Les poches pleines, le cœur vide

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Marius s'était construit un empire en vendant des objets d'occasion à prix d'or. Dans son quartier, on ne parlait plus que de lui : "l'homme au Monopole de la misère", disaient les mauvaises langues. Les autres se contentaient de le saluer d'un signe de tête, sans trop s'approcher. Sa boutique sentait le renfermé, avec dans l'air un parfum d'abandon.

Chaque matin, il soulevait le rideau de fer avec une lenteur étudiée, comme s'il mesurait l'importance de son geste... Cette attidude, mi-sérieuse, mi-provocante, en disait beaucoup : Marius se savait indispensable : À la moindre panne, au moindre besoin d'un outil, d'un meuble ou encore d'un vêtement, les voisins venaient chez lui.

Car, malgré la poussière, les prix exorbitants et son air sec, il avait toujours ce qu'il fallait. Il le savait. Et il en jouait.

Un jour, une gamine entra. Elle devait avoir neuf ans, les cheveux en bataille, le regard décidé. Elle tendit une tirelire en forme de cochon.

- Je voudrais une lampe pour ma maman. Elle lit dans le noir depuis que l'ampoule est cassée.

Marius souleva un sourcil.

- Tu as de l'argent ?

Elle hocha la tête et renversa le cochon. Pièces rouges, jaunes et quelques argentées. Pas de quoi faire tourner la boutique.

Il soupira.

- Ça ne suffira pas. Reviens quand t'auras le compte.

- Mais c'est pour ma maman... Elle est fatiguée, elle n'a plus rien...

Il croisa les bras.

- Et moi, tu crois que j'ai quelque chose à donner ? Je ne suis pas une œuvre de bienfaisance.

Radin. Le mot s'emblait s'afficher en gros sur son front.

Le petite recula, les yeux brillants. Et partit sans un mot.

Le soir même, la rumeur enfla. "Il a refusé d'aider une gosse !", "Même pas un geste !".

Le quartier murmurait avec mépris, exaspéré par cette énième démonsration d'indifférence.

Le lendemain, la boutique resta vide.

Pas une visite, pas une vente.

Marius regardait la rue, inquiet. Le vent faisait voler une affiche collée à la va-vite :

"BOYCOTT : ON N'ALIMENTE PLUS LES MONSTRES !"

Il serra les dents, il n'avait jamais été égoïste, se répétait-il. Il avait juste fait ce qu'il fallait pour survivre. Il gérait son business. Il ne devait RIEN à personne.

Mais ce jour-là, dans le silence pesant de son antre, il réalisa que survivre n'était pas vivre.

Et que l'économie du coeur n'enrichit jamais personne.

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