ai adoré ce moment de rigolade amicale.

Elle suit le professeur et ils s'éloignent rapidement.

- Totalement décalée, mais cool comme nana.

Un gars la suit du regard en souriant. Les autres approuvent et je vois dans leurs yeux qu'ils ont eux aussi passer un bon moment et se semble mal d'avoir ignoré ou insulté la petite Maeve depuis la rentrée. Tout ça à cause de fichues croyances sur le sang.

- Son look est atypique certes, mais c'est une Serpentard. Il serait temps qu'on la traite comme une des nôtres. Hermione Granger était une sang-de-bourbe comme elle. Ça reste une des meilleures sorcières de tous les temps. Même mon ancêtre Drago l'a reconnu. N'oubliez pas que Maeve a mis en échec les filles de dernière année dès son premier jour. Seul le professeur Bordial a su défaire son sort. On ignore ses talents. Il serait intelligent de la traiter correctement.

Je viens de remettre les pendules à l'heure des Serpentards, garçons comme filles. J'ignore pourquoi j'ai pris la défense de Maeve. Elle m'intrigue tout comme elle m'énerve. Nous ne la revoyons plus du week-end. Lorsqu'elle rentre, les gars de la maison se montrent un peu plus cool avec elle, surtout Horace qui est en pleine opération séduction amicale. Les filles continuent de la traiter avec mépris ou indifférence.

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